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L'ÉVANGILE DE LA VIE Tomes 1 & 2

L\'ÉVANGILE DE LA VIE Tomes 1 & 2

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Date d'ajout : mardi 22 décembre 2015

par Vincent BOURGUET

REVUE : REVUE THOMISTE, 2000

Ce livre est une étude de l'encyclique Evangtlium vitae, publiée en 1995. Son objectif général est « de relever la notion de vie humaine comme notion fondamentale récurrente de l'encyclique et d'en examiner les propriétés essentielles pour mieux connaître la vie de l'homme selon ses diverses dimensions et mettre en lumière comme moraliste les raisons profondes, l'actualité et les conséquences pratiques de l'encyclique » (p. 2). La méthode consiste dans une analyse du texte pontifical, dans le sens d'un approfondissement des problèmes inhérents à la vie humaine, et ce tant dans le domaine scientifique que dans les domaines de la philosophie et de la théologie. Bref, ce qui est implicite, ce qui est admis, ce qui est synthétisé, ce qui est présupposé, ce qui est allusif dans l'Encyclique - dont le genre exige la brièveté et exclut les analyses techniques -, ce livre se propose de le déployer, en vue de fournir au lecteur une compréhension en profondeur (savante) de ce texte. Cela donne un nouveau traité de théologie morale.
L'ouvrage, dont l'organisation est dictée par l'encyclique, se distribue en six chapitres. Les quatre premiers, qui forment le premier volume, sont consacrés à la vie, respectivement « biologique », « philosophique », « sociologique » et « juridique ». À la lumière de la raison, l'A. développe, dans le chap. 1, une critique (au sens propre) des conceptions contemporaines de la vie, plus précisément des conceptions évolutionnistes de la vie et des conceptions « bio-éthiques » concernant le commencement de la vie humaine. Le chap. 2 présente une anthropologie philosophique (« une philosophie complète de l'homme », p. 57) et une étude du concept de personne. Le chap. 3 est consacré à une critique de la « modernité » (menaces contre la vie, problèmes démographiques). Enfin, le chap. 4 développe une critique des ordres juridiques positifs eu égard à la vie (avortement, euthanasie), en s'appuyant sur le droit naturel (et en insistant notamment « sur le caractère prépolitique du droit à la vie »).
Le second volume comprend le chap. 5 : « Vie théologique », et le chap. 6 : « Vie éthique ». Il s'agit là de 1'« intégration » théologique, c'est-à-dire du déploiement d'une anthropologie, à la lumière de la Révélation, centrée sur le thème de l'image et de la ressemblance et sur la personne du Christ en tant que révélation de l'homme achevé. Ce qui permet à l'A. de finir sur les grands thèmes de la vie morale : « avortement, droits de l'embryon, suicide, légitime défense, peine de mort et euthanasie » (p. 7).
Il ne saurait être question ici de rendre compte de l'ensemble de l'ouvrage. Nous nous contenterons de quelques remarques. La première impression du lecteur vient justement de l'impression excellente de l'ouvrage (grande qualité à tous égards), de son édition soigneuse (nous avons relevé deux coquilles seulement : p. 69 et p. 125) et de son apparat scientifique, utile et exhaustif autant que possible (index des auteurs, bibliographie internationale, propos très abondamment référencés en notes).
Le souci de l'A. de « couvrir » son sujet et, par suite, la multiplicité des champs disciplinaires abordés et maîtrisés (biologie, embryologie, médecine, démographie, philosophie, théologie, droit, sociologie, etc.), et tout cela en 376 pages, est comme une gageure, risquée. En effet, le propos laisse parfois le lecteur sur sa faim. L'abondance des résultats se paye parfois au prix d'un rétrécissement excessif des développements. Pour le dire en un mot, l'A. aurait dû prendre plus de place pour exposer sa pensée, la développer. Cette critique n'entame en rien notre jugement sur ce livre : parmi les publications contemporaines sur le sujet (et notamment sur la « bioéthique », que nous connaissons un peu), un livre de haut niveau, un livre de référence, compétent, savant, sûr de jugement, dans lequel les problèmes particuliers sont traités comme tels mais aussi situés dans un horizon plus large.
Dans le chap. l, l'A. traite de l'origine de la vie humaine, en 20 pages : il affronte là les théories de l'évolution (darwinisme, néo-darwinisme) et de l'émergentisme dans le cadre de la neurobiologie. Il s'agit d'une réfutation pure et simple de ces théories scientifiques, au niveau même de la science (c'est-à-dire avec des arguments scientifiques). Nous sommes incompétents pour peser ces arguments. Mais il nous semble, d'une part, que l'A. aurait eu avantage à distinguer plus nettement la science elle-même de ses interprétations et vulgarisations - et plus largement de son idéologie -, lesquelles ne sont évidemment pas scientifiques. Ce qui intéresse nos contemporains dans la science est moins la science (qui est difficile et métaphysiquement très modeste) que plutôt des réponses à des questions philosophiques qu'ils se posent (ou des arguments à l'allure scientifique pour des réponses philosophiques qu'ils se sont déjà données). Ce qui fait qu'on fait dire à la science ce que scientifiquement elle est incapable de dire ; on extrapole, on enchâsse des « résultats scientifiques » provisoires pour étayer des discours à l'allure philosophique, définitive, et polémique. D'autre part, l'A. rappelle bien la distinction des ordres entre la foi et la raison, l'autonomie des sciences et l'impossibilité d'une contradiction entre la science et la vérité de la foi (p. 10). Mais il ne thématise pas cette nécessaire distinction (qui exclut et la confusion et la séparation des domaines). Car le problème central n'est peut-être pas tant ce que dit la biologie que le rapport entre ce que dit la biologie et ce que dit la foi, de l'homme en l'espèce, et de son origine. Faut-il, pour être chrétien, récuser l'évolutionnisme ? L'idée d'évolution est-elle contraire à la foi ? Il apparaît au lecteur que l'A. le pense. Nous sommes là dans le cadre d'un « ou bien… ou bien… », et donc d'un rapport de confrontation avec la science. Il n'est pas injustifié de se demander si la question alternative que pose l'A. : « l'homme n'a-t-il avec l'animal qu'une différence de plus ou moins, ou transcende-t-il les purs mécanismes des autres vivants? » (p. 21) interdit par avance de penser une articulation plus fine entre les domaines respectifs. Ajoutons que sur tous les problèmes liés au commencement de la vie humaine individuelle, ce chap. 1 est remarquable de précision et de clarté. L'identité de l'embryon humain fait ensuite l'objet d'une « reprise » éthique, dans le dernier chapitre qui traite tout aussi remarquablement de l'avortement, des techniques de fécondation artificielle, du clonage et des manipulations embryonnaires.
Le chap. 2 propose une anthropologie philosophique de type thomiste. Ce chapitre s'articule, pour l'essentiel, autour des concepts d'âme et de corps, pose le problème de leur union et rencontre finalement celui de l'animation. En soi, ce traité de l'âme ne pose pas de difficultés. Nous nous interrogeons toutefois sur son caractère isolé et thématiquement séparé du chap. 1. Ce qui pose problème en effet est que le concept d'âme a, chez Aristote et Thomas d'Aquin, une fonction biologique (une fonction d'animation), alors que la biologie actuelle explique la vie sans l'âme, et que celle-ci, en conséquence, a perdu toute fonction en biologie et est devenue, sous le nom de « psychique », l'objet de la psychologie. Il n'est pas illégitime d'imputer cette désertion de l'âme à part le corps et la vie au cartésianisme, et de le déplorer. Mais cela ne contribue pas à résoudre le problème. Car il est patent que le traité de l'âme, chez l'A., occupe le chap. 2, consacré à l'anthropologie, et est totalement exclu du chap. 1 - où il est parlé de la constitution embryonnaire du corps humain, et donc de l'homme… Comment maintenir une anthropologie de l'âme en son sens aristotélico-thomiste à côté d'une théorie scientifique de la vie humaine qui en fait l'économie ? Ce que dit le traité de l'âme humaine, c'est principiellement la vie humaine : il en donne l'intelligence. C'est là la biologie des Anciens, une biologie qui est aussi une psychologie, et une partie de la métaphysique. Peut-on se contenter de la reprendre en lui juxtaposant une biologie humaine qui lui est constitutivement étrangère ou opposée ? Le problème fondamental n'est peut-être plus seulement de savoir si, oui ou non, l'animation est immédiate, mais plus radicalement de savoir comment articuler (et non pas juxtaposer simplement) au savoir moderne de la vie l'affirmation d'une intervention transcendante constitutive. C'est évidemment un problème grandiose, que la simple reprise de l'anthropologie aristotélico-thomiste ne résout pas, selon nous, mais pose au contraire de manière accrue. Nous sommes en recherche d'unité, parce que nous sommes confrontés à une béance épistémologique inédite entre les ordres du savoir. Bref, l'anthropologie philosophique exposée au chap. 2 nous parle-t-elle de l'homme dont il s'agit au chap. 1 ? Quel est le rapport ?
Le chap. 3 développe une critique de la modernité, dont les aspects positifs, traités en deux pages (p. 136-137), sont loin de contrebalancer les aspects négatifs. Dans ces conditions, en effet, « le découragement peut menacer » (p. 137). Il est toutefois loisible de se demander si une telle radicalité dans la critique de notre époque ne relève pas en partie d'une certaine surévaluation du passé.
Nous finirons en évoquant les pages consacrées à l'euthanasie (t. 2, p. 95-111).
On peut être redevable à l'A. de sa clarté, et d'introduire, en s'appuyant sur le Magistère, des distinctions en cette matière, qui ne sont pas celles en vigueur ailleurs. Par exemple, la distinction banale entre euthanasie active et euthanasie passive, qui brouille et sollicite le débat, doit être abandonnée. L'A. reprend la définition donnée par la « Déclaration Iura et bona sur l'euthanasie » par la Congrégation pour la Doctrine de la foi : « Une action ou une omission qui, de soi et dans l'intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur. » L'expression « droit de mourir » est elle aussi évacuée, mais, à notre avis, trop rapidement : « Le droit présumé comprend une contradiction : la mort est une nécessité, non un droit » (t. 2, p. 105). Certes, mais lorsque, dans le contexte contemporain, on parle du droit à la mort, c'est parce que la mort semble de fait dans les mains des médecins, c'est-à-dire un objet de décision. L'expression s'entend alors comme prétention à récupérer une prérogative que d'autres ont fait leur. C'est à partir de la présomption générale d'un droit sur la vie humaine (droit au suicide ou droit de tuer médicalement ou de faire vivre par force) que la revendication d'un droit à la mort dans la dignité reçoit une signification (ce qui ne veut pas dire une justification). Nous sommes en effet à l'époque où l'homme entend s'arroger des droits sur la vie, donc sur la mort. C'est aussi pourquoi l'A. a parfaitement raison de souligner qu'au-delà des arguments pour ou contre l'euthanasie, c'est en fait le sens de la mort (donc de la vie) qui est l'enjeu profond du débat : la déchristianisation a pour effet de déchristianiser aussi la mort, qui n'est plus perçue comme un changement (« une porte vers l'éternité »), mais comme une destruction. Dans ce contexte, le droit de mourir revendique, contre la nécessité misérable et fatale d'une destruction, la liberté solitaire, donc le pouvoir arbitral, d'en décider l'heure et les circonstances. La mort est devenue un enjeu de pouvoir. La dignité se concentre, in fine, dans la liberté de mourir avant que l'heure vienne. De manière analogue, le sens de la souffrance change lui aussi puisque le bien-être prime sur l'être (mieux vaut ne pas être que de souffrir).
Nous remercions l'A. pour cet ouvrage stimulant et lucide.


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