PRÉSENT 25.07.2009

La doctrine cathare nous est connue par des adeptes (interrogés par l'Inquisition) et par quelques rares textes qui nous sont parvenus. Un des plus importants, parce que le seul qui ait été conservé intégralement, est l'Interrogatio Iohannis, venu de Bulgarie, dont il reste trois versions latines. Le texte a été édité pour la première fois en 1691 dans l'Histoire des Albigeois et des Vaudois ou Barbets de Jean Benoist. Depuis, il a connu plusieurs rééditions. L’historienne Edina Bozoky en publie une édition critique du texte latin avec en regard la traduction, et un abondant commentaire.
L'Interrogatio Iohannis est relativement bref : 257 longues lignes dans le manuscrit de référence, soit une quarantaine de pages dans cette édition latine avec texte français en regard. Comme le dit son titre, il se présente comme des questions que l'apôtre Jean aurait posées à Jésus lors de la dernière cène, et les réponses de celui-ci.
On est là dans le registre de la révélation et des connaissances secrètes. Cette Interrogatio Iohannis apparaît donc comme un condensé de l'enseignement secret des cathares.
Sans entrer le détail de son contenu, on peut repérer quatre thèmes doctrinaux, exposés de façon assez ordonnée : une cosmogonie (description des origines du monde et de son organisation actuelle), une anthropologie (la création de l'homme et "histoire de l'humanité sous le règne de Satan), une sotériologie (le Sauveur et les moyens du salut), une eschatologie (la guerre entre Satan et les Justes, le retour du Fils de l'homme, le Jugement dernier, le règne éternel du Fils et du Père).
La domination de « Sathanas » est entière sur terre, depuis l'origine du monde jusqu'à aujourd'hui. Il est à l'origine de la création de la terre, c'est lui aussi qui « imagina de faire l'homme pour son service, et prit du limon de la terre et fit l'homme à sa ressemblance ». C'est lui aussi qui s'est révélé à Moïse et qui lui a donné les tables de la Loi ; c'est lui qui a inspiré Jean le Baptiste.
Le règne de Satan est absolu dans ce monde grâce à l'œuvre de chair, et les vrais disciples de Jésus « ne se marient pas et ne sont pas donnés en mariage ». Le vrai salut est apporté par le baptême dans l'Esprit (le fameux consolamentum). Le baptême par l'eau n'est pas efficace et les autres sacrements inutiles.

De la Bulgarie au sud de la France
Ces théories étaient destructrices non seulement de la foi catholique et de la vie de l'Église mais aussi de toute vie sociale (par le refus du mariage).
L'Interrogatio Iohannis est un jalon, important, dans une doctrine qui trouve son origine dans le bogomilisme, au Xe siècle, en Bulgarie. C'est un « évêque" hérétique, Nazaire, de Concorezzo, une bourgade au nord de l'Italie, qui a reçu le texte vers 1190 et l'a propagé, par des copies. Et le texte était ensuite lu et expliqué aux « fidèles » illettrés. La prolifération de l'hérésie bogomile ou cathare est assez bien connue : des Balkans, elle est passée en Italie d'où elle s'est propagée vers le sud de la France.
Edina Bozoky souligne combien l'expansion de l'hérésie a été favorisée par l'essor des villes : « Les tensions croissantes entre les différentes classes et couches sociales (nobles, cives et populares) d'une part, entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux d'autre part, créent un climat d'effervescence extrêmement favorable à l'adoption et à la floraison de l'hérésie. On trouve des cathares parmi les ouvriers, les artisans, les riches bourgeois, 'mais aussi parmi les nobles citadins ; en général, il existe un lien étroit entre les cathares et le parti des Gibelins [Les partisans de l'Empereur, contre le Pape]. Les hérétiques obtiennent souvent des fonctions importantes dans les magistratures de la Commune. À Milan, les hérétiques deviennent si nombreux qu'on demande au pape d'envoyer contre Milan des troupes comme celles qui étaient envoyées contre le Midi de la France ».