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TH n°098 DORMITION ET ASSOMPTION DE MARIE. HISTOIRE ET TRADITIONS ANCIENNES

TH n°098 DORMITION ET ASSOMPTION DE MARIE. HISTOIRE ET TRADITIONS ANCIENNES

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Date d'ajout : lundi 25 janvier 2016

par Alexandre FAIVRE

REVUE : REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, 1, 1997

Allier textes et lieux, traditions littéraires et topologiques pour étudier le sort final de Marie, tel est l'objectif de la thèse que S. C. M. avait soutenue en 1992 à l'École Pratique des Hautes Études (Section des Sciences Religieuses) et qu'il présente ici dans la collection Théologie historique, Ce travail d'envergure a pour objectif d'« éclairer la genèse et l'évolution des traditions anciennes sur la dormition et l'assomption de Marie ».
En fait, posée en ces termes, la question exige d'abord des précisions de terminologie et de méthode. Une longue introduction tente de démêler l'écheveau de cet ensemble de traditions. Elle brosse une vaste liste des recherches qui devrait « servir de base à un programme d'édition critique des principales sources relatives à la dormition et à l'assomption de Marie » (p. 5) et permettrait de mieux comprendre l'histoire de la Jérusalem chrétienne en faisant « l'inventaire des sanctuaires, des fêtes en rapport avec le culte marial de la Ville Sainte », Cette étude pointe même un objectif plus large, celui de comprendre « le rôle du culte féminin d'intercession dans le christianisme ancien » (p. 5),
S. C. M. a senti le besoin, toujours en introduction, de bien préciser l'usage (le « bon usage ») qu'il souhaitait faire des différentes sources (liturgiques, archéologiques, guides et récits de pèlerins). Cette partie montre les préoccupations méthodologiques de son auteur, mais elle est à la fois trop courte (parce qu'elle touche à trop de problèmes) et trop longue (parce qu'elle ne propose que des positions théoriques inégalement argumentées). Affirmer ainsi que « les sources archéologiques sont des sources objectives… et sont de ce fait historiquement plus sûres », alors que les aléas de la diffusion d'un texte sont plus subjectifs (p. 30 et note 87), c'est certainement soulever trop de problèmes herméneutiques en trop peu de place. Cette manière de voir revient p. 355, note 7 où il est dit, encore trop rapidement, que l'on doit « en principe, relativiser le texte, mais jamais la fouille ». Les débats épistémologiques sur l'herméneutique de ces différentes sources sont loin d'être aussi simples : qu'il nous suffise de rappeler les problèmes posés par la « tombe de Pierre In Vaticano » pour mesurer ce que le processus même de fouille et d'élaboration d'un journal de fouilles peut avoir de subjectif… Dire également p. 27 que « les sources liturgiques apparaissent comme nettement plus fiables que les sources littéraires », au motif que « les sources liturgiques sont fixes, voire rigides » qu'elles n'ont pas ou moins subi les aléas de la diffusion, mais qu'en revanche, elles ont subi ceux de la transformation et que la transformation s'atteste, ce qui n'est pas toujours le cas dans la diffusion, ne convaincra pas non plus tous les historiens de cette documentation. Notre expérience de la documentation canonico-liturgique nous rendra, pour notre part, extrêmement défiant vis-à-vis de l'affirmation exprimée en note et selon laquelle une liturgie « ne subit pas le phénomène de rédaction multiple ou successive » (p. 27, n. 77). Au contraire, et justement parce que la liturgie est conservatrice, elle fait souvent l'objet de nombreuses relectures par surimpression et présente un phénomène important de stratification qu'il convient de décrypter.
A partir du postulat qui consiste à dire que « l'évolution d'une doctrine se fait sur la base du moins complexe au plus complexe et non l'inverse » (p. 18), S.C,M, dégage trois catégories doctrinales qui, pense-t-il, correspondent à une évolution chronologique et permettent de proposer une typologie des textes étudiés. II y a là, dès cet instant, une question qui se pose - et que le lecteur se posera tout au long de l'ouvrage : cette classification a-t-elle pour but un simple repérage à travers une documentation foisonnante et mal connue ou correspond-elle vraiment à une réalité historique ? Quel est le but exactement poursuivi par l'A. à travers son « histoire des traditions anciennes » ? Peut-on confondre « l'évolution d'une doctrine » et l'évolution du culte ? Quel rapport la pratique populaire, la codification liturgique et les spéculations théologiques entretiennent-elles dans la création et la formation des textes littéraires ? Au risque de se répéter, S. C. M, reviendra plusieurs fois sur les principes énoncés dans l'introduction, sans les approfondir.
Mais ces observations ne doivent pas occulter le travail de documentation considérable fourni dans les deux grandes parties de l'ouvrage. La première partie (p. 36-352) est consacrée aux traditions littéraires. Ce corpus, entendu dans un sens très large, regroupe des textes « hagiographiques à vocation liturgique » (p. 71), Elle présente et tente de classer de façon systématique les textes antérieurs au 8e s. qui traitent de la dormition et de l'assomption de Marie (Dormitiones Mariae, Transitus Mariae et homélies sur ces thèmes). Le lecteur est en possession d'un imposant fichier technique de soixante-deux textes, considérés comme les plus anciens, recouvrant huit traditions linguistiques (syriaque, grecque, copte, arabe, éthiopienne, latine, géorgienne et arménienne). Une introduction à cette partie développe une hypothèse de classement. Des tableaux récapitulatifs fort utiles (p. 345-352) regroupent les informations sur les localisations de la « maison » et du « tombeau » de Marie dans tous ces textes puis sur l'intervalle entre la mort de Marie et le passage de son corps en un lieu connu ou inconnu »
L'hypothèse de l'A. consiste à tenter un classement, en trois groupes, des textes apocryphes et patristiques sur le sort final de Marie, suivant une typologie évolutive : le groupe le plus ancien (A, milieu du 5e s., auquel se rattachent la tradition syriaque et certains écrits arabes) situe la Maison de Marie à Bethléem et affirme la croyance en la dormition de Marie, avec éventuellement une résurrection provisoire le temps d'effectuer un voyage outre-tombe, puis une déposition provisoire de son corps sous l'arbre de vie, pour échapper à la corruption. Le second groupe (B) est présenté comme intermédiaire et témoin d'une évolution doctrinale. La localisation déplace la maison de Marie à Jérusalem, la notion d'assomption apparaît, mais n'est pas confondue avec la dormition, La double fête copte de la disparition de Marie confirme cette double compréhension, C'est d'ailleurs à partir de la tradition copte (avec au départ peut-être un original grec, dormitio de « Leucius », et ses relectures dans certains textes arabes et éthiopiens qui en dépendent, que l'A, constitue son second groupe. Nous serions alors dans la première moitié du 6e s, Grâce au Sermon de Théodose d'Alexandrie (des années 565-566), on pourrait même découvrir le Silz im Leben de cette tradition dans la crise entre monophysites julianistes et sévériens qui éclata alors en Égypte. Le troisième groupe de textes (avec sa tradition occidentale latine et orientale grecque puis géorgienne, arménienne et éthiopienne) nous situe toujours à Jérusalem, mais l'affirmation de l'assomption, avec ou sans résurrection, est maintenant clairement affirmée, La datation durant la seconde moitié du 6e s. serait confirmée par l'archéologie (le tombeau de Marie, localisé dans l'église de Gethsémani) et la liturgie (le décret de J'empereur Maurice instituant, vers la fin du 6e s., la fête de la Dormition et de l'Assomption au 15 août dans ce même sanctuaire de Gethsémani).
La seconde partie est consacrée aux « Traditions topologiques sur le sort final de Marie ». L'A. préfère le terme « topologie » à celui de « topographie » parce que, dit-il, « au 19e s. le substantif 'topologie' ainsi que l'adjectif 'topologique' étaient utilisés, dans un contexte religieux, pour désigner la connaissance des lieux et tout particulièrement la connaissance des lieux saints » (p. 359). Cependant, on peut se demander si le choix de cette terminologie ne cache pas un choix méthodologique, à savoir le rapprochement entre tradition topologique et tradition littéraire, « A l'origine du site, on trouve toujours un texte. Le site représente l'historicisation du texte ; il vient donc nécessairement après le texte » (p. 361). Bien qu'il accepte l'idée de nuancer ce principe, l'A. se refuse à entrer plus avant dans un débat qui aurait pu se montrer original et intéressant dans la mesure où le culte marial offre généralement la particularité d'être basé sur l'absence (on pourrait comparer, par ex., avec le phénomène inverse où une « présence » peut expliquer la rédaction d'un texte, comme ce fut le cas, semble-t-il, pour « la passion de S. Theodote d'Ancyre »: cf. H. Grégoire et P. Orgels, La passion de S. Theodote, œuvre du Pseudo-Nil, et son noyau montaniste, dans Byzantinische Zeitschrift, 1951, p, 165-184…).
Comme il est impossible d'inventorier toutes les traditions topologiques, l'A, se concentre essentiellement sur les traditions mariales situées à Jérusalem. Il n'oublie pas, cependant, la maison et le tombeau de Marie à Éphèse, ni les traditions de Constantinople et de Jérusalem sur les reliques de Marie (vêtement, relevant de milieux partisans de Chalcédoine, et ceinture, relevant plutôt d'opposants ; p. 603), ce qui lui permet de vérifier la validité de la typologie proposée dans la première partie, pour les textes littéraires.
C'est en conclusion seulement que l'A. aborde la question de savoir si le « littéraire » correspond à « l'historique ». Autrement dit, cette typologie littéraire trouve-t-elle un cadre historique et religieux ? Il s'agit là, nous dit S. C. M. d'une question importante permettant d'une part de contrôler la validité historique de la typologie proposée, d'autre part de retrouver la réalité historique du contexte de ces écrits (p. 658). Les résultats provisoires de cette recherche « tendent à situer vers la fin du 5e s., dans les milieux monophysites de Jérusalem, non seulement la naissance mais aussi la croissance des traditions anciennes relatives au sort final de Marie »
Beaucoup de questions sont soulevées par ce vaste travail. Nous aurions surtout envie de demander si un classement « doctrinal » suffit à caractériser une typologie littéraire et si l'on ne devrait pas - en interrogeant d'autres documents plus anciens, comme ceux qui présentent Marie comme la Nouvelle Ève (dès Irénée, par exemple) et ceux qui l'invoquent pour les vivants et les défunts - situer dans une chronologie plus ancienne, la naissance des croyances étudiées dans cet ouvrage.
Après avoir récapitulé les résultats de la mise en situation historique des diverses croyances sur le sort final de Marie (en prêtant une attention toute particulière à la Palestine), l'A. apportera, finalement lui-même, une réponse un peu décevante, mais honnête, concernant la valeur de la typologie qu'il a établie : « on constate les limites et les problèmes que pose une typologie dont l'aspect artificiel n'est que trop évident. De fait, il n'est pas inutile de rappeler qu'une typologie a essentiellement pour but d'être écartée dès que le résultat est atteint » (p. 674). S.C. M., qui a déjà démontré sa capacité de travail par l'imposant dossier présenté dans cet ouvrage (tant littéraire que liturgique, hagiographique et archéologique), fait ainsi montre - à reconnaître le chemin qui reste à parcourir - d'une courageuse lucidité. On ne peut que lui souhaiter persévérance et succès dans sa vaste et laborieuse entreprise.


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