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BIBLE DE TOUS LES TEMPS N°4- LE MOYEN-ÂGE ET LA BIBLE

BIBLE DE TOUS LES TEMPS N°4- LE MOYEN-ÂGE ET LA BIBLE

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Date d'ajout : mardi 03 octobre 2017

par Nicole BÉRIOU

REVUE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES, 72, 1988

G. LOBRICHON et P. RICHÉ, maîtres d'œuvre du volume, ont su réserver à ces deux domaines la place qui leur revient. Mais, soucieux d'embrasser dans sa totalité l'histoire de la diffusion et de la réception de la Bible du VIIe au XVe siècles, ils se sont fixé pour principal objectif de montrer comment la Bible a été alors connue et comprise, et quelle fut son influence sur l'enseignement, les institutions et les mentalités. J'ajouterai : quelle Bible ? Car la variété des versions latines qui ont circulé au Moyen Age (voir l'excellente présentation de ce difficile problème par L. LIGHT), et l'accueil réservé aux traditions apocryphes (jusque dans les bréviaires) fixent à la parole de Dieu des contours différents de ceux dont nous sommes aujourd'hui familiers. Les mots même qui désignent alors la Bible (surtout bibliotheca, et scripiura sacra, tandis que Biblia peut aussi bien désigner l'Historia scolastica de Pierre le Mangeur) sont autres que les nôtres, comme la rappelle opportunément la mise au point de M. DUCHET-SUCHAUX et Y. LEFÈVRE qui ouvre le volume.
Celui-ci est divisé en quatre grandes sections où sont successivement examinés : 1) le livre biblique en tant qu'objet, dont il s'agit de faire l'histoire matérielle ; 2) l'étude de la Bible, diverse selon les périodes et plus encore selon les milieux particuliers que forment les communautés de moines, de chanoines, de clercs séculiers et de religieux ; 3) la place qu'a pu tenir la Bible dans la vie quotidienne, comme fondement de la loi ou comme aliment de la pastorale ; 4) enfin, le rôle qu'elle a joué face aux défis de l'histoire, inspirant aux hommes des réponses neuves aux « problèmes de chrétienté », sur les plans moral et spirituel.
Tenter de rendre compte en quelques lignes de la richesse propre aux contributions des vingt-trois auteurs serait inévitablement les trahir. Chacune mérite d'être lue et méditée. Toutes, dans leur complémentarité, apportent un éclairage documenté, et souvent neuf, aux deux questions fondamentales, constamment sous-jacentes: comment accède-t-on alors à la Bible ? Et pourquoi y a-t-on recours ?
Comment y a-t-on accès ? Par les manuscrits, d'abord. Ceux-ci tendent de plus en plus à se conformer aux types de la Bible complète en un volume ou de la Bible glosée (P. PETITMENGIN) et ils constituent, avec les manuscrits consacrés aux commentaires, le noyau facilement isolable de la documentation. Mais tout cela ne constitue que l'un des maillons d'une chaîne qui passe nécessairement aussi par l'oral et par les images, sans oublier ces images d'un type particulier que sont les vies de saints, « Bibles locales et actualisées » (Marc VAN UYTFANGHE).
À leur manière, les chants de dévotion (laudi) et les œuvres pratiquées par les membres des confréries : pénitence, aumône, sont une représentation concrète du message biblique (A. VAUCHEZ). Le cas particulier des vaudois, capables de réciter par cœur des passages entiers de l'Écriture, met bien en évidence, aussi, le rôle capital de la mémorisation (R. E. LERNER). Le plus souvent, celle-ci nous échappe. Mais on la devine encore à travers les entreprises de traductions et adaptations versifiées de la Bible, attestées en Angleterre depuis le VIIe siècle (M. LARÈS). Phénomène isolé ? Ou seul vestige d'une pratique répandue aussi sur le continent ? L'engagement bien connu des missionnaires anglo-saxons dans la christianisation de la Germanie invite au moins à se poser la question…
Parmi les canaux de la transmission orale, une place de choix est réservée, à juste titre, dans la section « Pastorale », à la prédication. Son essor au VIIIe siècle coïncide avec le moment où la langue latine, la seule en usage dans la lecture des textes scripturaires pendant la messe, est devenue décidément incompréhensible pour le peuple (M. ZINK). D'où l'importance de ces homélies patristiques réorganisées en collections, puis de ces sermons bâtis autour d'un verset, qui continuent à transmettre aux « illiteraii » des bribes de l'Écriture. Sans doute, la différence s'accuse-t-elle alors entre les simples laïcs, et les moines ou les clercs : ceux-ci continuent à lire la Bible ; et ils bénéficient de surcroît d'un accès constant à la Bible par l'intermédiaire de l'office liturgique, même si l'Écriture y est de plus en plus concurrencée par d'autres sources d'inspiration (P.-M. GY). Sans doute, aussi, le rôle médiateur des clercs s'affirme dans ce contexte: au point de freiner constamment les initiatives de traductions écrites en langue vulgaire et, en conséquence, l'accès des laïcs à l'Écriture ? L'attention des historiens se porte volontiers, à ce propos, sur les revendications. Mais il ne faudrait pas pour autant négliger la capacité effective des sermons, et des images, à communiquer le message biblique à travers une Tradition vivante. Une remarque, à ce sujet : nul ne contestera la fonction de médiation des images, mais il reste à démontrer que les hommes investis de responsabilités pastorales leur ont reconnu ce rôle et les ont présentées comme telles.
Le recours des clercs à la Bible est, à son tour, motivé par les nécessités de la pastorale. La Bible donne, en effet, la norme de vie, dans tous les domaines, y compris celui de la pratique politique. Et ceci permet de comprendre le désir des laïcs, exacerbé quelquefois, d'y accéder directement. Sur ce courant profond qui traverse tout le Moyen Age vient se brocher une autre préoccupation, plus particulière au monde des écoles où se produit, au cours du XIIe siècle, le passage de la méditation à la recherche intellectuelle. Chez les canonistes et les théologiens, l'Écriture tend alors à devenir l'autorité qui cautionne leurs propos. L'étude consacrée par J. GAUDEMET au décret de Gratien montre comment se répartissent, dans le discours des juristes, les champs du savoir (les citations scripturaires) et du pouvoir (l'autorité du souverain pontife, législateur suprême, chargé de donner les solutions immédiates aux difficultés quotidiennes). Chez les théologiens, le problème est plus complexe. Le commentaire biblique leur sert aussi d'outil pour la recherche des autorités. Mais si la Bible devient ainsi pour eux un « lieu théologique » (J. CHÂTILLON), elle est en même temps la matrice de leur prédication. C'est pourquoi l'étude de la place de la Bible dans les sermons doit encore être poursuivie et approfondie. Au comptage des citations, qui rend compte du recours à l' « autorité » scripturaire, il faudrait ajouter l'analyse plus délicate du traitement de la matière biblique, et en particulier des nombreuses métaphores qui y sont puisées, et qui constituent souvent la trame du discours des prédicateurs.
D'autres champs de recherche s'ouvrent, explicitement ou implicitement, au fil des pages. Les traditions rabbiniques ont-elles influencé les traductions de la Bible en langue vulgaire ? La Bible a-t-elle alimenté la culture populaire, en particulier comme source de proverbes ? Qu'en est-il de ses utilisations apotropaïques, ou exorcistiques ? Et quel rôle ont joué les « prophètes », dont le discours se fondait sur certaines interprétations du texte biblique ? Les sources plus variées dont dispose l'historien entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, qui est ici la période la plus discrètement éclairée, devraient permettre de répondre, au moins partiellement, à ces questions. Nul ne pourra les aborder sans recourir au préalable au remarquable ouvrage qui les a suscitées, et qui ne manquera pas de nourrir d'autres recherches des années à venir.


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