Editions BEAUCHESNE

49.50 €

PRÉSENCE DE VLADIMIR JANKÉLÉVITCH. LE CHARME ET L'OCCASION

PRÉSENCE DE VLADIMIR JANKÉLÉVITCH. LE CHARME ET L\'OCCASION

Ajouter au panier

Date d'ajout : samedi 08 janvier 2011

par ROBERT MAGGIORI

LIBÉRATION 30 DÉCEMBRE 2010

On tiendrait pour rhétorique question de la présence de Vladimir Jankélévitch, si, par là, on voulait indiquer la place, notable, .qu'il a dans la philosophie contemporaine – que nul ne conteste. On la considérerait plus conjoncturelle, et de bonnes guerres, si elle renvoyait à tout un ensemble d'activités (journées d' études, publications ... ) qui la sauvent des oublis momentanés, et la réactualisent :c'est le cas de Présence de Vladimir Jankélévitch, ouvrage collectif issu d'un colloque à l’ENS (Élisabeth de Fontenay, Lucien Jerphagnon, Frédéric Worms, Alain Le Guyader, Michèle Le Dœuff ... ), et enrichi de textes du philosophe devenus introuvables.·
Quel que soit le sens qu'on adopte, parler de présence à propos de Jankélévitch fait cependant problème. D'abord parce que son nom est bien plus «présent» que son œuvre. Celle-ci a fleuri dans des jardins étranges où l'on voyait déambuler Plotin et Pascal, Gracian, Fénelon, Bergson, Schelling, Angelus Silesius, saint François de Sales ou Chestov, et jamais les « grands prêtres de la pensée moderne ! », pas même Freud, Marx ou Heidegger. Désormais elle suscite un fort intérêt, à l'étranger comme en France, notamment chez de jeunes penseurs : mais cela ne fait pas oublier que, longtemps, parce qu' « inactuelle » justement, hors piste, elle resta inaperçue, ignorée... Il est d'ailleurs cocasse de voir tel philosophe faire, encore aujourd'hui, comme si l'œuvre de Jankélévitch « n'existait pas » et publier des livres sur l'amour ou la morale qu'il eut dare-dare « remis sur le métier » s'il avait su qu'elle existait ! Ici, la présence est donc celle, potentielle, de la ressource minière, du gisement en partie inexploité. « Jankélévitch n'est localisable ni en un lieu, ni dans une niche de la tradition, ni, non plus, à de nombreux égards, dans le débat du XXe siècle», mais, précise Enrica Lisciani-Petrini, « c'est dans cette, "extraterritorialité" que résident sa force, l'importance et la nouveauté de sa .réflexion philosophique ».
« Never more ». Si le terme de « présence » messied a Jankélévitch, c'est, ensuite, parce que sa pensée, dont le modèle est la musique, ne s'est pas attachée à rechercher ce qui, « est » (présent), un objet tapi dans une cachette ou un réel masqué par les voiles de l'illusion, mais à capter ce qui n'est « presque pas », l'évanescence, l'apparition disparaissante, l'éclair séparant le se-faisant du déjà-fait. On sait fastueuse et virtuose la langue de Jankélévitch : c'est qu'elle doit briller de mille feux pour pouvoir éclairer les niches les plus profondes de l'expérience intérieure, être capable de saisir le moindre mouvement de l'âme, entrevoir ces infimes oscillations de la conscience qui par des je-ne-sais-quoi la font inopinément se raviser, qui muent un geste désintéressé en calcul, une vraie modestie en une fausse, une vertu en une petite-vertu, le bien qu’on veut à l'autre en bien qu'on se fait à soi. Hanté par le mystère de l'irréversibilité, la succession de « nevermore », d'instants uniques qu'il appartient à chacun de passionner et d'occasions qu'il faut avoir la promptitude de cueillir (« ne ratez pas votre matinée de printemps », disait –il : ce sourire était pour vous et vous ne l'avez pas vu, ces yeux vous imploraient, et vous avez passé votre chemin ... ), Jankélévitch se moquait au fond de ce qui ne fait qu'être là, de ce qui séjourne en bourgeois dans son être et étale sa présence, comme la Beauté qui se contenterait de « poser » et qui incapable d'aimer répéterait « aimez-moi », ou la Bonté qui oublierait d'être bienfaisance : « Une bonté qui ne bonifie rien, une bonté quiescente et paresseuse est comme une flamme qui ne brillerait pas, n'éclairerait personne ni n'échaufferait rien. »
Nolonté et aboulie. Dans la philosophie morale de Jankélévitch, note Arnold Davidson, on ne trouve guère de « substances », mais des opérations (au sens où l'on dit: « le charme opère »), des mouvements, des transfigurations et des transitivités. Il n'y a pas, autrement dit, de valeurs qui préexistent à l'action de l'homme, pas de Bien ni de Mal substantiels dont le « contact » bonifierait ou infecterait la volonté. Le Bien (ou le Mal) n'est pas « présent » comme objet dans le monde, n'est pas de ce monde, ni d'un autre, passé ou à venir : il est, dit Jankélévitch, « un adverbe du verbe vouloir ou un adjectif qualitatif de la volonté », il est une « affaire » du sujet, un « à-faire », et ne serait pas sans une volonté pour le faire. Mais là encore, que de distinctions subtiles ! Comment capter l'instant où la velléité réveille la nolonté et l'aboulie de leur sommeil, où la volonté « qui veut du bout des lèvres » se met soudain à vouloir mordicus ? Comment, entre la frivolité, qui fait semblant de faire, et l'activisme, qui fait pour faire, repérer les formes d'une effectivité courageuse qui fait le bien en dépit de toutes les raisons que donne la raison de ne pas le faire?
« Métalogique ». La philosophie de Jankélévitch a été souvent réduite à des « scintillements éblouissants », déplore Enrica Lisciani-Petrini, qui s'efforce au contraire de la présenter en « science dure et rigoureuse ». Il est vrai que, spontanément, si on pose que Jankélévitch « poursuit bien le projet de disposer une philosophie du mystère, de l'insaisissable, de l'ineffable », comme l'écrit Pierre-Michel Klein, on pense qu'il renonce à la conceptualisation. Erreur. Sa force, c'est d'avoir justement tissé les fils surfins d'une « logique de l'irrationnel », baptisée « métalogique ».« Cette métalogique, précise Pierre-Michel Klein, serait dans la sphère de la pensée la forme où s'appréhenderait l' entrevision d'étranges objets d'un certain monde nommé " métempirique ", objets à la fois familiers et mystérieux : l'amour, la mort, la méchanceté, la sincérité, la création, et puis bien sûr le temps, et surtout dans le temps le mystérieux "instant". Or ces objets ne sont pas des objets…, Ce sont des événements qui adviennent dans le devenir, qui nous surprennent soudainement et puis qui nous retiennent par la force infinie et invisible de leur disparition. » Ils « s'imposent à nos existences », et il arrive qu'ils les changent du tout au tout, parfois par presque rien. Pour les penser, Vladimir Jankélévitch (Bourges, 1903 - Paris, 1985) est allé jusqu'à la fine pointe Finisterre de la pensée, là où elle « se brise »: « un mil1imètre de plus et vous ne pouvez plus rien en dire ».


Donnez votre avis Retour
RECHERCHER DANS LE CATALOGUE BEAUCHESNE

aide


DICTIONNAIRE DE SPIRITUALITÉ
ÉDITION RELIÉE
DS

LE COMPLÉMENT PAPIER INDISPENSABLE DE :

DS
ÉDITION EN LIGNE




EN PRÉPARATION
LA RÉVOLUTION DE L’ÉCRIT. EFFETS ESTHÉTIQUES ET CULTURELS

FOLIES ET RIEN QUE FOLIES

Fascicule I
dans la même collection
Fascicule II Fascicule III Fascicule IVa Fascicule IVb

PENSÉE SYMPHONIQUE

LE POUVOIR AU FÉMININ

JEAN BAUDOIN (CA. 1584-1650) Le moraliste et l’expression emblématique

Écrits sur la religion


L'Education Musicale


SYNTHÈSE DOGMATIQUE

Partager et Faire savoir
Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur Google Buzz Partager sur Digg