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08. MEMOIRE ET ESPERANCE CHEZ JEAN DE LA CROIX

08. MEMOIRE ET ESPERANCE CHEZ JEAN DE LA CROIX

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Date d'ajout : mardi 23 mai 2017

par Paul-Émile LANGEVIN

LAVAL THÉOLOGIQUE ET PHILOSOPHIQUE, février 1976

Cette thèse que l'A. présenta à l'Université de Bordeaux veut « recueillir et expliquer les textes de saint Jean de la Croix sur la mémoire et l'espérance, en essayant de montrer que les différences dans l'expression ne compromettent pas l'unité de la pensée » (p. 7).
Le chapitre d'introduction présente une esquisse biographique du saint et une synthèse doctrinale de son œuvre dans le but de « situer plus exactement l'objet de notre recherche » (12). De l'esquisse biographique, on retiendra surtout la rencontre de Jean de la Croix avec Thérèse d'Avila à l'été de 1567, l'enlèvement et la détention au cachot que valut au saint la persécution des siens, enfin l'étude de la Bible et de saint Thomas d'Aquin qu'il poursuivit si intensément.
L'A. situe ainsi sa recherche : « L'âme est écartelée entre le monde et Dieu. Or sa finalité est Dieu. Le monde se présente donc comme un ennemi de l'âme. Mais c'est la mémoire qui rend le monde présent en nous. La pauvreté qui nous dépouille et nous débarrasse du monde ne doit-elle pas s'approfondir en pauvreté spirituelle pour nous détacher non seulement des biens extérieurs, mais encore des possessions de la mémoire ? Et l'espérance théologale vide la mémoire de toutes possessions, car elle l'oriente vers Dieu » (36). Le monde demeure en l'homme par la mémoire : l'homme risque ainsi d'être attaché au monde et d'y être asservi : « Il faut donc vider la mémoire pour nous affranchir pleinement du monde : ce sera le rôle de l'espérance théologale qui mettra la mémoire dans le vide de la pauvreté spirituelle : et pour la mémoire, pauvreté s'appelle oubli » (59). La démarche que suivra l'A. se trouvait du coup suggérée : étudier le monde ennemi et la pauvreté (livre 1), la mémoire qui attache à ce monde (livre Il), enfin l'espérance qui délivre la mémoire et oriente vers la gloire (livre III).
Laa pauvreté « dépouille de tout, non par goût morbide du néant, du rien, mais pour posséder Dieu » (p. 63). Pour mieux s'unir à Dieu, l'homme se détachera de ce capital attachant que constituent les souvenirs accumulés dans la mémoire. Une telle purification de la mémoire qui prend forme de « pauvreté spirituelle » sera le fruit de l'espérance théologale qui tend l'homme vers Dieu, dans l'attente dynamique des dons de Dieu. Ici, la pauvreté ne signifie pas tellement absence de richesses que détachement intérieur ou libération de l'âme à l'endroit des biens de toute nature.
Plutôt que réceptacle des souvenirs, la mémoire est chez Jean de la Croix puissance d'accueil et de rappel des souvenirs conservés dans la fantaisie ou dans la substance de l'âme. La mémoire « est surtout un réceptacle en puissance qui peut posséder ou se détacher, se remplir ou se vider, qui actualise les souvenirs en les ramenant du subconscient à la conscience » (95). Elle « puise dans la fantaisie pour fournir à l'imagination » (96). Si elle sait se dépouiller des vanités par une pauvreté spirituelle touchant le capital des souvenirs accumulés, elle « devient tout élan et se mue en espérance théologale : sous l'influence divine, sa capacité se dilate et tend à l'infini, vers la possession de Dieu » (98).
L'espérance recherche Dieu, alors que l'espoir « vise les biens créés » (20), conduit tôt ou tard à la déception. L'espérance demande la solitude et le silence intérieur, pour que l'âme tende librement vers Dieu (216), pour qu'elle « cherche à se réaliser dans l'Être, qui est plus que l'avoir et que les êtres » (243). C'est ainsi que la mémoire « métamorphosée par l'espérance » atteint Dieu, ce qui est sa gloire (250). Cette gloire n'a rien à voir avec les honneurs que la gloire humaine recherche tellement. Elle désigne une richesse d'une qualité particulière, trouvée dans l'union à Dieu : « La vision de Dieu entraîne l'épanouissement total de la vie humaine pour l'éternité; on peut y voir la satisfaction des tendances, des puissances : c'est la béatitude. On peut aussi considérer la plénitude de la personne, sa suréminente dignité qui sans perdre son identité est divinisée autant qu’il est possible à un être humain : c'est la gloire » (256). Le climat de paix et de joie où l'âme vit désormais est un signe non-équivoque que l'âme est entrée en possession de la gloire : elle a touché le but que l'espérance lui assignait ; elle y goûte un bonheur profond qui suscite une paix joyeuse. L'âme prend alors seulement « toute sa dimension » (288).
Jean de la Croix présente une structure assez originale du monde spirituel, une structure difficile où les catégories de la scolastique thomiste orientaient peut-être plus qu'on ne s'y attendrait la réflexion spirituelle et mystique du saint. L'important est d'y découvrir les données essentielles de l'expérience que vit l'homme aux prises avec deux mondes qui l'attirent dans deux directions contraires. L'homme refuse de s'appauvrir à tous égards : il est attiré par une richesse supérieure à celle qu'il possède, attiré par un épanouissement supérieur de son être. Pour atteindre ce plus-être, il découvre qu'il faut se séparer d'un certain passé, d'un acquis dans lequel il était tenté de mettre sa confiance. Les « nuits » active et passive désignent ces moments pénibles où il coupe les liens avec le passé, en particulier ; seule l'espérance rattachera l'âme à la « gloire » exentrevue dans la foi.
M. André Bord décrit avec une admirable clarté le rôle que joue la mémoire dans cette vaste expérience spirituelle. Il maintient le lecteur dans un contact étroit avec les sources de Jean de la Croix, avec ses textes, même avec le vocabulaire espagnol du mystique. Il fournit sans cesse au lecteur désireux de poursuivre la recherche les références utiles aux œuvres de Jean de la Croix. L'intuition spirituelle de l'A. est remarquable, sa langue limpide. Dans le cadre complexe des catégories scolastiques, l'A. a su dégager la ligne de pensée originale du grand mystique. Le mérite n'est pas mince. Sous un angle particulier, c'est l'ensemble de la démarche spirituelle du saint qui se trouve éclairée. Des thèses de doctorat égarent souvent le lecteur moyen à cause du point de vue trop limité et de la technicité rebutante de l'exposé. La présente thèse évite heureusement ces écueils.


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