REVUE THOMISTE, 1973, 2

A. Luneau, à partir de la doctrine des âges du monde, dégage quelques grands aspects de la théologie de l' histoire du salut chez les Pères de l'Église. '
Son ouvrage ne laisse de côté aucun des points majeurs de la pensée des grands théologiens de l'Antiquité chrétienne sur ce point, et il constitue une excellente synthèse. Cette perspective d'ensemble n'exclut pas des remarques pleines de finesse ; il note par exemple la parenté de certaines vues de Grégoire de Nysse avec celles d'Irénée (p. 180). La synthèse augustinienne a droit à un développement plus ample. Sur un seul point, l'A. nous a laissé sur notre faim, c'est lorsqu'il commente le fameux discours de Grégoire de Nazianze sur les diverses étapes de la révélation trinitaire. Ce texte est beaucoup cité, en parallèle avec le sermon de Pentecôte de Grégoire de Nysse. Le Théologien constate le passage des idoles à la loi, puis de la loi à l'Évangile et il remarque qu'à ce progrès on peut comparer ce qui a lieu pour la doctrine sur Dieu ; suit le texte classique : « L'Ancien Testament a clairement annoncé le Père et le Fils d'une manière obscure ; le Nouveau a révélé le Fils et fait entrevoir la divinité de l'Esprit. Maintenant l'Esprit habite parmi nous et se manifeste plus clairement » (cf. p. 155-156). Une telle affirmation est-elle en accord avec la tradition ancienne (nous pensons à Irénée), avec l'Écriture, et n'est-elle pas très discutable en théologie trinitaire ? N'y a-t-il pas là une manière élégante, mais au fond discutable, de justifier les récents développements de la pneumatologie ? Une telle vision de l'économie trinitaire ne doit-elle pas être tempérée par d'autres développements de Grégoire sur l'unité de la nature divine ? En bonne théologie cappadocienne, comment le Père peut-il être clairement manifesté si le Fils l'est en même temps d'une manière obscure ? De tels textes auxquels nous sommes habitués mériteraient, semble-t-il, un traitement très attentif.
Remercions l'A. d'un ouvrage courageux, qui dénote une vaste culture et une compréhension profonde des Pères qui ne se dément jamais.