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09. LES CONJECTURES

09. LES CONJECTURES

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Date d'ajout : mercredi 06 novembre 2013

par Jo�l BIARD

REVUE : Archives de Philosophie, cahier 2013/3, tome 76, Automne

Par un curieux hasard de circonstances, ont été publiées en 2011, à quelques mois d’intervalle, deux traductions du De coniecturis de nicolas de Cues. On ne peut que se féliciter du retour au premier plan de cette oeuvre qui prolonge, en l’infléchissant sur quelques points, la doctrine du De docta ignorantia. Car Les conjectures sont, comme le soulignent chacun à leur manière les deux traducteurs, un des textes majeurs de nicolas de Cues. Puisque entre le fini et l’infini, il n’y a pas de rapport (nulla est proportio), selon un théorème de base de la théorie mathématique des rapports
ainsi transposé en métaphysique, l’esprit doit renoncer à comprendre l’essence divine infinie. Dieu est au-delà du principe de contradiction qui régit la connaissance proprement rationnelle, et en lui se réalise la « coïncidence des opposés ». Mais une fois que l’esprit fini a ainsi pris conscience de sa limitation, il lui reste à déployer sa
créativité propre selon une méthode nouvelle, qui s’écarte de la conception aristotélicienne de la science. Tel est l’objet du De coniecturis. Par son dynamisme, l’esprit humain produit une multiplicité de « conjectures », pluralité de points de vue qui permet d’approcher l’essence des choses sans jamais la livrer pleinement. la totalité est chaque fois visée, mais d’un certain point de vue. il ne s’agit pas de scepticisme, mais d’une conception de la connaissance approchée qui permet à l’esprit d’augmenter ses capacités par un réseau de concepts et de propositions. Dans ces procédures,
les mathématiques jouent un rôle central puisqu’elles sont par excellence le domaine de la raison, celui où l’esprit manifeste sa puissance, mais aussi parce que, en raison de l’harmonie entre notre esprit et l’univers, la symbolique des nombres conduit à la connaissance des choses.
Ces traductions ont toutes deux leurs mérites et on aurait du mal à conseiller l’une plus que l’autre. Elles ont en commun la volonté de proposer une traduction précise respectant autant que possible la technicité du texte de Nicolas de Cues.
Le texte publié aux Belles lettres dans la collection « les classiques de l’humanisme » a l’avantage de nous livrer le texte latin en face de la traduction de Jean-Michel Counet (auteur d’un ouvrage fondamental intitulé Mathématiques et dialectique chez Nicolas de Cues, publié aux éditions Vrin en 2000). le texte original est repris de l’édition des œuvres complètes établie par l’Académie des sciences de Heidelberg. La traduction est également précédée d’une introduction substantielle (150 pages) qui expose dans un ordre assez scolaire mais avec une certaine complétude la vie de nicolas de Cues, son œuvre, ses diverses sources, les principales interprétations, notamment celles d’Ernst Cassirer et celle de Hans Blumenberg. Puis les différents moments du texte sont présentés, leurs enjeux indiqués, et la réception de l’oeuvre est évoquée. Enfin l’introduction comprend un exposé détaillé de la tradition manuscrite, et se termine par une liste des oeuvres citées et une brève bibliographie. le texte lui-même est complété par des notes souvent longues et approfondies qui procurent, outre les références internes et externes, des explications détaillées des notions, ou des analyses des problèmes soulevés. la contrepartie de cette richesse, c’est que ces notes, formant un ensemble de 130 pages, sont rejetées à la fin (ou presque) du livre, ce qui n’est pas le plus commode pour une consultation régulière.
On trouve encore un « glossaire latin » (qui est en fait un index des notions enrichi des correspondances latin-français), et un double index des noms (anciens et modernes). la traduction, claire et précise, se lit agréablement. Tout cela concourt incontestablement à faire de l’ouvrage publié aux Belles lettres un instrument scientifique de référence pour l’étude des Conjectures et plus largement de la pensée de Nicolas de Cues.
La traduction de Jocelyne Sfez paraît avoir une ambition un peu différente.
Assurément, elle fait tout autant preuve de rigueur scientifique et manifeste également une excellente connaissance de l’auteur. Cependant l’introduction est moins développée, situant brièvement le texte dans l’œuvre, et donnant quelques indications sur la méthode de connaissance élaborée par Nicolas de Cues, les principes et les règles qu’il propose, ainsi qu’un plan du texte. l’ouvrage propose la traduction sans le texte latin en contrepartie. Les notes (plus de 600) sont situées en bas de page ; ce sont principalement des notes de références internes à l’œuvre de Nicolas de Cues ou externes (sources) ; certaines justifient aussi, de façon éclairante, les choix de traduction, et quelques-unes sont des notes explicatives aidant à la compréhension du texte. La traduction est rigoureuse, précise, tout en restant lisible – même si pour ma part je regrette toujours l’usage, apparu il y a quelques années, consistant à introduire des crochets dans une traduction (alors que le texte y fait par définition l’objet d’une transposition), ce qui conduit parfois à une certaine surcharge (voir par exemple p. 6-7). En un sens, on peut dire que cet ouvrage se concentre sur l’objectif propre d’une traduction, qui est de livrer un texte français accessible à un public plus large que celui qui aurait besoin de lire l’œuvre dans sa version originale et ses différentes couches rédactionnelles, le tout devant être soutenu par une annotation précise quand elle reste requise (notamment pour les références), mais suffisamment légère pour ne pas oblitérer le texte lui-même. Pour être juste et complet, il faut signaler que Mme Sfez a publié peu de temps après un autre ouvrage proposant cette fois un commentaire approfondi de près de 500 pages – sur lequel nous reviendrons sans
doute le moment venu – intitulé L’Art des conjectures de Nicolas de Cues (Paris, Beauchesne, 2012).
Abondance de bien, en l’occurrence, ne nuit pas. Répondant à des choix éditoriaux différents, ces deux traductions trouveront l’une et l’autre leur public et devraient concourir à faire connaître un texte important.


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