Editions BEAUCHESNE

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TH n°044 L'ABBÉ MARET

TH n°044 L\'ABBÉ MARET

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Date d'ajout : mardi 02 mai 2017

par Jean-Marie MAYEUR

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSE, 1980, 3

Professeur à l'UER de théologie et de sciences religieuses de l'Institut catholique de Paris, l'abbé Claude Bressolette consacre un livre neuf et sûr à l'abbé Henry Maret, dont il suit la vie et la pensée jusqu'à la fin de la Deuxième République. L'ouvrage fondé sur une documentation largement inédite, ou qui demandait à être reprise à nouveaux frais, apporte plus encore que ne le donnerait à croire le sous-titre. Il déborde l'examen de la formation de la théologie politique de Maret et de son rôle à l'Ère nouvelle lors de la Révolution de 1848, et éclaire aussi bien les controverses philosophiques et théologiques dans la France du premier XIXe siècle, que l'histoire de la Faculté de théologie de Paris.
Né à Meyrueis dans la Lozère en 1805, au sein d'une famille de bonne bourgeoisie, élève du petit séminaire de Saint Nicolas du Chardonnet, puis des séminaires d'Issy et de Saint-Sulpice, le jeune Maret reçoit, dans l'esprit de l'École française, sa formation spirituelle et sacerdotale. Plus mennaisien que ne l'avait montré l'abbé Bazin, dans sa grande biographie à la fin du siècle dernier, correspondant de Lacordaire, il est lié au renouveau catholique des années 1830. En 1840, il se rend pour plusieurs mois à Munich, où il fait la rencontre de Döllinger. Il est l'une des figures qui comptent dans le clergé intellectuel. Il n'est pas surprenant que lorsque Mgr Affre veut rénover la Faculté de théologie de la Sorbonne, il nomme Maret à la chaire de dogme. C. Bressolette montre bien les faiblesses de la Faculté : ses grades n'ont pas valeur canonique, Rome est défavorable à un établissement d'État, Saint-Sulpice s'abstient d'envoyer ses élèves, le public, fort variable, impose une démarche toute oratoire aux professeurs, contrainte dont se ressentent les cours de Maret.
Dans l'Essai sur le panthéisme en 1840, Maret s'en' prend à Victor Cousin et à ses disciples, dans la Théodicée chrétienne en 1844, à la philosophie allemande. C. Bressolette suit, un peu longuement peut-être, ces polémiques. Elles mettent en lumière les caractères, et les enjeux d'une apologétique. A l'arrière-plan du débat, la querelle de la liberté d'enseignement est présente. En fait, c'est l'enseignement de la philosophie qui est en jeu. « Quand l'abbé Maret dénonce comme rationaliste l'enseignement philosophique et moral dispensé dans les lycées sur la base des manuels composés officiellement par Cousin et ses disciples, quand il accuse les éclectiques d'être panthéistes, il fait œuvre politique. » On s'explique dès lors la vivacité des controverses.
Dans son combat contre le rationalisme panthéiste, Maret proposait une méthode d'approche rationnelle, confiant dans la capacité de la raison. Maret allait être amené à lutter sur un second front, en réponse aux critiques des traditionalistes, et tout particulièrement de Bonnetty, dans les Annales de Philosophie chrétienne. Au long de ces discussions, sa réflexion évolue et s'approfondit, jusqu'au livre publié en 1856 Dignité de la raison humaine et nécessité de la révélation divine. Maret est à la recherche d'un équilibre et s'efforce de constituer « par l'alliance de la foi et de la science, « une science catholique », qui intégrerait toutes les données scientifiques dans un système dont les dogmes révélés seraient comme les principes fondamentaux ». Ce faisant, il devait abandonner le traditionalisme mitigé de ses débuts, et l'hypothèse bonaldienne de la révélation externe de la parole. Certes, sa théologie, aux sources diverses, laisse un sentiment d'éclectisme, et Maret n'est sans doute pas un théologien de premier plan. Mais ses recherches et ses cheminements n'en sont que plus représentatifs pour l'historien qui cherche à reconstituer le paysage intellectuel d'une époque, et il faut être reconnaissant à C. Bressolette d'avoir mené à bien cette entreprise délicate.
L'étude de la philosophie de l'histoire du publiciste introduit à sa vision du rôle du christianisme dans l'histoire et à sa conception de la démocratie chrétienne. A ses yeux, le christianisme a été « la source de tous les vrais progrès de la civilisation », et la démocratie est l'aboutissement de la civilisation chrétienne. Le directeur de l'Ère nouvelle ne condamne pas le mouvement de 1789, mais est sensible « à tout ce qu'il y a de juste dans les aspirations des peuples vers l'égalité et la liberté », deux idées d'origine chrétienne. A la différence d'un Lamennais, Maret, proche là d'un Buchez, ne voit pas dans la Révolution la fille de la Réforme et de la philosophie du XVIIIe siècle. Dans L'Ère nouvelle du 21 juin 1848, il proclame les « principes de liberté, d'égalité, de fraternité, expression politique du christianisme et loi de l'avenir ». Certes, la Révolution marquée par l'anticléricalisme, et l'Église liée au pouvoir, se sont opposés mais, note Maret à propos de Quinet, cet affrontement est une affaire « purement historique et non pas doctrinale ». Et Maret de plaider pour l'autonomie de la société laïque, dans le maintien des liens nécessaires entre l'Église et la société civile.
Un dernier chapitre analyse les convictions démocratiques du directeur de l'Ère nouvelle. Si, pour Maret, la démocratie politique se traduit par le suffrage universel et la souveraineté populaire, sa conception de la démocratie sociale demeure floue. Maret refuse l'organisation de la charité par l'État. Comme Lamennais ou Tocqueville, il juge la religion indispensable pour faire contrepoids aux excès de la démocratie : « la démocratie vraie et bonne, c'est-à-dire la démocratie chrétienne » devait-il écrire. A ses yeux, en revanche, la constitution de l'Église ne saurait s'inspirer du modèle démocratique. Comme Bellarmin, il voit dans l'Église une monarchie tempérée d'aristocratie et de démocratie. Il affirme le rôle indispensable des assemblées délibérantes et consultatives, déplore l'absence de « concert entre les pasteurs du premier et du second ordre », l'absence depuis le concordat d'institutions qui tempèrent l'autorité des évêques, l'absence aussi de concert entre les évêques. Perce là ce gallicanisme de Maret, qui devait s'affirmer sous le Second Empire.
Telles sont les lignes maîtresses d'un ouvrage important, parfois un peu lent, mais juste de ton, sans anachronisme, chose rare sur un tel sujet. Il donne sa vraie dimension à un rameau parfois négligé du catholicisme libéral. Loin de voir dans la liberté un moindre mal, dont il fallait s'accommoder, sur le terrain de l'hypothèse, Maret et ses amis reconnurent dans la sécularisation et le régime de liberté issus de la Révolution, la garantie de la liberté de l'acte de foi. Autre originalité de Maret, ce prêtre universitaire reconnaît la consistance et la mission propres de l'État. Est-ce à dire que Maret s'est éloigné profondément du mennaisianisme de sa jeunesse ? En fait, s'il a évolué, il reste fidèle à ses aspirations premières : de même que la raison doit être éclairée par la révélation, la société sécularisée doit être enrichie de l'apport du christianisme. Dans cette recherche d'une chrétienté profane, est-on si éloigné de Lamennais ?


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