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BB n°34 LES ÉVÊQUES AU TEMPS DE VICHY. Loyalisme sans inféodation, les relations entre l'Église et l'État de 1940 à 1944

BB n°34 LES ÉVÊQUES AU TEMPS DE VICHY. Loyalisme sans inféodation, les relations entre l\'Église et l\'État de 1940 à 1944

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Date d'ajout : dimanche 20 septembre 2015

par C�line LESOURD

REVUE : REVUE DES ÉTUDES JUIVES, janvier 2001

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les historiens n'ont pas interprété de façon unanime l'attitude de la hiérarchie catholique sous Vichy et ils ont évolué au début des années 1990 vers une vision plus sévère qu'auparavant. Tenant compte des avancées de cette historiographie, Jean-Louis Clément propose dans son dernier ouvrage une analyse novatrice, nourrie par la consultation d'archives depuis peu accessibles aux chercheurs. Parmi celles-ci, la documentation du cabinet civil du Maréchal constitue un fonds au contenu très varié : notes du Service des renseignements généraux, lettres de prélats, brouillons de réponse du Maréchal, canevas d'entretien avec tel ou tel évêque, notes de politique générale. L'auteur a complété cet ensemble hétéroclite par l'étude des comptes rendus de l'Assemblée des cardinaux et archevêques, réunie pour la première fois en 1919 et qui n'a pas cessé de fonctionner durant l'Occupation même si la division du territoire français l'a obligée à se scinder en deux, du mois d'août 1940 au mois d'avril 1943. Enfin, l'auteur a pu analyser 59 % des bulletins diocésains, non sans difficultés car plusieurs collections sont partielles, très mal conservées, voire inexistantes.
Dans son introduction, Jean-Louis Clément précise clairement son objectif : « étudier le sens, la portée et les limites de ce loyalisme sans inféodation » (p. 7), exprimé par la hiérarchie catholique pendant l'Occupation. Convaincu du caractère multiforme et contradictoire du pétainisme, il analyse avec nuance l'attitude de l'épiscopat pour qui Vichy, selon lui, n'a jamais formé un bloc uniforme, doté d'une philosophie immuable. Il est en effet capital de prendre en compte les circonstances auxquelles la hiérarchie a été, semble-t-il, très attentive.
L'auteur montre tout d'abord comment les évêques et archevêques français se sont ralliés dès juillet-août 1940 à l'État français. Dans sa réunion du 28 août 1940, l'Assemblée des cardinaux et archevêques recommande aux membres du clergé « la pratique du loyalisme envers le pouvoir légitime » et la grande majorité des évêques lui emboîte le pas. La théorie de l'Autorité qui avait cours dans les années trente est essentielle selon Jean-Louis Clément pour comprendre cette attitude. Cette nouvelle théologie politique est exposée officiellement par Daniel-Joseph Lallement dans ses Principes catholiques d'action civique publiés en 1935, à la demande de l'Assemblée des cardinaux et archevêques. Optant pour le principe de la collation immédiate, la hiérarchie privilégie ainsi « la théorie de la désignation qui préserve les prérogatives du suffrage universel - le peuple désigne ses chefs - tout en maintenant l'origine divine de l'Autorité - Dieu confère directement celle-ci aux élus » (p. 14). En réactivant cette théorie, les évêques renforcent l'obéissance au pouvoir établi mais tentent en même temps de mettre en œuvre une action civique efficace qui leur interdit toute passivité. Ils se donnent ainsi le droit de dénoncer les erreurs et les dérives totalitaires et c'est bien là le fondement essentiel, selon l'auteur, de leur loyalisme sans inféodation. Effectivement, les divergences avec l'État français n'ont pas manqué. Tout en participant au redressement national souhaité par Pétain, notamment par la recherche de l'unanimité nationale, les prélats français ont exprimé leurs réticences à plusieurs reprises : contre la tentation de création d'une jeunesse unique, contre le serment de fidélité imposé en janvier 1941, contre la Charte du travail (4 octobre 1941), instaurant un corporatisme d'État et un syndicat unique. Ces prises de position n'excluent pas le loyalisme et l'attachement à la personne de Pétain. Ce dernier, en retour, a le souci de gouverner en bonne entente avec l'épiscopat, sans toutefois songer à instaurer un État d'Ordre moral catholique. Ilsuffit, pour s'en persuader d'observer la politique scolaire mise en œuvre. Si Jacques Chevalier tente rapidement de favoriser le catholicisme en faisant par exemple de l'instruction religieuse un enseignement à option par la loi du 6 janvier 1941, Jérôme Carcopino, son successeur, en février 1941, au ministère de l'Instruction publique, supprime l'ensemble de ses concessions. L'État affirme ainsi son autonomie par rapport à une Eglise soucieuse de lui imposer sa philosophie politique. Face à la question juive, la hiérarchie reste très nuancée. Très vite, des hommes éminents comme le primat des Gaules, le cardinal Gerlier, expriment leurs réticences vis-à-vis d'une législation dont les fondements sont racistes. À l'été 1942 apparaissent les premières condamnations officielles. Les 21 et 22 juillet de cette année, les cardinaux et archevêques de la zone occupée élèvent « une protestation en faveur des droits imprescriptibles de la personne humaine ». En zone sud, les protestations individuelles de prélats comme Mgr Saliège, à Toulouse ou Mgr Théas, à Montauban, se font plus véhémentes. La majorité des évêques de la zone occupée est apparemment persuadée que les déportations sont imposées au Gouvernement de Vichy par les autorités nazies. Selon l'auteur, « la hiérarchie catholique [a] conçu les protestations contre les déportations comme un moyen d'aider le gouvernement français à résister aux exigences allemandes » (p. 137). La démarche est toujours la même : respect de l'Autorité, loyalisme prudent, sans inféodation. Face à une telle attitude, il était inévitable que le fossé se creusât entre la hiérarchie et les catholiques résistants. Ces derniers n'ont pas modéré leurs critiques, clandestinement par des tracts, ou plus officiellement par la rédaction d'un « Mémoire aux évêques de France » (30 juin 1942) dont les propos sont très durs à l'endroit d'une hiérarchie compromise par son soutien à un gouvernement qui regroupe « des représentants de la Cagoule, de l'Action française et des trusts» [« Mémoire aux évêques de France », p. 2.]
L'évolution du régime et les changements survenus dans le cours de la guerre entraînent-ils une modification de l'attitude de l'épiscopat après 1942 ? Les faits montrent que les prélats sont « loyaux contre vents et marées », selon l'expression de Jean-Louis Clément. Certes, les critiques du collaborationnisme extrême et des dérives totalitaires du régime s'accentuent, notamment au moment de l'instauration du S.T.O., mais les tentatives des résistants pour infléchir davantage la hiérarchie restent infructueuses. Jusqu'au bout, l'épiscopat reste neutre, refusant de légitimer l'État milicien et ce qu'il appelle la « dissidence ». Selon les mots de l'auteur, « il n'existait aucune certitude sur la validité du mandat de ceux qui exerçaient le pouvoir comme il n'en existait aucune sur la représentativité réelle de la Résistance » (p. 250).
Au terme de cet ouvrage, le lecteur a une idée plus précise des relations ambiguës et contradictoires entretenues par la hiérarchie catholique de l'État français. Grâce à une documentation très riche, Jean-Louis Clément a su montrer comment les prélats, forts de la théologie politique élaborée dans les années trente, maintiennent leur loyalisme au pouvoir même si la notion de légitimité s'estompe quelque peu après le 18 décembre 1943 et l'instauration de l'État milicien. En même temps, tout accord avec la théologie des catholiques résistants pour qui le loyalisme n'était pas absolu se révélait irréalisable. L'accès à de nouvelles sources, inaccessibles jusqu'à ce jour, devrait corroborer à l'avenir une analyse vigoureuse et déjà très convaincante.


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