MÉLANGES DE SCIENCE RELIGIEUSE, VOL. XXX, 1973

Qui est l'Esprit ? L'auteur nous livre la réponse de la tradition syrienne d'Antioche, telle qu'elle s'exprime dans la liturgie: son prénom est la Vie (p. 272). S'originant dans l'événement de la Pentecôte, naissance d'un peuple nouveau, cette vie est la source d'où jaillit l'Église ; les sacrements actualisent cet événement. Cette vie fonde le caractère charismatique de l'existence chrétienne. C'est donc à une redécouverte de la vie de l'Esprit que nous convie l'auteur. On permettra à un lecteur catholique de se réjouir de cette étude sur l'Esprit-Saint qui fut trop souvent le parent pauvre d'une théologie du Verbe Incarné avant de devenir l'autorité qui couvre tout et n'importe quoi dans les foisonnements actuels. En ce temps de dialogue entre nos traditions chrétiennes, ce livre vient à son heure. C'est dire ce qu'on était en droit d'attendre de cet ouvrage ; c'est peut-être l'origine d'une certaine déconvenue.
L'itinéraire retenu est riche, documenté et ne nous prive d'aucun renseignement d'ordre historique, mais le plan choisi conduit à des répétitions agaçantes ; malgré le plaidoyer de l'auteur (pp. 28-30), il ne semble pas s'imposer. Plus gênantes sont les nombreuses digressions qui constituent autant de fiches intéressantes en elles-mêmes, mais qui rompent le fil de l'exposé. Sauf en de trop rares passages, la dimension herméneutique semble absente des préoccupations de l'auteur ; le lecteur se meut dans un monde irréel et lointain : « Nous voulons recueillir simplement les paroles dans lesquelles la réalité de l'Esprit a pu être dite et devenir langage » (p. 17). Mais suffit-il de retranscrire un langage, expression d'une époque et d'une culture, pour en permettre l'accès à un lecteur vivant dans une autre époque, participant d'une autre culture ? En outre, le champ restreint de la recherche - la liturgie - dessert l'auteur, parce qu'il interdit et une réflexion biblique - sinon à travers les commentaires recueillis par la liturgie - et une réflexion anthropologique. L'auteur a bien senti les limites de son travail : « Le chrétien d'aujourd'hui est souvent choqué par cette attitude reflétée par la patristique syrienne, originaire dans sa majorité de milieux monastiques » (p. 264). Il souligne l'influence des courants philosophiques stoïciens et platoniciens sur une telle attitude (p. 265).
Le chapitre intitulé « L'Esprit et la vie chrétienne » atteste la différence des perspectives des traditions syrienne et contemporaine : on y parle de la dimension liturgique de la vie chrétienne, du jeûne et de la vie monastique, de la dimension eschatologique de l'existence chrétienne. On peut par ailleurs s'étonner de la perspective retenue sur le monachisme, présenté seulement comme un moyen personnel de parvenir à la perfection de l'homme chrétien.
Ces réserves, il faut le reconnaître, tiennent pour une bonne part à la culture du lecteur occidental. Elles ne doivent pas masquer l'intérêt documentaire considérable de l'ouvrage du P. Emmanuel-Pataq Siman : les 48 dernières pages nous livrent une bonne partie de l'office de Pentecôte et nous trouvons tout au long du travail un ensemble de textes traduits pour la première fois. L'existence d'un index permet en outre une bonne utilisation des renseignements contenus dans le livre. On sera donc pleinement d'accord avec le « prière d'insérer » pour souligner l'intérêt de telles enquêtes qui constituent autant d'occasions de retrouver les richesses de nos traditions respectives, surtout lorsque, comme dans le cas présent, elles nous ouvrent l'accès à des textes ignorés chez nous.