Editions BEAUCHESNE

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01. MANIFESTATION ET RÉVÉLATION

01. MANIFESTATION ET RÉVÉLATION

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Date d'ajout : mardi 22 août 2017

par Georges SOUBRIER

BULLETIN DE SAINT SULPICE, 4, 1978

Contribuer à susciter un style nouveau de pensée philosophique au sein des milieux croyants d'aujourd'hui, tel est l'objectif que s'est donné un groupe d'enseignants de la faculté de philosophie de l'Institut Catholique de Paris. Cette recherche s'exprime dans une collection intitulée « Philosophie » publiée chez Beauchesne. 2 volumes ont été déjà édités : Manifestation et Révélation (1976), Le Mythe et le Symbole (1977). Un troisième consacré à la Philosophie du Pouvoir est en préparation.
Dans les 2 ouvrages parus, la participation de notre confrère Jacques-Raoul Marello se signale par la vigueur et la concision de son approche métaphysique. On y reconnaît bien l'auteur de la thèse sur St Thomas d'Aquin et l'idée de transcendental : « Il faut ressaisir le thomisme dans son jaillissement original au lieu de l'enfermer dans un immobilisme paresseux et stérile parfaitement contraire à son génie ».
Les 12 pages consacrées à Création-Révélation et Manifestation (Manifestation et Révélation p. 63-75) s'inscrivent en effet contre un immobilisme de la pensée laissant se détacher de son contexte théologien l'idée judéo-chrétienne de Création pour la soumettre à une acclimatation philosophique déformante. L'auteur s'efforce d'analyser le rapport entre les conceptions de création, de manifestation et de révélation. Révéler n'est-ce pas dévoiler sans réduire le mystère ? « Mais il n'y a pas de révélation qui ne porte en soi la puissance de se manifester, c'est-à-dire de donner les signes tangibles de la force de Dieu qui s'est rendu présent. En ce sens la manifestation présuppose la révélation et lui reste intérieure » (p. 69).
Chez les grands théologiens et en particulier St Thomas, l'idée de création est toujours rattachée à celle de révélation. Ce qu'ils ont mis en relief dans le concept de création, ce n'est pas la réponse théorique à la question de l'origine des choses mais sa situation de mystère à l'horizon de la conscience croyante. Il s'agit bien d'une conscience croyante et non pas d'une conscience purement rationnelle. S'ouvrir par la foi à l'éblouissante présence de la Gloire du Dieu vivant et voir l'univers du point de vue de cette gloire transcendante et unique, c'est-à-dire « comme créé », c'est un seul et même acte de foi » (p. 73). Parler de « révélation-manifestation » de Dieu à propos de la création et non pas d'abord et simplement d'une relation ontologique des êtres à l'Être, engage dans une attitude de purification fondamentale : ce n'est pas seulement tout rapporter à Dieu, mais le reconnaître, à la fois comme le tout proche et l'incommensurable ; c'est faire l'expérience toujours renouvelée, de l'incommensurabilité même.
J'ai beaucoup apprécié ces pages sur l'arrachement de l'esprit à ses propres sécurités, comme aussi les notations sur langage et parole, les paradoxes de l'attitude croyante, le miracle. La référence fidèle et novatrice de l'auteur à une tradition philosophique est à la fois jaillissement et cohérence.
Cette impression est confirmée dans l'étude de l'ouvrage qui a pour titre « Mythe et Symbole ». C'est à une distinction ambiguë que s'affronte la réflexion du Père Marello : Symbole et réalité, ou le rapport du symbole à la physis.
Ce n'est pas l'antithèse nature-culture qui peut rendre compte de ce qu'est le symbole naturel tellement lié à la philosophie occidentale en son commencement que son langage est indivisiblement naturel et symbolique. Le feu est à la fois chez Héraclite réalité immédiate, perception et émergence de l'énergie divine tout comme dans le nombre pythagoricien grandeur quantitative et mesure morale ne se séparent pas. « Dénaturaliser le symbolisme primitif est aussi discutable que de prétendre purifier la physis et la physique des anciens de toute contamination symbolisante » (p. 158).
On ne peut analyser cette dialectique vivante, ce passage spontané du réel naturel au réel culturel et réciproquement, en se référant aux seules catégories aristotéliciennes de matière et de forme. Il faut qu'apparaisse en effet dans toute son acuité la tension dialectique, qui constitue l'âme du symbolisme naturel, entre la valeur et la réalité physique.
L'interprétation de leur rapport peut donner lieu à 3 lectures, à 3 attitudes: la première qui est celle de nombreux rationalistes, fait prédominer la rupture entre la valeur et la réalité physique. Il est impossible de symboliser le supra-rationnel par l'infra-rationnel. On ne peut donc éviter l'agnosticisme radical ou le conventionnalisme intégral. La seconde accentue la continuité entre la chose et le symbole, réduisant la distance à un reflet. C'est la tendance fondamentale du rationalisme antique. La troisième dans laquelle on peut reconnaître l'exégèse chère aux néo platoniciens fait culminer à l'origine du sensible et de l'intelligible, la source ineffable. C'est d'elle que procèdent l'esprit et l'unité organique de l'ordre spirituel, c'est sa présence dans l'ordre naturel qui maintient le symbolisme naturel.
Quelle lecture s'impose et surtout au nom de quels principes ?
Nous touchons ici à, l'un des points décisifs de la réflexion de l'auteur. « On ne peut donner à l'activité symbolique un statut épistémologique reconnu de tous. La vérité en pareil domaine implique le risque, la responsabilité du sujet en tant que tel et devant soi-même ».
Chaque interprétation cache un parti pris naturaliste ou idéaliste.
Elle est de l'ordre de la vérification, de l'illustration et de la décision métaphysique et morale. Le sujet peut se déterminer pour une réduction du pouvoir significatif de l'homme au jeu des forces de la physis. Il peut au contraire consentir à l'ouverture ontologique sur l'au-delà de l'image des forces physiques. Quand on évoque la liberté du sujet, il ne s'agit pas du libre choix des sujets mais de la constitution du sujet par lui-même.
La pluralité des interprétations des symboles naturels, leur irréductibilité à une règle interprétative unique, expriment au cœur même de l'ambiguïté des symboles, l'étrangeté de l'esprit humain. L'enjeu du déchiffrage n'est autre que métaphysique: ce peut être la reconnaissance de la nature comme principe premier et dernier d'évaluation ou au contraire le pressentiment de la réalité d'un monde révélé et voilé tout à la fois au niveau de l'apparence sensible.
L'auteur n'a pas fui le risque d'une approche clairement située.
Dans un ouvrage qui ouvre sur d'autres horizons de pensée, le retour aux sources néo-platoniciennes n'a rien de « passéiste » mais constitue une sorte de défi métaphysique dont la rigueur n'a rien à envier à d'autres questionnaires.


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