Je ne veux pas avoir l'air de suivre un certain ordre décroissant entre la Vierge, les saintes, et les autres, mais voici maintenant deux saintes, l'une ancienne et l'autre médiévale, que l'actualité littéraire propose à notre intérêt - et pourquoi non, à notre dévotion. Marie-Madeleine, d'abord. Depuis les belles études de Mgr Saxer, les travaux magdaléniens, pour ainsi les appeler, se sont multipliés ces dernières années, et Élisabeth Pinto-Mathieu nous donne avec sa Marie Madeleine dans la littérature du Moyen âge, reprise d'une thèse soutenue à Paris-IV en 1992, un riche aperçu des enjeux et des problèmes rencontrés dans l'étude de l'attachante figure de « la » Madeleine. J'ai beaucoup apprécié, entre autres, la première partie, sorte de parcours de la littérature ancienne concernant Marie-Madeleine - sermons, hymnodie, prière à la sainte. Celle-ci apparaît comme la protectrice aimée des pénitents (Je te supply, Magdeleine m'amye / que le pardon que Jésus te donna / me soit parti...) et sa figure a certainement contribué au développement du sens pénitentiel, de la certitude chrétienne d'une miséricorde divine. Mme Pinto-Mathieu consacre de belles pages à l'étude serrée de quelques hymnes et séquences fort belles ; j'y ai retenu un commentaire de l'étonnant Ave Maria… Magdalena du prieur Libehard de Reichenbach (fin XVe siècle) où le texte de la prière angélique traditionnelle est entrelacé de mots magdaléniens. L'audace (le jeu) littéraire est doublée d'une audace théologique : voilà toutes proches celle qui est bénie in mulieribus et celle bénie in peccatoribus. Tout le mystère de l'Incarnation ne tient-il pas dans ce rapprochement devenu possible ?