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03. NIETZSCHE L'INTEMPESTIF

03. NIETZSCHE L\'INTEMPESTIF

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Date d'ajout : vendredi 04 décembre 2015

par Damien LE GUAY

REVUE : FRANCE CATHOLIQUE, juin 2001

Nietzsche prophète
Contrairement à l'usage habituel, il est possible de lire Nietzsche comme un vaccin contre un christianisme tranquille et comme une dénonciation prophétique du nihilisme ambiant que nous connaissons.
Comment lire Nietzsche, quand tant d'autres auteurs, plus sûrs et d'une moelle plus spirituelle, attendent, rangés sur l'étagère ? Certes, Nietzsche est stimulant. Il fouette la pensée et prophétise nombre de nos évolutions. Certes, tout le monde peut faire son miel de ses critiques, extravagances, fulgurances et maximes de vie. Certes, nous ne pouvons que saluer la publication en Pléiade du premier des trois tomes consacrés à ce maître-auteur de notre modernité humaine trop humaine. Mais, de grâce, lisons Nietzsche avec sérieux, scepticisme et intelligence, sans perdre de vue "l'euthanasie du christianisme" qu'il appelle de ses vœux.
Déjà, il y a plus de cinquante ans, après avoir considéré, comme il se doit, La naissance de la tragédie comme "une œuvre géniale", le père de Lubac, dans son Drame de l'humanisme athée, nous mettait en garde : « Si le christianisme peut et doit assumer les vertus du paganisme antique, le chrétien qui veut demeurer fidèle ne peut que repousser d'un "non" catégorique un néo-paganisme qui s'est constitué contre le Christ ». Car, pour Nietzsche, fils et petit-fils de pasteur, qui pense pour partie contre lui-même, le monothéisme fut « le plus grand danger de l'humanité ». Le christianisme exige « l’instinct grégaire » et prône la soumission à l'autorité. Ajoutons que, pour lui, la foi chrétienne est avant tout un sacrifice, « sacrifice de toute liberté, toute fierté, de toute confiance de l'esprit en soi-même » en même temps qu'elle est un asservissement, une mutilation, une dépréciation de soi-même. Quant à l'Église chrétienne, chargée de tous les maux, elle a conduit à une « spiritualisation de la cruauté » (l'enfer, l'Inquisition) et doit disparaître, à la suite du discrédit qui est tombé sur le « Dieu chrétien » au profit du bouddhisme.
Alors oui, avec présent à l'esprit, cet horizon spirituel qui se constitue à rebours du Christ, nous pouvons dire que Nietzsche est prophète - prophète d'une modernité et de ses travers niveleurs. Le père Valadier, jésuite bien connu, invite, dans son dernier livre, Nietzsche l'intempestif, à ne pas réduire Nietzsche à un professeur en athéisme ennemi de la divinité. Nietzsche annonce, d'une certaine façon, une « reviviscence du divin », mais d'un divin caché dans la profondeur, l'épaisseur et les merveilles de ce monde. Il critique, dans le christianisme (et en particulier chez saint Paul - qu'il considère comme le second assassin de Jésus, l'anarchiste), la place centrale de l'homme et une exaltation de la soumission. Dès lors, pour faire émerger une pensée pluraliste des valeurs, il importe de « faire sauter à la dynamite » la volonté de croyance et, surtout, dans la pensée monolithique (la religion chrétienne), le désir de s'approprier la vérité.
Usons donc La Naissance de la tragédie, et en particulier l'essai d'autocritique qui fut rajouté par Nietzsche, et feuilletons, au gré de ses humeurs, les Mauvaises pensées choisies. La lecture de Nietzsche éclaire d'un jour nouveau, entre autres, le lien entre christianisme et démocratie. Car, pour lui, la démocratie et le principe d'égalité des droits viennent en ligne droite du christianisme en ceci que dans « l'égalité des âmes devant Dieu […] on y trouve le prototype de toutes les théories de l'égalité des droits ».
Mais, contrairement à ce que pense Nietzsche, le chrétien n'est pas homme de quiétude béate, grégaire, soumise. Il est homme de conflit intérieur : homme non de mythe, mais de mystère, non de pitié, mais de charité. Et la critique nietzschéenne d'un nihilisme passif, réducteur, incapable de penser la distance et la séparation, est d'une pertinence actuelle. Lisons Nietzsche comme un « prophète de rupture » (selon l'expression du père de Lubac), en se demandant si l'ère qu'il inaugure contribua, comme il le souhaitait, à une « augmentation » de l'homme, ou, au contraire, à un affaiblissement de la part d’humanité en ce monde.


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