REVUE THOMISTE, 1975, 4

Avec la redécouverte en Occident des théologiens du XIIe siècle, on a essayé de cerner une théologie monastique alors qu'on parlait déjà de théologie patristique. Ces deux « théologies » étaient en quelque manière opposées à ce qu'on appelle « théologie scolastique ». Aucun de ces trois genres ne peut s'appliquer exactement aux œuvres de Maxime le Confesseur ou de Sophrone de Jérusalem. Leur théologie, par un souci plus explicite de rigueur et de synthèse, se démarque de la théologie patristique; ils sont moines, mais leur engagement dans les débats doctrinaux de leur temps les fait sortir du champ plus étroit de la théologie monastique au sens où elle est couramment définie, enfin ils ne sont pas des scolastiques au sens médiéval et occidental du terme. Leur cas n'est pas le seul dans l'Église, et je crois qu'on pourrait leur adjoindre par exemple pour l'Orient Jean Damascène et pour l'Occident Scot Erigène, à quelques nuances près.
Les travaux des PP. von Schoenborn et Riou (auquel il faudra sans doute adjoindre ceux du P. Jean-Miguel Garrigues dont on nous dit qu'ils sont complémentaires de ceux du P. Riou) sont la tentative courageuse de jeunes théologiens pour approcher ces penseurs profonds et originaux, Maxime l'étant certainement plus que Sophrone. Mais pour les approcher et les entendre vraiment il faut se situer dans leur angle de tir. Le sous-titre de la thèse du P. von Schoenborn nous fait saisir par quelle porte il entend entrer : Vie monastique et confession dogmatique, le lien entre les deux permettant de saisir l'unité de l'œuvre. Quant au P. Riou, c'est la vaste fresque théologique de l'œuvre de Maxime le Confesseur qu'il nous fait entrevoir et qui est certainement l'un des aspects les plus originaux de l'œuvre de ce grand moine, fresque dans laquelle la qualité des détails fait la beauté et l'harmonie de l'ensemble.

L'entreprise était difficile et le danger majeur consistait peut-être à vouloir considérer les intentions avant les textes, les vues d'ensemble avant les analyses de détail. Il ne s'agit pas, certes, dans notre esprit, de réduire la théologie patristique à la philologie, pas davantage à l'histoire des idées ou à quelque autre discipline secondaire et en cela nous sommes tout à fait d'accord avec le P. v. Sch. (p. 10). Il s'agit d'écouter les Pères dans le climat qu'ils ont voulu créer, là où ils ont voulu se situer. Mais le dépaysement qu'exige cette écoute nous oblige précisément à retrouver méthodiquement, laborieusement, les sentiers qu'ils ont voulu tracer et, à ce niveau, les disciplines annexes (nous pensons aussi à la comparaison avec leurs sources) sont d'un très grand profit. Que l'on pense à tout ce qu'elles nous ont permis de mieux saisir dans la pensée et l'œuvre de saint Thomas. Sur ce point, il nous semble que les M. réagissent un peu trop contre le « scientisme » des études patristiques. Toutefois nous ne voulons pas leur faire de procès d'intention. Ces remarques nous permettent de dire en toute liberté que le lecteur aura plaisir à lire ces deux ouvrages, qu'il en tirera grand profit, car ce sont deux belles avenues pour approcher Maxime et Sophrone, « témoins » de la tradition catholique.
Voir : http://www.editions-beauchesne.com/product_info.php?products-
_id=341