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LA POLITIQUE DES RELIQUES DE CONSTANTIN A SAINT-LOUIS
[213044]

LA POLITIQUE DES RELIQUES DE CONSTANTIN A SAINT-LOUIS

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Date d'ajout : mercredi 17 juin 2009

par Alain RAUWEL

CAHIERS DE CIVILISATION MEDIEVALE, 51, 2008

Pas de doute, parmi les médiévistes, les reliques sont à la mode. Cette manifestation par excellence de l'objectivation du sacré attire et fascine. On n'a jamais tant écrit sur les corps saints, les reliquaires, les translations, les sanctuaires et pèlerinages... E. Bozoky n'est pas pour rien dans ce mouvement: c'est elle qui a édité, avec Anne-Marie Helvétius, les actes du grand colloque tenu à Boulogne en 1997, qui ont marqué une étape décisive dans l'affirmation de ce nouveau champ d'études. Faut-il alors penser qu'elle s'est convertie aux reliques? Il serait plus juste de voir là une profonde continuité par rapport à des intérêts qu'elle cultive de longue date, notamment les charmes et formules apotropaïques, sur lesquels elle a donné récemment une belle synthèse. Qu'est-ce qui produit, en effet, l'action d'un charme ou d'une relique, sinon cette force étrange qui émane de l'objet ou de la prière et que les médiévaux désignent du nom largement polysémique de virtus? C'est à cette vertu que, sous de multiples points de vue, s'intéresse E. Bozoky.
S'agissant du corps des saints, la fréquentation des recueils de miracles montre à satiété qu'il fait du bien aux âmes, sans doute, mais aussi et peut-être surtout aux corps, non seulement les corps individuels des pauvres malades, mais aussi les corps sociaux au milieu desquels il est conservé, vénéré, voire sanctionné s'il agit mal ou n'agit pas ... De cette façon la relique est un objet politique. On comprend donc qu'elle ait, dès les origines du culte des saints, attiré ceux qui se percevaient comme investis du pouvoir et du devoir de garantir dans la cité l'ordre voulu par Dieu. Tel fragment de la Croix, le chef de tel martyr, le bras de tel confesseur: autant d'auxiliaires du prince, à la fois bien visibles et sensibles et en communication directe avec les forces surnaturelles. D'où le souhait de tout maître de territoire chrétien: accumuler le plus grand nombre possible de reliques, et les plus puissantes possibles, pour protéger et fortifier sa terre et son peuple, et singulièrement pour y garantir la paix. Songeons aux grands congrès de reliques qui accompagnent, autour de l'an mil, les assemblées où l'on fait prêter aux grands le serment de paix. Même les moyens les plus scabreux étaient bons pour garnir ses phylacteria: on voit ainsi un comte de Louvain se faire offrir des reliques par une nonne devenue sa maîtresse ...
E. Bozoky souligne l'ancienneté d'un tel réflexe. Dès Constantin, montre-t-elle, les reliques assurent la stabilité de l'Empire. Rien d'étonnant, donc, à ce que les empereurs byzantins, installés dans la capitale fondée par l'évêque du dehors, aient suivi son exemple et par là même donné l'exemple. C'est une des convictions de l'A.: les princes d'Occident, en cette matière, ont largement suivi le modèle des apports, des dons, des cultes pratiqués à Byzance. Longtemps, ils ont regardé et copié; un jour, lorsque les circonstances s'y sont prêtées, ils se sont rués sur ce trésor céleste: ce fut la désastreuse croisade de 1204. C'est en grande partie à cause de ce passage à l'Ouest des richesses spirituelles de l'Empire d'Orient qu'E. Bozoky termine son enquête au s., quand les reliques de la Passion viennent sceller l'entreprise de christianisation en profondeur voulue par Saint Louis pour le Royaume des Lys. On la comprend, bien sûr, mais on ne peut s'empêcher de réagir comme elle, qui lance un regard au-delà de la date fixée, vers Charles IV et la prodigieuse chapelle Sainte-Croix du château de Karlstein, ce Cosmos en miniature voué à l'exaltation politico-religieuse d'un idéal impérial qui, quoi qu'on dise, n'était pas tant que cela en perte de vitesse un siècle après ce contemporain de Saint Louis, Frédéric II, le contempteur des reliques... Aussi est-on rassuré de lire en conclusion qu'E. Bozoky a en projet une continuation chronologique de sa recherche: nous l'attendons avec impatience.
La somme ici décrite est fondée sur un très large recours aux sources originales; l'A., à juste titre, préfère les récits des chroniqueurs à la littérature secondaire. Sa moisson est, de ce point de vue, d'une grande richesse. On pourrait discuter, à l'occasion, les éditions retenues. Par exemple, l'acte de fondation du prieuré de Plélan est discuté à deux reprises (chap. I et IV). Cette pièce se lit au Cartulaire de Redon, cité ici dans l'édition Courson de 1863 ; la belle édition fac-similé procurée à Rennes en 1998 remplace avantageusement cette version ancienne, qui n'est pas irréprochable. De même, certains dossiers, qu'il était inévitable d'exposer rapidement dans le cadre d'une synthèse portant sur plusieurs siècles et d'immenses espaces, pourraient-ils faire l'objet d'une analyse plus développée. Un cas remarquable est celui de saint Médard: E. Bozoky relate la construction d'une basilique autour de son corps par roi Clotaire, destinée à devenir une des plus grandes abbayes du royaume. Mais on pourrait ajouter que saint Médard n'est pas resté à Soissons! En 901, ses reliques ont été transférées à Dijon par le comte Aimar. Rien de plus politique que ce transfert, si l'on suit les hypothèses fort raisonnables défendues par le chanoine Chaume (Les Comtes de Dijon de la seconde race: étude sur la translation des reliques de S. Médard de Soissons à Dijon en l'an 901, Mémoires de l'Académie de Dijon, 1923, p. 27-61) : il propose d'identifier le comte Aimar avec le recteur laïque de l'abbaye soissonaise, connu sous le nom d'Aumar, étant établi que tous deux sont en lien étroit avec le clan robertien, dont ils sont des cadets. La fuite du corps saint en Bourgogne n'a donc rien à voir avec on ne sait quels Normands ou Hongrois, mais traduit la volonté des Robertiens de se créer des fidélités en terrain délicat (la Bourgogne) en enlevant aux Vermandois hostiles un instrument symbolique particulièrement précieux: belle illustration de ce qu'E. Bozoky nomme le transfert de pouvoir par le biais des reliques, et belle occasion de sortir d'un discours simpliste sur les invasions et l'exode des corps saints, qui a fait la preuve de ses limites.
La Politique des reliques, on le voit, permet de penser à neuf un grand nombre de problèmes. C'est un ouvrage fondé sur une ample et solide documentation, conduit avec rigueur et appuyé sur une doctrine aussi ferme que claire. Autant dire que c'est une contribution de poids à cette science dont un autre Poitevin, Mgr Barbier de Montault, s'attribuait l'invention: la lipsanographie.


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