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BIBLE DE TOUS LES TEMPS N°5- LE TEMPS DES RÉFORMES ET LA BIBLE

BIBLE DE TOUS LES TEMPS N°5- LE TEMPS DES RÉFORMES ET LA BIBLE

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Date d'ajout : mardi 22 août 2017

par François LAPLANCHE

REVUE DE SYNTHÈSE, 4, octobre 1990

Ce cinquième volume de la collection « Bible de tous les temps » s'impose d'abord à l'attention pat sa masse : dépassant les huit cents pages, ce monument témoigne du relief exceptionnel que prend en Occident la question biblique, à partir de la fin du XVe siècle. Il faut bien parler de monument, car il s'agit d'une œuvre à visiter, en s'attachant, selon son goût, à la lecture de tel ou tel chapitre. Le genre du compte rendu oblige tout de même à présenter quelques observations générales.
1) Il faut souligner d'emblée la très haute tenue scientifique du volume, dirigé par deux excellents spécialistes de l'histoire de la Bible au XVIe siècle : Guy Bedouelle, dominicain, professeur à la faculté de Théologie de l'Université de Fribourg (Suisse) et Bernard Roussel, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (section Sciences religieuses) à Paris. Chaque chapitre comporte une bibliographie soigneusement établie, doublée d'une bibliographie générale de près de trente pages en petits caractères : c'est dire que le livre devrait rendre de grands services aux spécialistes de l'histoire de l'exégèse et de la théologie chrétiennes. Le lecteur cultivé y trouvera de claires synthèses soit sur le mouvement biblique au XVIe siècle, comme retour aux sources, avec ses conséquences pour la rupture confessionnelle (1re partie : « Lire la Bible ») ; soit sur des points spéciaux, traités dans la 2e partie (« Bible, culture et société »), parmi lesquels on retiendra plusieurs thèmes originaux : « les mystiques catholiques et la Bible » ou « les images et la Bible ». Osera-t-on dire que la première partie, à force de précisions érudites, est presque trop savante ? Les listes d'éditions, de traductions, de commentaires auraient sans doute mieux trouvé place dans un répertoire spécial, car leur consultation dans ce gros volume broché n'est pas toujours pratique.
2) La confrontation du volume avec les travaux jadis publiés sur les mêmes sujets (par exemple, ceux de Baroni) manifeste la fécondité scientifique du climat œcuménique, respectueux, dans lequel les deux co-directeurs ont travaillé. L'excellente connaissance que possède G. Bedouelle des débats entre catholiques sur la Bible avant, pendant et après le concile de Trente ; l'expérience du terrain protestant acquise par B. Roussel à partir de ses travaux antérieurs à Strasbourg ; les recherches de Philippe Denis sur la prophétie biblique permettent une intéressante convergence dans l'approche du problème central: quelle était la situation de la Bible dans les Églises à la fin du XVIe siècle ? Le résultat du travail commun amène à nuancer des oppositions jadis trop forcées : religion du Livre contre religion de l'autorité, dévalorisation/survalorisation des images, recours aux originaux/sacralisation de la Vulgate. De substantielles études sur « la Bible anglaise » (G. Bedouelle), « la Bible dans le monde orthodoxe au XVIe siècle » (A. Argyriou) et « l'exégèse juive de la Bible » (G. Dahan) élargissent encore l'horizon ; la dernière citée apporte une contribution de grande qualité à la connaissance des relations érudites entre juifs et chrétiens au XVIe siècle, à côté de renseignements sur l'évolution spécifique de l'exégèse juive.
3) L'histoire de la Bible telle qu'elle est abordée dans ce volume doit beaucoup aux apports de l'historiographie contemporaine, aux recherches qu'elle a menées sur l'imprimerie, la lecture, les taux d'alphabétisation, les réseaux du savoir populaire. Le lecteur est ainsi invité à s'extraire d'une histoire trop exclusivement religieuse, centrée jusqu'à l'obsession sur le débat Écriture /Tradition, pour entrer dans une véritable histoire de la culture.
Dans cette perspective, le volume signale avec justesse que le retour aux sources, ad fontes, n'est pas précisément d'abord un requisit théologique, mais un objectif de l'humanisme. Il inscrit l'exigence de vérité à l'intérieur d'un travail qui reconstitue le texte authentique, genuinus. C'est de biais que s'introduit ensuite le principe de la Scriptura sola, destiné à triompher de la résistance catholique à la théologie de Luther. L'antériorité du mouvement humaniste explique sans doute que chaque tradition confessionnelle garde quelque chose de la modernité ainsi introduite, en même temps qu'elle la régule de façon spécifique. L'Église romaine contrôle les voies de l'oraison mais, comme les protestants « spirituels », ne nie pas le chemin de l'expérience intérieure, dont la Bible offre une étonnante typologie, de Job à David et au Cantique. Elle vérifie parfois de manière tatillonne les travaux des savants sur la Bible mais les encourage. Si la lecture de l'Écriture en langue vulgaire est interdite aux laïcs, sauf permission épiscopale, son contenu n'en demeure pas moins la base de la prédication et l'interdiction est inégalement appliquée, selon les temps et les lieux. De son côté, le protestantisme, à la fin du XVIe siècle, a mis en place une véritable tradition interprétative, qui contrôle aussi bien la traduction que le commentaire du livre saint. Par ailleurs, du fait de l'analphabétisme et de la cherté des Bibles, le peuple protestant a moins eu en main la totalité de la Bible qu'on ne l'avait cru jusqu'ici. Enfin, le principe de la Scriptura sola a précipité la théologie protestante vers l'étude des Pères, car il fallait démontrer que les doctrines romaines étaient encore absentes de leurs textes.
Ainsi, comme la crue d'un torrent alpin, l'irruption de la Réforme protestante au XVIe siècle a bouleversé le terrain, mais pas nécessairement produit les déplacements les plus prévisibles. Apparemment reçu du mouvement humaniste, le mot d'ordre du « retour aux sources » aboutit finalement à la constitution de deux ecclésiologies rivales. Il est vrai que se dessine à la fin du XVIe siècle un réseau de l'érudition, où s'entendent des protestations contre l'appropriation de la Bible par les théologiens. Mais les deux co-directeurs du volume n'ont pas voulu aborder cette histoire, préférant la laisser écrire par les auteurs du volume suivant, bien qu'ils aient fixé l'extrémité de leur enquête aux environs des années 1610 et que les travaux philologiques effectués à Leyde ou dans les milieux « pré-arminiens » soient tout de même antérieurs à cette date.
Au chapitre des regrets, on inscrira aussi le manque d'études sur la Bible comme « archéologie des savoirs » cosmologique et anthropologique. Seule la contribution de Marc Venard aborde ce point, sous l'angle indiqué par son titre : « La Bible et les Nouveaux Mondes ». L'information étendue de l'auteur, sa perception des enjeux logés dans les procès de Bruno et de Galilée lui permettent d'ailleurs de traiter le sujet avec une certaine ampleur. Mais l'ensemble du volume ne montre pas assez abondamment, à mon avis, que la Bible au temps des Réformes n'est pas seulement un livre religieux et que le sacré saisit encore tout le profane : le savoir du langage et de l'histoire, les maximes de gouvernement, le déroulement de l'existence quotidienne. En d'autres termes, le rapport de l'Occident à la Bible, au XVIe siècle, n'est plus le nôtre, et, cependant, le nôtre est essentiellement en rapport avec ce qui se passa au XVIe siècle. La question ultime, pour l'historien, porte donc sur la relation entre la formation de la modernité et le nouveau statut de la Bible en Occident. Les débats et les combats autour de la Bible ont-ils retardé ou plutôt hâté (comme je le crois) la maturation de cette modernité ? Ceci, il est vrai, est encore loin d'apparaître clairement entre les dates marquées comme limites chronologiques au volume. Mais la distinction du sens grammatical et du sens théologique, déjà indiquée dans la Clavis Scripturae de Flacius Illyricus (1567), la reconstitution du christianisme primitif opérée contradictoirement par les Centuries de Magdebourg (1559-1574) et les Annales du cardinal Baronius (1588-1607) révèlent les déplacements épistémologiques profonds, témoins de la modernité du XVIe siècle mais encore cachés sous les forteresses doctrinales tridentine et antitridentine.


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