CENTRE PROTESTANT D'ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION, 1984

La « présentatrice » - Mlle Perrin prend ce titre plein de modestie - est une spécialiste de l'étude du Père Laberthonnière (1860-1932). Elle a déjà publié (Beauchesne) un volume concernant sa jeunesse, et un recueil de lettres écrites ou reçues par lui de 1905 à 1916, recueil auquel celui-ci fait suite, avec méthodes analogues (les papiers, abondants, du Père sont à la Bibl. Nat.). Les lettres sont groupées à la fois selon la chronologie et selon les correspondants et accompagnés de quelques commentaires, ce qui, grâce à l'art discret du Mlle P., aboutit à un groupement clair par sujets. À la fin, quelques résumés d'exposés familiers faits par le Père à la fin de sa vie, à des dames, vers 1929-1931, permettent de se faire une idée plus théorique des raisons pour lesquelles il était « persécuté » (depuis 1913 il lui était interdit de publier; il avait été entraîné dans le désastre des modernistes, bien que n'étant pas du tout un critique de la Bible). On lui reprochait en haut lieu son esprit indépendant et polémique, son horreur de l'Église comme organisme d'autorité.
Le Père, beaucoup de gens le savent depuis la publication des souvenirs de feu Marc Boegner, L'Exigence Œcuménique, était lié d'amitié avec M.B., et ce recueil nous apporte une dizaine de lettres intéressantes et affectueuses échangées entre les deux hommes. Quelques autres montrent qu'à la fin de sa vie Laberthonnière échangea des propos très aimables avec Söderblom et avec le Dr Skydsgaard. Faisant au « romanisme » des reproches sévères très propres à plaire à des protestants, le Père prenait cependant grand soin de marquer qu'il ne songeait point à changer d'Église.
Ces rapports avec des protestants éminents ne tiennent dans le livre qu'une petite place. L'essentiel concerne la guerre (l'on y sera surpris de la violence extrême des accusations portées contre le pape Benoît XV), puis la résultante de la victoire, la réconciliation du catholicisme avec la République. Et par la suite les débats intérieurs au catholicisme ; les prédications « du » P. Sanson rédigées par son aîné Laberthonnière; les rapports orageux de Maurice Blondel (pourtant, aux yeux de l'histoire, assez voisin de lui en plus diplomate) avec Laberthonnière ; la mise à l'index et la rétractation d'Édouard Le Roy ; les difficultés du malheureux L. enfin avec son supérieur de l'Oratoire, le P. Brillet. Le livre est sans complaisance - Alfred Baudrillart (1859-1942), en tant que recteur (il n'était pas encore cardinal), y est durement traité. Il s'agit d'une époque déjà bien loin de nous (et du catholicisme actuel) par l'esprit, et de luttes rudes (même parfois féroces, et beaucoup moins franches qu'en milieu protestant).