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TH n°109 MONACHISME ET ÉGLISE. LE MONACHISME SYRIEN DU IVè AU VIIè SIÈCLE : UN MONACHISME CHARISMATIQUE

TH n°109 MONACHISME ET ÉGLISE. LE MONACHISME SYRIEN DU IVè AU VIIè SIÈCLE : UN MONACHISME CHARISMATIQUE

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Date d'ajout : lundi 09 novembre 2015

par D. ATTINGER

C'est un ouvrage quelque peu déroutant que Ph. Escolan offre à ses lecteurs : il entend parler du monachisme syrien non point à partir du modèle égyptien (dont il se distinguerait par un excès ascétique - ce qui en ferait une sorte d'excroissance marginale dans la vie ecclésiale), mais justement à partir de cet excès : "Les moines syriens se caractérisent tant par leur violence envers eux-mêmes que par leur violence envers les autres" (p. 1). Il se propose en outre de mettre en relation cette violence monastique avec l'âpreté des conflits ecclésiastiques en cette région du monde chrétien, non, comme on pourrait l'imaginer, dans le sens que la violence théologique a mené à la violence des moines, mais dans le sens inverse : "ce sont largement les moines qui sont à l'origine de ces troubles" (ibid.). Les ascètes forment en effet, face au clergé et aux autorités civiles, une intéressante contre-société, avec sa logique, son prestige et son discours propres. L'A. choisit ainsi de parler de ce monachisme "en se plaçant du côté de son discours, plutôt que de celui de l'Église institutionnelle" (p. 3).
La simple énumération des chapitres de l'ouvrage donne déjà une idée de la vision présentée : "l'héritage du premier ascétisme syrien", "les hérésies", "le messalianisme", "l'engagement dans la vie monastique", "le financement du monachisme : la clientèle monastique", "les moines et la société laïque : évangélisation et prédication", "l'ordination des moines et le sacerdoce monastique", "la mainmise des moines sur l'épiscopat", "les moines dans les conflits ecclésiastiques".
Le point de départ ne se trouve pas dans un mouvement particulier surgi à l'intérieur de l'Église en formation, car l'Église syrienne naissante dans son ensemble apparaît comme dominée et caractérisée par l'ascétisme (on pense aux "fils et filles du Pacte" qui semblent constituer l'Église, avec autour d'eux des "adeptes" formant une sorte de catéchuménat). L'histoire subséquente est celle du conflit entre cette image "ascétique" de l'Église (caractérisée par les rapports unissant des figures monastiques - stylites, reclus, etc. - à leurs adeptes, lesquels peuvent passer parfois d'un ascète à l'autre, selon les goûts, ce qui implique un régime de "concurrence") et le modèle ecclésiastique constantinopolitain (avec une hiérarchie, un laïcat, une orthodoxie doctrinale ainsi qu'un monachisme "intégré") qui petit à petit prend le dessus pour se généraliser partout dans le monde chrétien.
La persistance de l'ancien ascétisme chrétien se fait sentir dans les "hérésies" et particulièrement dans le messalianisme, le mouvement hétérodoxe syrien le plus influent. L'A. nous en fournit une ample description, de l'intérieur, pourrait-on dire (chap. III), c'est-à-dire sans partir de l'idée qu'il s'agit d'une hérésie, ce qui le marginaliserait d'emblée, mais en s'en tenant à ce qu'il dit de lui-même : "Si les messaliens prétendent ne pas être hérétiques, pourquoi ne pas les croire ?" (p. 123).
Le monachisme imprègne de fait toute la vie ecclésiale, et l'on souhaiterait que tous suivent cette voie (Jean Chrysostome), même si l'on se rend bien compte du caractère irréalisable de ce désir. Toutefois c'est le modèle toujours à nouveau proposé, avec quelques adaptations et adoucissements pour que les laïcs puissent tout de même y avoir une certaine part. C'est ainsi le milieu familial lui-même (parfois à la suite de vœux accompagnant une guérison) qui pousse à l'engagement monastique, marqué par la renonciation à ses propres biens. Le moine ne possédant rien, les familles chrétiennes compensent leur non-adhésion à la vie monastique par des aumônes faites aux moines, en conséquence de quoi elles auront une certaine part au salut dont jouit l'ascète. Mais ces aumônes ne vont pas à n'importe quel moine: il faut qu'il fasse ses preuves. Les laïcs récompensent donc les charismes reconnus ou prétendus de certains ascètes. C'est ainsi que se crée une "clientèle monastique" et, partant, une concurrence entre les différents ascètes.
Plus tard, pour s'allier les moines, l'Église impériale leur offrira la possibilité d'accéder au presbytérat : c'est un moyen pour mieux les contrôler, mais moyen à double tranchant, car en s'intégrant au "pouvoir" dans l'Église les moines se voient tentés par la conquête du pouvoir institutionnel (épiscopat) outre leur pouvoir charismatique. C'est ce qui provoquera les conflits ecclésiastiques qui conduiront à la désintégration de l'Église et particulièrement du patriarcat d'Antioche qui "a bel et bien éclaté en l'espace de deux siècles" (p. 347).
Ce livre est très documenté et affronte la question d'une manière certainement nouvelle - où la sociologie joue un rôle important, mésestimé jusqu'à présent. Je regrette toutefois le peu de place et de poids qu'occupe dans cette enquête la spiritualité de ces moines syriens. Il m'apparaît un peu excessif de réduire presque tout à des jeux d'influence, de pouvoir et de prestige, ou à une concurrence entre les charismes, ou entre les charismes et l'institution. L' A. n-est-il pas aussi tenté, plus d'une fois, de tirer des conclusions généralisantes d'un ou deux cas particuliers ? Mais on ne pourra certainement plus - tout au moins pour un certain temps - parler du monachisme syrien sans tenir compte de cet ouvrage, ne serait-ce que par la provocation qu'il contient.
Une bibliographie sélective et deux index des noms de personnes et de lieux terminent cet ouvrage.


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