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05- LA CONDAMNATION DE LAMENNAIS

05- LA CONDAMNATION DE LAMENNAIS

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Date d'ajout : mardi 18 avril 2017

par Yves CONGAR

TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN, juillet 1982

Uri genie ioudroyé :
Lamennais

« Tous nous descendons de Iui
a quelque degré... »

par Yves CONGAR

On n'avait encore jamais publié l’intégralité des pièces qui ont prépare une condamnation romaine. Voici qui est fait. Et pour une des causes qui touchent au cœur notre catholicisme français et même, peut-on dire, notre monde contemporain. ll s'agit de Lamennais : un des plus grands talents du XIXe siècle, celui qui avait senti et exprimé les grandes mutations en cours et que, pour ce motif, Victor Hugo qualifiait d’« effrayant d’avenir »
L’accès au dossier a été possible du fait qu'il ne se trouvait pas au « Saint Office », mais aux Archives secrètes de la Secrétairerie d'État, et que les plus hautes autorités en ont permis l’accès et la publication.
Ce n'était pas un mince travail : deux cents documents, certains d’une trentaine de pages. Les frères Le Gulliou, le dominicain et le professeur de Brest, éditeur de la Correspondance de Lamennais (9 volumes) l’ont assuré avec l'aide de plusieurs italianisants, car beaucoup de pièces sont traduites d’un italien parfois dialectal. La valeur documentaire du Dossier est exceptionnelle. Mais nous voudrions surtout dire ici ce qui se dégage de la procédure et comment nous apparaissent les enjeux du drame qui s’est joué en ces années1829-1834.
L’affaire a-t-elle été politique ? En un sens, oui, d'un bout a l'autre, nous le verrons dans les enjeux. L’a-t-elle été au sens ou la pression d'un pouvoir politique réactionnaire aurait déterminé le Saint-Siège a intervenir ? Non. Les interventions ont été antérieures à ces pressions, et doctrinales. Et les documents montrent qu'en 1833 la Saint-Siège n'était pas décidé « à briser » Lamennais. La pression venait plutôt des évêques français (Mgr d’Astros, Toulouse). Mais Metternich suivait l’affaire ; sa police interceptait les lettres, en prenait copie, les communiquait au Vatican. La, on était assez disposé a prêter attention, car on y redoutait comme la peste les révolutions et tout ébranlement des autorités établies. Le soutien donné par le pape Grégoire XVI à la répression de l’insurrection polonaise par le Tsar a été décisif pour amener Lamennais à la rupture. Pauvre grand génie blessé, II a vécu solitaire et pauvre jusqu’a ce que, dans la fosse commune, il soit réuni au peuple dont il avait été le prophète.
La grande idée du Lamennais condamné était en effet le peuple. Les régimes de privilèges, d’adulation des grands, de domination des possédants, étaient révolus ou proches de l’être. La chance historique était a la liberté, a l'égalité. Cela se traduira après la rupture, dans un prophétisme révolutionnaire relevant de ce qu’Henri Desroche appelle le socialisme utopique : quelque chose d'assez proche du saint-simonisme. Au début de L’Avenir, cela se traduisait dans un appel à la liberté, celle de l'expression de la pensée, donc de la Presse. Une nouvelle puissance était née, l’opinion publique, comme le Père Le Guillou le montre dans sa postface. Les bases de la société devaient en être changées : non plus l’ordre de soumission a quelques privilégiés du rang social ou de l’argent, mais la liberté et des chances égales pour tous. Dans l’Église même, Lamennais ne mettait pas en question la hiérarchie. Il avait combattu en faveur des thèses ultramontaines dans une France gallicane. Mais il était pour la liberté de l’Église, donc sa séparation d'avec l’État, pour l'élection des évêques pour qu'on tienne compte du sentiment commun de l'Église de Dieu. Il aurait aimé l'expression de Vatican II : le peuple de Dieu.
On l’accusait - et c'est la où l'affaire est d'un bout a l'autre politique - de saper les autorités, de prôner et de fomenter la révolution. Même l'encyclique Mirari vos du 15 août 1832 - un anniversaire ! - qui le condamnait sans le nommer reprend ces reproches avec véhémence. Elle emploie, hélas, des expressions que nous ne pouvons lire sans malaise.
Lamennais s’est-il soumis ? Au début, oui, de façon inconditionnée. Mais très vite il a distingué entre les aspects de doctrine religieuse, où il s’inclinait devant l’autorité du Pape, et les points de politique concrète, où il préservait sa liberté et sur lesquels, de fait, il ne s’accordait pas avec ce qu’on attendait de lui.
Lamennais est né en 1782. C’est son centenaire. Il avait juste cinquante ans lorsque Mirari vos le frappa. Quel chemin parcouru depuis lors ! Tous nous descendons de lui a quelque degré. Car il a eu, sur une histoire qui est la nôtre, des vues fulgurantes, effrayantes d'avenir.
Il n’y a que les grands génies à se tromper grandement. Chez lui, le sentiment raide et fermé d’avoir raison l’a braqué contre des suspicions puis des désaveux où se mêlaient de la clairvoyance et de l’incompréhension. Mais nous ne pouvons pas le relire sans que quelque chose vibre en nous, le frémissement de ce qu’il prophétisait et que nous vivons !


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