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LE DIT DU CORBEAU ET AUTRES NOUVELLES

LE DIT DU CORBEAU ET AUTRES NOUVELLES

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Date d'ajout : lundi 13 avril 2015

par Mich�le DUCLOS

REVUE : EUROPE avril 2015


L'œuvre d'Anne Mounic, que l'on peut aujourd'hui considérer comme majeure dans l'ampleur de son développement et dans la fermeté des convictions intellectuelles qui s'y incarnent, peut, semble-t-il, se subsumer en l'opposition entre, d'une part la société avec ses conventions, « l'objectivité sans affect » qui cherche à nous limiter à « la terrible cage de notre être mortel », el d'autre part, alors que « la forme de notre âme est rythme, fluide pulsation », la subjectivité. notion-clé liée au choix individuel, à la liberté de vivre, de penser et d'écrire, rencontre du dedans et du dehors – « harmonie du paysage et de l'être », là où « c'est l'être qui bondit hors de ses limites ». Partant souvent d'un incident apparemment banal, les récits deviennent un questionnement pour l'imaginaire, indépendamment de l'objectivité chronologique ou du réalisme spatial.
« L'au-delà », dit l'oiseau-narrateur de la première novella du recueil (quel que soit le sens qu'il confère à ce terme d'au-delà), « fait partie intrinsèque de l'existence […] comme une réalité indispensable au déploiement de notre parfaite subjectivité. Le monde fini de l'objet nous tient lieu de sépulcre, si nous nous en contentons. » Ce narrateur donc est un corbeau, « intuition de l'intime » qui, fidèle au programme résumé ci-dessus, se souvient d'avoir été blanc avant d'assumer sa noirceur brillante. Tout en revendiquant un rôle biblique indûment usurpé par une faible colombe, il se fait peu ou prou voyeur pour suivre la vie intérieure, dans leur quotidienneté, d'individus ordinaires victimes du scandale collectif entre tous que fut la Première Guerre mondiale.
La seconde nouvelle, L'Origine, se déroule à Los Angeles et nous met en présence d'une enfant longuement enfermée dans une cave par ses parents sans échanges affectifs ni langagiers. Le sujet est abordé in medias res alors qu’il est à nouveau réaffirmé que « seule la voix singulière est subversive ». L'anecdote événementielle, plutôt que récit, suscite, selon l'auteure, « une réflexion […] sur la parole et sa privation ». Alternent dialogues anodins et conversations surprises au hasard d'un bus ou d'un tramway, avec des cogitations intérieures réminiscentes du courant de conscience woolfien sur le sens de la vie et de l'art, en joyeuse rupture avec les conventions classiques de lieu, temps et sujet. « Tous les temps […] sont toujours présents pour un esprit bien fait, un esprit bien vivant. Pourquoi cantonner les mots à l'imitation fade, parfois vulgaire, en tout cas linéaire, de la réalité, et de son parler sans souffle ? » Le leitmotiv de la « subjectivité pleine et entière du devenir » débouche sur « la spiritualité - enluminer chaque minute de son souffle de vie, afin de pouvoir se dire vivant et jongler dans l'éternité de l'idée avec les moments dispersés ».
Selon les mots mêmes de l'auteure dans son avant-propos, la troisième nouvelle, L'Adagio de Tomaso Albinioni, « prend forme à la lois de Journal et de Livre d'heures ». Et aussi, surtout, de dialogue oppositionnel entre un je et un tu, entre deux activités divergentes à l'intérieur d'un couple ordinaire, Julia la caissière et Rémo le violoniste. Leurs occupations ne dessinent aucun lien direct entre l'écoute de la musique d' Albinoni, la tenue d'un journal à la temporalité non impérative, et les courses au supermarché. Dialogue – ou dialectique ? – entre le passé d'Albinoni, de Michelangelo, du Caravage, et le présent plus divers des musicologues Remo Giazotto, Jean Witold, avec également des protagonistes vivants, dont l'auteure. Dialectique existentielle du pensé et du paysage d'un jardin évoluant au fil du Journal en saison de la jacinthe et du forsythia au crocus et formant un contrepoint avec les paysages des peintres italiens médiévaux et renaissants évoqués. La problématique générale du volume (et de l'œuvre entière) se singularise ici dans le temps et se fait plus douloureuse : « exploration de l'impuissance contemporaine », où 1'« être singulier parait grotesque dans un monde institutionnalisé » : « fatale impuissance de ce monde. Impasse de la contrainte, de l'intérêt et du divertissement ».
Alors fait retour le leitmotiv de la spirale, déjà ancien dans l'œuvre, où l'on peut sans doute reconnaître une clé sous-jacente de la structure propre aux récits et à la pensée d'Anne Mounic. « La spirale invite au palimpseste. » C e déroulement spiralique se manifeste dans la quanième nouvelle, Chapeau de paille, dans la chapelle des Anges, localisée toujours en dialectique entre réalité immédiate ordinaire, méditation et imagination. Elle nous mène de la place Saint-Sulpice et de la Journée de l'Estampe au gué du Yabbok par Delacroix, puis à la longue description sensuelle et presque jouissive d'un cambriolage au domicile de l'auteure et de son mari, Nous ne sommes alors pas loin d'une dimension d'enchantement qui tend vers Novalis, l’Axël de Villiers de L'Isle-Adam et même vers Brassens (les voleurs se voient dédier un poème), puis le récit revient en spirale, avec des développements supplémentaires, à la place Saint-Sulpice. Au passage intervient une dimension éthique: « L'œuvre est la rédemption de la vie quotidienne, le salut de l'ennui, ce "monstre délicat". Elle est, à cet égard, puissamment morale. »
La méditation qui clôt le volume, La Demeure et l’Infini, invoque Nerval ct son « Artémis » où « La Treizième revient… C'est encor la première », exprimant le vœu que « les années et les corridors que je parcours par ces lignes et entre ces lignes puissent se prolonger dans la demeure intérieure de chaque lecteur », grâce à une parole qui « tente de saisir le fluide, l'invisible, l'infime et l'infini, et qui, de ce fait, tient elle-même du fluide, de l'incertain, de l'humble ct de l'ouvert ». Une parole sous le signe cosmique de l'eau.


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