ÉTUDES, décembre 1982

Comme le déclare lui-même M. J. Le Guillou, o.p., ce dossier éclaire et complète en quelque sorte la Correspondance générale éditée par son frère L. Le Guillou. Il s‘agissait donc de réunir et d’annoter cet énorme dossier, à la vérité fait de pièces éparses et d’intérêt inégal. Mais quel dossier, puisqu'il est extrait des archives secrètes de la Congrégation du Saint-Office ! Il y aurait un autre livre à écrire : les péripéties de la n chasse » au dossier, repéré en 1964, jusqu’à sa publication en 1982... Bien entendu, on s’attendait à des révélations sensationnelles, accablantes pour l'autorité romaine jusqu’alors jugée comme « sous influence » des pressions diplomatiques dans la condamnation de Lamennais. S’il reste clair que Lamennais ne fut jamais entendu pour sa défense par ses juges, les « révélations » sont d’un autre ordre que prévu. En effet, nombre de documents prouvent que les consulteurs romains étaient parfaitement bien informés des thèses et publications de Félicité. Alors ?... Alors on devine assez vite pourquoi Lamennais devait avoir tort et être condamné. On ne pouvait absoudre et même comprendre un homme qui prétendait défendre les « libertés modernes » anathématisées par tous les papes, depuis Pie VII. Avec une lucide objectivité, le P. Le Guillou conclut, dans sa postface : « A ces responsables qui croient vivre encore dans un climat de chrétienté qu'ils ne peuvent dépasser, Lamennais apparaît comme l'homme de la révolution qui vient malencontreusement justifier les principes révolutionnaires, devenant ainsi le pire des ennemis de l’Église » (p. 743). De sorte que le véritable intérêt scientifique de ces quelque 200 documents publiés est de fournir une matière brute à l'étude des catégories mentales des théologiens romains de l'époque, à celle du choc des idéologies bloquées dans des enjeux politico-ecclésiaux antinomiques. Là se perpétue durablement, croyons-nous, le « cas » Lamennais, que celui-ci soit ou non récupérable, dans une perspective trop contemporaine, par une « théologie » des droits de l‘homme.