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LES LARMES, LA NOURRITURE, LE SILENCE

LES LARMES, LA NOURRITURE, LE SILENCE

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Date d'ajout : mercredi 07 octobre 2015

par C. VAN DEN BERGEN-PANTENS

REVUE : BULLETIN CODICOLOGIQUE, 2002

Ce petit ouvrage très dense, dont la bibliographie est particulièrement récente, présente ce que les auteurs chartreux, des origines à nos jours (liste p. 147-152), ont exprimé concernant les fondements mêmes de leur règle : le désert (géographique et spirituel), la clôture (coupure du monde ou rapports minimaux avec lui) et la prière. L'isolement physique, le détachement, le silence et l'austérité continuels, équilibrés par des activités manuelles, permettent aux chartreux de se consacrer à Dieu et de tenter de le contempler grâce à des méditations solitaires.
Les images que les chefs spirituels de l'ordre ont utilisées pour concrétiser ces démarches sont rassemblées ici sous trois thèmes : 1) Les larmes (p. 135v). Elles sont la manifestation d'une purification intérieure en noyant les péchés. Le Moyen Âge et les auteurs chartreux y attachent une grande importance; larmes de compassion en contemplant les souffrances du Christ et de son prochain, elles peuvent aussi avoir une valeur curative, telle l'huile médicinale qui évite au moine retranché dans sa cellule le desséchement du cœur. Elles sont le « sang du cœur », associées aux fleuves du Paradis, à la Vierge, à Marie-Madeleine. La méditation sur les plaies du Christ, mise en évidence par la Dévotion moderne, dénote l'influence de celle-ci sur la règle cartusienne (cf. Londres, BL, add. 37049).
2) La nourriture (p. 41 et suiv.) - le verbe divin - dont l'âme se repaît, est comparable au raisin qu'il faut broyer et mâcher pour en extraire le jus nourricier, opération en profondeur que les chartreux opposent à la démarche, selon eux superficielle, de la Dévotion moderne. La connaissance de Dieu, la Fruilio Dei, stade ultime de la méditation du moine, est associée à un goût, à une saveur, à une odeur (les fruits du Paradis, le Jardin des Délices, les arômes de la prière, le pain vivant), à une image telle celle de la Samaritaine (alias l'Eglise puisant la Foi) au puits (de la connaissance de l'Eucharistie).
3) Le silence (p. 75 et suiv.), extérieur et intérieur, est une autre marque de purification qui permet au moine d'accueillir Dieu. Il est l'origine et l'aboutissement de sa vie contemplative et sa cellule une Terre Sainte au cœur de laquelle, face à la divinité, il communie avec elle. L'Echelle de Jacob symbolise cette ascension.
Saint Bruno avait, dés l'origine, compris que personne ne supporterait sans faillir une discipline aussi contraignante - un arc tendu sans relâche perdant de sa force et devenant moins propre à son office. C'est pourquoi il invitait le moine, au cœur de sa cellule (comparée à un château, à une chambre de cœur, au Temple de la Vierge) à se livrer aux travaux manuels en les restructurant vers Dieu. Il gagnerait ainsi son pain et ses vêtements (menuiserie, poterie, etc.) et diffuserait le message divin en se livrant à le lecture, aux commentaires et à la copie des livres saints, hagiographiques et liturgiques : la Lectio divina et la Scriptio divina (p. 136 et suiv.). Selon les Coutumes de Chartreuse de Guigues ler, prieur de la Grande Chartreuse de 1106 à 1136 (éd. Paris, « Sources Chrétiennes », n° 313), chaque cellule est pourvue de deux mss dont le moine est responsable et dont il doit prendre le plus grand soin. La liste des objets nécessaires à la copie est particulièrement détaillée (p. 137) ; sont aussi prévus d'autres ustensiles pour une autre forme d'art (couleurs ? enluminures ?, etc.), saint Bruno n'ayant pas exclu un certain décor des cellules. La familiarité avec la préparation du parchemin fait partie des images édifiantes : l'âme, tel un parchemin sec et racorni, est dilatée et détendue grâce à l'intervention du Saint-Esprit.
L'Opus Pacis d'Oswald de Corda (moine à la Grande Chartreuse en 1427,  1434) consigne les règles d'écriture et de la correction des textes (règles de grammaire, respect des langues originales, etc., p. 138-139). Elles font des chartreux, qui reçoivent régulièrement des commandes de l'extérieur, des copistes réputés pour leur méticulosité. Enfin, le nombre de rappels aux règles fondamentales de l'ordre (celles-ci parfois plus humaines que les édits postérieurs) prouvent les divers essais tentant de les assouplir (ex. p. 132 : allusion aux peintures, tapisseries, ornements, animaux familiers, etc.) et on ne peut s'empêcher de penser aux décors des chartreuses de Pavie, de Champmol, d'Hérines, etc., comblées par les ducs.
L'étude du tableau au donateur chartreux des Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles sortirait certainement enrichie des apports que cet ouvrage-ci lui procurerait (C. Van den Bergen-Pantens, « A propos de deux volets d'un retable chartreux et de leur apport à l'iconographie de saint Bruno », Bulletin des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 1969/3-4, p. 109-119).


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