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TH n°104 LE CHRIST DE CYRILLE D'ALEXANDRIE. L'HUMANITÉ, LE SALUT ET LA QUESTION MONOPHYSITE

TH n°104 LE CHRIST DE CYRILLE D\'ALEXANDRIE. L\'HUMANITÉ, LE SALUT ET LA QUESTION MONOPHYSITE

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Date d'ajout : vendredi 22 janvier 2016

par Bernard SESBOU�

REVUE : RECHERCHES DE SCIENCES RELIGIEUSES

Cyrille d'ALEXANDRIE fait actuellement en France l'objet d'études importantes. Après la thèse de M.-O. Boulnois sur sa théologie trinitaire (cf. RSR 86 [1998], p.226-229), en voici une autre, de B. Meunier, sur sa sotériologie et sa christologie, Le Christ de Cyrille d'Alexandrie. L'humanité, le salut et la question monophysite. Ce nouvel ouvrage ne se contente pas d'analyser l'ontologie du Christ au temps de la crise nestorienne, mais resitue la christologie de l'Alexandrin dans l'ensemble de sa démarche théologique. La démarche suit le centre de gravité de la pensée cyrillienne à partir de ses formules de confession de foi où la question du salut est traitée de manière récurrente à l'aide du parallèle entre Adam et le Christ. Cette opposition symétrique a valeur universelle, puisqu'elle s'étend aux deux états de l'humanité, celui de perdition et celui de salut, et commande la structure de l'histoire du salut.
Une première partie sera donc centrée sur les deux Adam. Le péché d'Adam en lui-même est transgression et désobéissance, chute et glissement, tromperie de Satan, détournement de Dieu. Ses conséquences pour l'humanité sont la transmission d'une malédiction, la condamnation à la corruptibilité et à la mortalité, l'esclavage par rapport au péché et à Satan, mais non une culpabilité personnelle de ses descendants. Le rapport de la situation de chacun au péché d'Adam, s'exprime par l'imitation [La doctrine du concile de Trente propagatione non imitatione, n'interdit nullement de donner un rôle à l'imitation dans la transmission du .. péché originel", elle interdit seulement de retenir ce seul facteur.], et par une faiblesse ou servitude « congénitale ». Car, en cédant au péché, Adam a introduit en sa nature une faiblesse nouvelle, devenue un fait de nature et une caractéristique commune du genre humain. D'autre part, Adam avait reçu avant sa chute l'Esprit de Dieu. Cet Esprit l'a quitté à partir du péché et cette perte demeure en ses descendants. L'homme pécheur est ainsi mutilé dans sa connaissance de Dieu. Adam, créature libre, était fragile : il est passé de la fragilité au péché ; et la nature humaine a hérité d'une epithymia, désir désordonné, tout proche de la concupiscentia augustinienne. Sans doute Cyrille n'emploie-t-il pas le langage du « péché originé » et n'y a-t-il chez lui aucun traducianisme du péché, mais bien de ses descriptions des conséquences de la chute dans l'humanité annoncent des traits augustiniens, en particulier la dialectique de la mort et du péché…
Comment Adam a-t-il mystérieusement représenté toute l'humanité dans son drame individuel ? Est-ce Adam ou toute l'humanité qui a désobéi ?
Cette question était importante pour Cyrille qui fait jouer le parallèle paulinien : nous sommes pécheurs en Adam et sauvés en Christ. Une dialectique des sujets se joue ici, car les textes passent de la personne d'Adam à la nature humaine, toujours considérée concrètement. Certains « mettent en jeu une mystérieuse présence de l'humanité tout entière, comme intérieure à l'acte d'Adam » (p. 83). L'acteur du drame n'est plus alors ni Adam ni « notre ancêtre », mais « l'homme ». Car il y a chez Cyrille deux logiques : une logique « physique », celle de la mort et de la corruption, et une logique morale, celle de la désobéissance et du détournement de Dieu. Une oscillation demeure entre les deux : le discours moral pousse Cyrille à voir en Adam un type universel, ou un symbole, tandis que le type physique le conduit vers le modèle biologique de l'ancêtre.
Les titres d'Adam, prémices de l'humanité, sont déjà les titres du Christ.
Dans une perspective irénéenne, Cyrille voit dans le Christ celui qui opère le retour à l'origine en deçà de la chute, ainsi que la récapitulation de toutes choses. Il transmet à l'humanité le contraire de l'héritage d'Adam : la désobéissance avait entraîné la corruption, l'obéissance fait cesser la colère. Engagé dès l'incarnation, le contact du Verbe avec la chair rend toute l'humanité charnelle participante de la vie de Dieu, ce qui donne lieu à des développements liés à la théorie « physique » du salut. Mais Cyrille n'oublie pas le côté moral de l'obéissance du Christ qui rend notre âme triomphante du péché. Les deux points de vue semblent pourtant plus juxtaposés qu'articulés et laissent place un certain « flou » de la pensée. Mais alors le lien de l'incarnation à la situation pécheresse de l'humanité n'est-il pas dominant ? Le Christ nous redonne aussi l'Esprit. Le thème de la participation de l'humanité à la vie divine équilibrera les choses.
En parallèle et en opposition avec la transmission de la situation pécheresse d'Adam à l'humanité se pose la question de la transmission du salut. Nous sommes dans le Christ comme nous étions en Adam. Mais notre solidarité avec l'un et l'autre n'est pas du même ordre : le Christ reçoit l'Esprit dans sa chair pour en devenir le donateur; il est « seconde racine » et « prémices » de l'humanité. À cette époque, Cyrille n'hésite pas à dire que l'humanité du Christ est son « temple », réalité objective à la disposition du Verbe. Le Verbe, de par son lien à la chair, rachète et libère celle-ci du péché et de la corruption. Il paie sa dette, mais sans allusion aucune à un droit du démon. Il s'offre en sacrifice, mais sa passion et sa mort sont le fait de l'impiété de ceux qui ne l'ont pas accueilli - trop identifiés avec les seuls Juifs - non quelque chose de nécessaire a priori. La dimension ascendante du salut est donc bien présente et annonce les théories futures du mérite, mais elle est équilibrée par la perspective descendante de la « vivification ». Le Christ transmet l'incorruptibilité, il « vivifie » l'homme, terme équivalent à la divinisation. Cyrille développe également le thème de l'exemplarité du Christ. Sa conception de la nature est originale, car il fait d'elle le sujet d'actions concrètes et lui attribue des actes propres à l'individu.
La seconde partie de l'ouvrage aborde les modalités de la réception du salut par chaque humain. Tout tourne ici autour de l'idée de participation à la divinité. À partir du texte de 2 P 1,4, Cyrille affirme une double participation, « corporelle et pneumatique », selon une expression qu'il affectionne. La première se fonde sur l'incarnation et sur l'eucharistie. La seconde vient du don de l'Esprit donné au baptême. Car le salut advient en celui qui le veut par sa foi, même si le côté de l'initiative divine assurant le salut à toute l'humanité une fois pour toutes reste dominant. C'est dans ce contexte théologique global que Cyrille passe « de l'œuvre du salut à l'être du sauveur » (p. 217), ou de la sotériologie à la christologie. Voilà de quoi éclairer d'un jour nouveau son engagement dans le conflit avec Nestorius. Le Christ est toujours le Verbe uni à la chair, c'est-à-dire à une humanité complète - mais la conception concrète de la nature comme sujet de ses actes explique l'adoption de la formule « l'unique nature du Verbe incarné(e) ». La comparaison prise pour rendre compte de l'unité du Christ est anthropologique : le rapport du Verbe à sa propre humanité est analogique au rapport de l'âme au corps. Entre les deux se développe la notion-clé d'appropriation qui « ajuste » en quelque sorte à l'hypostase du Verbe son humanité réelle.
Cet ouvrage remarquable jette un regard théologique nouveau sur la christologie de Cyrille, en l'intégrant à l'ensemble de sa sotériologie et de son anthropologie. Nous regrettions ci-dessus le caractère abstrait de certaines études patristiques qui ne se soucient pas suffisamment du questionnement historiquement situé des auteurs. Ce souci est ici parfaitement honoré. L'ouvrage trace la voie qui permet de comprendre en vérité la légitimité de la christologie de Cyrille, tout en montrant pourquoi les deux adversaires de la crise nestorienne avaient tant de mal à se comprendre, étant donné leurs divergences de vocabulaire et des approximations conceptuelles dont ni l'un ni l'autre n'ont réussi à sortir. L'analyse des textes, largement cités en grec et soigneusement traduits en français, est toujours nuancée, modeste, pertinente et respectueuse de l'équilibre subtil de la pensée de Cyrille. L'étude du péché d'Adam et de ses conséquences constitue un apport particulièrement neuf.


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