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TH n°119 PROPHÈTE DES TEMPS DERNIERS. JÉRÔME COMMENTE DANIEL

TH n°119 PROPHÈTE DES TEMPS DERNIERS. JÉRÔME COMMENTE DANIEL

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Date d'ajout : dimanche 25 mars 2012

par Attila JAKAB

REVUE : CLASSICA & CHRISTIANA, 7/1 2012


Si le Livre de Daniel n’est qu’un «simple récit hagiographique» dans le canon juif, il est cependant « compté au nombre des livres prophétiques par la Septante puis par la Vulgate, au même titre qu’Isaïe, Jérémie, Ézéchiel », écrit Guy Sabbah dans la «Préface» (p. 9). Dès lors, il n’est nullement surprenant que des auteurs chrétiens (Hippolyte, Tertullien, Origène, Victorin de Poetovio, Eusèbe de Césarée, Méthode d’Olympe, Apollinaire de Laodicée, Théodoret de Cyr) se soient intéressés à ce Livre dans l’Antiquité.
Ce fut aussi le cas de Jérôme, dont le Commentaire – composé en 407, comme une sorte de brefs notes de lecture ( Jérôme écrit en effet dans le Prologue de son oeuvre: «Il est temps désormais d’exposer les paroles du prophète lui-même, non pas, selon notre habitude, en les présentant toutes et en les expliquant toutes, comme nous l’avons fait pour les douze prophètes, mais en éclaircissant brièvement et à intervalles seulement celles qui sont obscures, pour ne pas lasser le lecteur par l’abondance de livres innombrables» (p. 24).) – « a suscité des critiques d’abord chez ses contemporains (Notamment de la part de Rufin d’Aquilée, ou encore du régent Stilicon par ex. À ce sujet voir aussi les Préfaces aux livres X et XI de l’In Isaiam de Jérôme.) puis, conséquence peut-être de leurs réserves, n’a éveillé qu’un intérêt limité dans la critique moderne» (p. 9). C’est pourquoi, la monographie de R. Courtray vient-elle «à point nommé. Non pas… pour combler une lacune dans les études hiéronymiennes (…), mais pour permettre une vue synthétique de cette oeuvre relativement mal aimée, au prix d’un examen systématique de tous les problèmes qu’elle pose (…), le but étant de fournir aux lecteurs un maximum d’éléments en faveur d’une évaluation mieux documentée et plus positive de l’In Danielem» (p. 10).
D’après l’avis même de l’auteur – clairement exprimé dans son « Introduction » – cet examen approfondi, qui suit pas à pas la méthode de travail du moine de Bethlehem, était devenu nécessaire, car « sur le fond comme sur la forme, le Commentaire sur Daniel n’apparaît pas, aux yeux de nos contemporains, doté des qualités qui font de Jérôme l’un des plus grands exégètes latins de son époque » (p. 17).
Dans la première partie de son ouvrage («I. Approches du Commentaire sur Daniel», p. 21-61) R. Courtray propose d’examiner la date et les circonstances de la rédaction de l’In Danielem (menaces barbares qui pèsent sur Rome); traduit et analyse le Prologue, « qui éclaire à bien des égards le travail de l’exégète» (p. 30) : défense de l’authenticité des prophéties de Daniel, de la canonicité du livre et présentation de la méthode suivie pour le
commentaire; puis aborde la problématique de la composition du livre (examen des manuscrits, division de l’ouvrage: livres et visions).
La seconde partie de la monographie est entièrement consacrée à la question textuelle (« II. Le texte de Daniel », pp. 63-128). Le premier grand thème traité par l’auteur est celui du rapport de Jérôme à la Bible (Septante, les révisions juives d’Aquila, de Symmaque, de Théodotion, les Hexaples d’Origène, la Vetus Latina). «Dans son souci de comprendre et de réviser la Bible – écrit R. Courtray –, Jérôme veut revenir à l’hebraica ueritas, au texte original hébreu; mais ses seules compétences sont insuffisantes. Il lui faut, pour y parvenir, recourir à des Juifs compétents» (p. 74). «Il semble [donc] que, durant toutes les années qu’il a passées en Palestine, Jérôme n’ait cessé d’étudier avec des maîtres hébreux» (p. 75). Cela pour une raison simple: il ne se contenta pas de traduire simplement, mais il s’efforça également d’éclaircir, d’expliquer et au besoin de défendre le texte. Comme « les deux tâches vont de pair » chez lui, Jérôme ne cesse de citer « des lemmes du texte biblique avant de les commenter » (p. 81). L’analyse méthodique de ces lemmes de l’In Danielem est donc incontournable. L’auteur la mène d’une main de maître. Il arrive à la conclusion que Jérôme accorde une grande attention « à la littéralité du texte biblique », ayant la « volonté de rendre au mieux les nuances de l’hébreu » (p. 107).
R. Courtray termine cette seconde partie de son ouvrage par un chapitre consacré aux questions soulevées par le Livre de Daniel : sa place dans le canon des Écritures, la diversité des langues (hébreu et araméen), les ajouts grecs.
Dans la troisième partie de son livre le savant français aborde le problème des sources de Jérôme (« III. Jérôme et ses sources », p. 129-287) qui annonce, dès le prologue, d’avoir écrit son In Danielem «pour réfuter les opinions du philosophe néoplatonicien Porphyre contenues dans son traité Contre les Chrétiens» (p. 136). Son commentaire «se veut donc en partie polémique et s’insère dans une série de réponses chrétiennes adressées aux critiques bibliques de Porphyre» (p. 137).
La tâche de Jérôme s’avérait difficile. Il devait défendre le caractère prophétique du Livre de Daniel que Porphyre mettait en doute avec raison.
Ce dernier montrait en effet que l’auteur de ce livre, rédigé autour de 164 av. J.-C., devait être un contemporain d’Antiochus IV Épiphane (175-164).
Son intention était de conforter la résistance juive dans sa lutte contre le monarque séleucide. Ce qui implique qu’il faut faire la part des choses entre prophétie et invention.
Le chapitre sur Porphyre est suivi de l’analyse des sources chrétiennes utilisées (Eusèbe de Césarée, Apollinaire de Laodicée, Méthode d’Olympe, Hippolyte, Origène, Victorin de Poetovio); puis vienne la question des sources juives ( par ex. traditions exégétiques ) auxquelles Jérôme a pu puiser son savoir. Ce tour d’horizon se termine par l’examen d’un exemple exceptionnel, à savoir l’exégèse des soixante-dix semaines d’années (Dn 9,24-29) que «Jérôme se refuse à expliquer par lui-même», en se remettant « aux opinions de ses prédécesseurs » (p. 261), notamment Julius Africanus (Chroniques V), Eusèbe (Démonstration évangélique VIII), Hippolyte (Commentaire sur Daniel IV), Apollinaire de Laodicée (Contre Porphyre XXVI), Clément d’Alexandrie (Stromates I), Origène (Stromates X), Tertullien (Aduersus Iudaeos VIII) et enfin les Hébreux.
En guise de synthèse R. Courtray s’interroge: « une fois reconnue la part très importante des sources dans le Commentaire sur Daniel, en quoi l’oeuvre de Jérôme est-elle originale? En quoi son travail est-il personnel ? » (p. 283). Son originalité réside incontestablement dans l’hebraica veritas qu’il avait mis au coeur même de son exégèse.
Le thème central de la quatrième partie est justement cette exégèse (« IV. L’exégèse de Jérôme dans l’In Danielem », p. 289-388). Pour pouvoir la comprendre il faut dégager ses caractéristiques, puis étudier plus particulièrement le Commentaire sur Daniel (la mise en oeuvre de l’interprétation littérale et spirituelle, ainsi que la question de la prophétie), en saisissant sa genèse et le contexte dans lequel il a vu le jour; sans oublier la formation intellectuelle de son auteur auprès de maîtres réputés, tels Aelius Donatus, Apollinaire de Laodicée (v. 315-v. 390), Grégoire de Nazianze (env. 330-390), Didyme l’Aveugle (v. 313-398).
La cinquième partie de la monographie aborde la question du sens de l’histoire (« V. Le sens de l’histoire », p. 389-437). Il s’agit à la fois de la problématique de la succession des Empires et des temps eschatologiques, qui sont en rapport avec la venue de l’Antichrist (À ce sujet voir aussi C. Badilita, Métamorphoses de l’Antichrist chez les Pères de l’Église. (Théologie Historique, 116) Beauchesne, Paris, 2005) et le second avènement du Christ.
« À travers cette étude – écrit R. Courtray dans sa conclusion (p. 441-446) –, nous avons tenté de démontrer combien est partiale et non fondée l’opinion selon laquelle le Commentaire sur Daniel de Jérôme est une œuvre de moindre intérêt ou de facture moins bonne que ses autres travaux exégétiques ». Il faut reconnaître que cette tentative de l’auteur est une pleine réussite qui rend justice à Jérôme. Car, même si le moine de Bethlehem n’a pas traité l’ensemble du livre, il n’a pas renoncé pour autant « à ses exigences habituelles » en faisant «de très nombreuses remarques sur le texte biblique ». Aujourd’hui elles «sont pour nous très précieuses, car elles nous permettent d’accéder à des versions grecques – celles de Théodotion, de Symmaque, d’Aquila – que nous ne possédons plus». Qui plus est, l’In Danielem « nous fait accéder à des documents perdus ou détruits », et en cela il représente « un apport unique » (p. 441). De même, il propose « une passionnante relecture de l’histoire, à un moment particulièrement critique », quand l’Empire est menacé par les invasions barbares, et quand le monde semble s’écrouler (p. 443).
La conclusion finale de R. Courtray est que: « ce qu’il y a finalement de tout à fait unique dans l’exégèse de notre auteur, c’est qu’elle constitue une sorte de charnière dans l’exégèse occidentale: il y a un avant et un après Jérôme: son Commentaire sur Daniel entend résumer à lui seul l’œuvre de ses prédécesseurs, et il annonce en même temps l’oeuvre médiévale qui trouvera en lui sa principale source » (p. 446).
Le volume se termine avec une très bonne bibliographie (p. 449-464), ainsi que plusieurs indices: index des auteurs modernes (p. 467-470), index des auteurs anciens (p. 471-479), index des autres oeuvres de Jérôme (p. 480-488) et index des références à l’In Danielem (p. 489-499).
La monographie magistrale du savant français – maître de conférences de langue et littérature latines à l’Université Toulouse-2-Le Mirail –
est un outil de travail important; un modèle du genre comment mener la recherche d’une main de maître, avec beaucoup de prudence et d’une manière méthodique.


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