Editions BEAUCHESNE

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TH n°119 PROPHÈTE DES TEMPS DERNIERS. JÉRÔME COMMENTE DANIEL

TH n°119 PROPHÈTE DES TEMPS DERNIERS. JÉRÔME COMMENTE DANIEL

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Date d'ajout : mercredi 11 mai 2011

par Jean Borel

NOVA & VETERA avril, mai, juin 2010

C'est un magnifique ouvrage que Régis Courtray offre aujourd'hui aux lecteurs, fruits d'un travail systématique aussi précis que précieux sur l'un des commentaires patristiques les plus controversés depuis sa rédaction elle-même, au seuil du cinquième siècle, jusqu'à aujourd'hui : celui que Jérôme rédigea sur le prophète Daniel.
Si, en effet, ce commentaire a pu être taxé par les uns de peu intéressant et d'œuvre 'à part' dans le mauvais sens, hâtif et trop polémique par les autres, c'est qu'ils n'ont pas su dégager ses caractéristiques propres et, surtout, le but réel que Jérôme s'était fixé en l'écrivant. C'est à cela que l'Auteur s'est donc attaché patiemment et nous l'en félicitons.
D'abord, le moine de Bethléem ne met pas en œuvre pour le commentaire du prophète Daniel une autre méthode de travail que celle qu’il avait acquise depuis de nombreuses années, et c’est ce que Régis Courtray démontre au fil des chapitres qui suivent tout naturellement, et point par point, les différents paliers que Jérôme sait qu'il faut atteindre pour faire un bon commentaire.
Après l'examen de la manière dont le moine de Bethléem a établi le texte qui, dans ce cas précis, nécessite une attention aux différents morceaux écrits en langue hébraïque et araméenne, puis aux variantes que proposent les différentes versions grecques et latines, Théodotion, Symmaque, Aquila et celle des LXX, qui a la particularité d'ajouter des passages au texte hébraïque ; après t'analyse rigoureuse des lemmes et de la façon dont Jérôme cite les Écritures, l'Auteur passe soigneusement en revue toutes les sources qu'il a utilisées. Ce cHapitre, qui a été mené avec beaucoup de minutie et de discernement, est de tout premier intérêt, car non seulement nous y voyons l'exégète au travail, mais nous mesurons à quel point nous lui sommes redevables car, grâce à ce commentaire sur Daniel, nous accédons à plusieurs documents perdus ou détruits ainsi qu'à nombre de citations inconnues et de témoignages précieux d'auteurs chrétiens anciens comme Apollinaire de Laodicée, Métlhode d'Olympe, Origène, Tertullien, Eusèbe, Hippolyte ou encore d'auteurs Juifs, En cela l'exégèse des soixante-dix semaines d'années est exemplaire, même si elle constitue un exemple quelque peu exceptionnel de la méthode hiéronymienne.
Mais c'est principalement sur l'œuvre du philosophe néoplatonicien Porphyre que le commentaire de Jérôme nous renseigne de manière inédite et remarquable, puisque c'est contre lui que Jerôme l'a écrit et qu'il devait se battre pour défendre la canonicité et le caractère prophétique de Daniel que Porphyre mettait en doute, en montrant. comme on le sait aujourd'hui, que ce livre était œuvre d'un juif contemporain d'Antiochus IV et écrivant, autour de 164 av. J.-C., pour conforter la résistance juive au monarque séleucide.
Nous touchons là l'une des caractéristiques spécifiques de ce commentaire, dont le but était d'abord, bien sûr, de contredire les opinions du philosophe païen, mais, surtout, l'occasion d'exposer une passionnante relecture de l'histoire, au moment particulièrement critique où Jérôme assiste aux invasions barbares et à l'écroulement de l'Empire romain. Daniel lui ouvrait donc la possibilité de donner un sens à ces événements contemporains et de préciser tes étapes d'une histoire humaine qui doit un jour aboutir à la venue de l'Antichrist et du second avènement du Christ. Dans ce sens, ce que voulait défendre Jérôme, ce pour quoi il s'est exposé au risque d'un échec et n'a pas hésité à mettre en jeu sa réputation, c'était, comme le dit très justement en conclusion Régis Courtray, la lecture que l'Église de son temps faisait du prophète des derniers temps. Et ce qu'il y a finalement de tout à fait unique dans l'exégèse de notre auteur. c'est qu'elle constitue une sorte de charnière dans l'exégèse occidentale : il y a un avant et un après Jérôme, son commentaire sur Daniel entend résumer à lui seul l'œuvre de ses prédécesseurs, et il annonce en même temps l'œuvre médiévale qui trouvera en lui sa principale source (p. 446),
Une excellente bibliographie et quatre index complets des auteurs modernes et anciens, des œuvres de Jérôme et des références à l'ln Danielem font de cet ouvrage une référence incontournable sur Jérôme en tant qu'exégète et Père de l'Église.


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