Editions BEAUCHESNE

129.00 €

TH n°100 L'ÉXÉGÈSE DE THÉODORET DE CYR

TH n°100 L\'ÉXÉGÈSE DE THÉODORET DE CYR

Ajouter au panier

Date d'ajout : mercredi 19 août 2015

par J. VERHEYDEN

Dernier représentant de la grande tradition de l'exégèse grecque, Théodoret de Cyr (°393-mort vers 460) nous a laissé, outre plusieurs autres ouvrages (parmi lesquels une Histoire ecclésiastique, un compendium des hérésies, et presque 150 lettres) un ensemble impressionnant de commentaires sur l'Ancien et le Nouveau Testament : les Livres des prophètes, le Cantique, les Psaumes, les lettres de Paul, et, en plus, des Quaestiones sur l'Octateuque et sur les Livres de Samuel, des Rois et des Paralipomènes,
J.-N. Guinot s'intéresse à Théodoret depuis plus de vingt ans. Après l'édition du Commentaire sur Isaïe (1980-1984: SC, 276, 295, 305), il nous présente maintenant une étude de synthèse de ses recherches sur toute l'œuvre exégétique de Théodoret. Cette exégèse se situe dans la double tradition alexandrine et antiochienne, défendant cette dernière, parfois vigoureusement, contre les critiques des maîtres alexandrins. En tant qu'évêque de Cyr (jusqu'à sa déposition au Brigandage d'Éphèse suivi de l'exil dans un monastère), Théodoret s'est mêlé activement aux querelles christologiques qui troublaient l'Église pendant le deuxième quart du 5e s. En fait, son exégèse ne se comprend pas en dehors de ses autres activités puisqu'elle lui fournit les arguments nécessaires à conduire les débats avec les Alexandrins de son temps et à défendre sa propre orthodoxie et celle de ses prédécesseurs dans la tradition antiochienne.
Comme le souligne Guinot dans son introduction, la réputation de Théodoret a longtemps souffert de la double comparaison avec celle d'Origène d'une part et de Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste et Jean Chrysostome, auxquels il est largement tributaire, de l'autre. Mais dans les dernières années ses commentaires commencent à être étudiés pour eux-mêmes. Outre les travaux de Guinot on peut mentionner ceux de W. Ashby sur son exégèse de l'Ancien Testanlent (1972), de P. Parvis (1975) et de A. Viciano (1990) sur Paul, et de N. Femandez Marcos sur les Quaestiones (1979, 1984).
L'étude de Guinot est divisée en neuf chapitres : 1. L'entreprise exégétique de Théodoret et sa place dans l'histoire de l'exégèse grecque, l'ordre et la date de composition des commentaires et leur dessein (35-76); 2. Théodoret et le prophétisme : la notion d'inspiration, le rôle de l'Esprit dans l'Église, le prophète comme médiateur de la parole de Dieu (77-124); 3. L'analyse du discours scripturaire selon Théodoret : la cohérence entre les deux Testaments et la tension entre clarté et obscurité du sens de l'Écriture (125-165); 4. La critique textuelle : le texte biblique, l'importance des variantes et les sources de Théodoret (167- 252); 5. La méthode exégétique et ses options fondamentales: avec surtout une analyse détaillée des préfaces et l'importance attribuée à la lecture littérale, métaphorique et typologique (253-322); 6, Les composantes de l'interprétation : la structure formelle des commentaires et les apports de la grammaire, de 1 'historiographie, de la géographie, et d'autres sciences encore, pour le travail exégétique (323-464); 7. La polémique sous sa triple forme : anti-païenne, anti-juive, et anti-hérétique (465-562); 8. La christologie: les grands débats de l'époque et leur reflet dans les commentaires (563-630); enfin 9. Les sources de l'exégèse de Théodoret : un essai d'identification des dizaines d'allusions à d'autres auteurs qu'on lit dans les commentaires (631-797). Le tout se conclut par une série de cinq annexes : références aux versions bibliques et à la critique textuelle (829-845), la terminologie exégétique (847-857), explications étymologiques et lexicographiques (859-867), noms d'idoles païens ainsi que d'hérétiques (869- 870), et la terminologie théologique et christologique et la liste des passages scripturaires relatives à la christologie dans l'œuvre de Théodoret (871-879). On le voit : rien n'a été oublié. Il s'agit bien d'une synthèse de l'exégèse de Théodoret.
L'importance de Théodoret consiste pour une bonne partie dans sa méthode exemplaire d'approcher le texte biblique. Son exégèse est basée sur une connaissance solide de la tradition origénienne, des œuvres d'Eusèbe et de celles des grands Antiochiens. Il est soucieux de questions de méthode et s'efforce de présenter son interprétation dans un style claire et soigné.
Un domaine où l'apport de Théodoret reste particulièrement important est celui de la critique textuelle (ch. 4). « Théodoret se révèle pour notre connaissance de la Septante un témoin essentiel, le seul parfois à nous faire connaître certaines leçons originales » (169). À plusieurs reprises aussi, il prend soin de contrôler le texte en question et de comparer différentes versions avant d'aborder son interprétation. Mais il faut bien ajouter que ce travail de critique textuelle ne se fait pas de façon systématique. Selon Guinot, Théodoret ne disposait probablement pas des sources primaires nécessaires à réaliser un tel effort. Il n'avait pas de copie des Hexaples et il n'avait pas d'accès direct aux commentaires d'Origène sur les prophètes et sur le Psautier. Mais il est certain que Théodoret s'est bien servi des commentaires d'Eusèbe où il pouvait récupérer en partie le travail de critique textuelle de l'Alexandrin. Et Guinot ne veut pas écarter non plus l'hypothèse selon laquelle Théodoret peut quand même avoir connu les versions d'Aquila, de Symmaque, et de Théodotion, puisque il se réfère plusieurs fois aux « Trois traducteurs » pour des leçons qui ne se trouvent pas dans ses commentaires-sources. Enfin aussi, Théodoret se montre parfois un critique indépendant, ce qui fait penser à Guinot qu'il possédait peut-être d'une Bible glosée qui contenait des leçons d'un texte légèrement différent de la LXX hexaplaire (252). On peut en trouver la liste dans l'annexe 1 (842-843), Sa manière indépendante d'approcher le texte biblique peut s'illustrer (de façon négative) à partir du fameux verset d'Is 7,14. Eusèbe et Origène défendent ici tous les deux la leçon και καλεσεις qui est celle de l'hébreu et de « tous les traducteurs » (Eusèbe). Or, Théodoret ne fait même pas mention de l'existence d'une variante et se tient à la leçon και κα καλεσεις. Sur cette variante, voir maintenant notre étude dans A. SCHOORS - P. V AN DEUN, Philohistor. FS C. Laga (OLA, 60), 1994, pp. 43-56.
Du reste, Guinot est très prudent dans ses conclusions. Ainsi, s'il admet que Théodoret a certainement utilisé le commentaire d'Eusèbe sur Isaïe (des 160 mentions des « versions », il y en a 39 où ses notes sont identiques à ce qu'on lit chez Eusèbe et presque autant de cas où il y a un accord substantiel entre les deux auteurs), Guinot est d'avis que cette relative indépendance « invite à ne pas conclure trop systématiquement à un emprunt de Théodoret au commentaire d'Eusèbe, quand leurs leçons sont identiques » (227). Une telle conclusion me paraît être trop prudente. D'autre part, Guinot n'exclut pas que dans certains cas où il n'y a qu'un accord partiel avec Eusèbe, « l'imitation peut être alors sélective ». Il envisage même la possibilité qu'ici ou là Théodoret pourrait avoir préservé un élément de critique textuelle tiré du commentaire d'Eusèbe qui s'est perdu dans la tradition postérieure.
Je passe au chapitre neuf sur l'identification des sources de l'exégèse de Théodoret. La liste des passages où Théodoret se réfère à l'opinion de « certains » autres est fort longue : In Canto (7 passages) ; In Ep. Pauli (40 passages /46 mentions de τινεζ) ; In XII Proph. (31/36); In PS. (43/59); In Dan, (12); In Ez, (13); In Is. (24); In Jer. (3); Quaest, (67). Et elle est assez hétérogène. On y trouve des renvois à « certains » auteurs pour expliquer des détails d'ordre historique ou géographique, à d'autres exégètes que Théodoret suit (ou critique), ou encore à des représentants de mouvements hérétiques dont il réfute les opinions sans qu'on puisse dire qu'il vise un ou autre écrit. Souvent l'identification est extrêmement difficile, parce que Théodoret ne nous fournit que des indices vagues (τινεζ), ou parce que les textes où il a puisé n'ont pas été préservés ou ne le sont que de manière déficiente. Rien de surprenant alors qu'ici encore, et plus que certains le souhaitaient (voir F. Petit, dans Le Muséon, 1996, 429), Guinot doit parfois se contenter de conclusions tentatives. Ainsi on peut lire des commentaires comme : « Jean Chrys. est vraisemblablement ici encore à l'origine de la remarque de Théodoret » (348: sur 1 Cor 3,12-13), ou : « Le tines renvoie sans doute à l'interprétation de Sévérien, sans qu'on puisse affirmer que Théodoret ait lu son commentaire ; il peut tenir l'information de Théodore » (649: 1 Cor 9,4-5). Mais dans beaucoup d'autres cas, Guinot est capable d'indiquer sans problème l'origine d'une opinion mentionnée par Théodoret (p.e., « Il s'agit de Théodore » ; avec un renvoi à un texte précis). Ces sources sont d'abord les commentaires de Diodore de Tarse, de Théodore de Mopsueste, de Jean Chrysostome, et ceux d'Eusèbe et à travers celui-ci, d'Origène; puis aussi des auteurs comme Flave Josèphe ou d'autres ouvrages d'Eusèbe (p.e. l'opinion – φασι - que la lettre aux Hébreux serait traduite en grec par Clément de Rome se lit dans HE 3,38,2-3, et aussi chez Sévérien qui la tient d'Eusèbe). Très rarement, il n'était plus possible de tracer l'origine de l'une ou l'autre opinion. Ainsi, Guinot n'a pas réussi à identifier les tines qui « prétendent que c'est en raison de la présence du serviteur, afin qu'il ne comprenne pas ce qui était signifié », que Jonathan en 1 Sam 20,19- 23 veut signifier à David les machinations de son père par le moyen de flèches (780: Quaest. 1,51 ; voir encore, dans le même livre, 1,16 et 1,36 : « des adversaires de l'Écriture ?). Mais peut-être aussi que ce genre d'explication ne doit pas remonter à un texte ou à un auteur précis, Il peut s'agir simplement d'une lecture courante, mais jugée fausse par Théodoret, du texte biblique même où il est dit au V. 39 que le garçon qui accompagne Jonathan ne savait rien et que seuls Jonathan et David connaissent le vrai but de l'exercice du tir à l'arc. De même, il est peut-être vain de chercher qui est derrière le « on dit (λεϒεται en non τινεζ) qu'il y a une grande montagne au nord du pays des Assyriens et des Mèdes » (734: commentaire de Is 14,13).
Je m'arrête ici et je passe beaucoup d'autres sections qui mériteraient d'être présentées plus en détail, et qui certainement contribueront à stimuler le débat et la recherche sur Théodoret et sur l'histoire de l'exégèse grecque. Mentionnons pour conclure que la « Théologie historique » vient de publier son centième numéro. L'exégèse de Théodoret de Cyr est sans discussion un bon choix pour marquer cet événement. Le livre de Guinot fera honneur à une collection qui nous a déjà offert tant d'autres ouvrages importants sur la littérature patristique.


Donnez votre avis Retour
RECHERCHER DANS LE CATALOGUE BEAUCHESNE

aide


DICTIONNAIRE DE SPIRITUALITÉ
ÉDITION RELIÉE
DS

LE COMPLÉMENT PAPIER INDISPENSABLE DE :

DS
ÉDITION EN LIGNE




EN PRÉPARATION
LA RÉVOLUTION DE L’ÉCRIT. EFFETS ESTHÉTIQUES ET CULTURELS

FOLIES ET RIEN QUE FOLIES

Fascicule I
dans la même collection
Fascicule II Fascicule III Fascicule IVa Fascicule IVb

PENSÉE SYMPHONIQUE

LE POUVOIR AU FÉMININ

JEAN BAUDOIN (CA. 1584-1650) Le moraliste et l’expression emblématique

Écrits sur la religion


L'Education Musicale


SYNTHÈSE DOGMATIQUE

Partager et Faire savoir
Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur Google Buzz Partager sur Digg