Le somptueux ouvrage consacré par Michèle MÉNARD aux retables de la région du Mans se distingue aussi par l‘ampleur de l’enquête et la richesse des points de vue sous lesquels la documentation est analysée : pourquoi la prolifération des retables, comment en est assurée la production, peut-on comprendre la visée socio-culturelle et religieuse des donateurs, quel est enfin le système d’images qui est ici proposé, comment a-t-il été traversé par des mutations de sensibilité, quelle place reste dans notre mémoire collective pour la perception de ce qui est en jeu encore aujourd’hui dans les traces maintenues de cette production ? Je retiens un point particulier d’analyse iconologique: il semble que l’on soit passé d’une rhétorique où le geste des personnages représentés anime l’espace et entraîne les fidèles dans une participation affective, à une autre sensibilité, où prime la valorisation des attitudes suggérant la soumission du disciple à l’enseignement des porteurs de la doctrine spirituelle. Cela pourrait correspondre à une sorte de scission progressive des communautés ; dans les premiers temps, les gens de culture (qui sont aussi souvent les donateurs) vivent dans une certaine symbiose avec les strates plus populaires de la communauté ; ensuite, la distance se creuserait entre les représentants de la doctrine et les autres fidèles. Il faut cependant se reporter à cet ouvrage fondamental pour nuancer le trop bref aperçu qui a pu être donné ici.