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BB n°33 LES PRÉMONTRÉS ET LA LORRAINE XIIe-XVIIIe SIÈCLE

BB n°33 LES PRÉMONTRÉS ET LA LORRAINE XIIe-XVIIIe SIÈCLE

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Date d'ajout : mercredi 19 août 2015

par P. Claude MARCHAL

Cet ouvrage est le compte-rendu d'un colloque tenu en octobre 1997 à Pont-à-Mousson, dans les murs de l'Abbaye Sainte-Marie-Majeure qui est aujourd'hui un centre culturel. Dix-sept signatures de spécialistes, avec une introduction de Dominique-Marie Dauzet, prémontré, bibliothécaire et archiviste de l'abbaye Saint-Martin de Mondaye dans le Calvados, et de Martine Plouvier, conservateur régional de l'Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France en Picardie. Les études publiées ici convient l'histoire de l'ordre depuis sa fondation au XIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe siècle et dépassent un peu les frontières de la Lorraine, puisque un rapport de Monsieur Lorenza-Alcida Rossello y présente les vicissitudes de l'ordre en Espagne au XVIe siècle.
Les 3e et 4e parties, centrées sur la Réforme Catholique en Lorraine dans la mouvance des Prémontrés sont le cœur du volume. Les réformateurs lorrains, en effet, se sont bien connus au temps où ils s'étaient mis à l'école des Jésuites de l'Université de Pont-à-Mousson : Pierre Fourier le chanoine régulier, Didier de La Cour, le bénédictin, et Servais de Laisruels, le prémontré. Cette section s’ouvre sur une communication très étoffée de Jean Robert Armogathe qui présente l'axe catholique lorrain, « la dorsale catholique », selon l’expression du professeur René Taveneaux. Bien qu'entouré de foyers protestants, à Metz, à Sedan, et bien sûr en Alsace, le duché dc Lorraine est resté totalement catholique et il fut, à l’égal du Milanais de saint Charles Boromée, le lieu où s’épanouit l'esprit de la réforme engagée par le Concile de Trente. L'article met en valeur deux traits de ce catholicisme lorrain, l'autonomie des paroisses et l'importance du clergé régulier. Il n'y avait pas d'évêque sur les terres du duché et les trois villes épiscopales de Metz, Toul et Verdun étaient en terre française. La complication de ces juridictions tendait à donner une plus grande liberté aux paroisses et aux curés, ce qui apparait bien à la lecture de la correspondance de saint Pierre Fourier. Quant à la Lorraine monastique, elle avait une longue histoire et elle était solidement enracinée. Les anciens ordres des bénédictins et des prémontrés ont été à maintes reprises des lieux de réforme. Mais il y avait aussi une forte implantation des franciscains qui ont exercé un apostolat populaire et d'autre part des carmes qui apportait l'influence de l'Espagne mystique. Au début du XVIIe siècle on ne comptait pas moins de 190 implantations monastiques dans le duché de Lorraine. Quant aux Jésuites, appelés à Pont-à-Mousson par le duc de Lorraine pour ouvrir une université, ils furent les maîtres en théologie et en spiritualité des réformateurs lorrains, et, parmi les professeurs, on trouve les plus grands noms de l'édition patristique au XVIIe siècle.
Une communication de Bernard Ardura, prémontré, secrétaire du Conseil pontifical de la Culture, s'arrête un moment sur un précurseur du temps des réformes en Lorraine, Nicolas Psaume, prémontré à Verdun, et évêque de cette ville de 1548 à 1565. Petit paysan du Sarrois, protégé de la famille des Guise ct particulièrement du Cardinal de Lorraine, le jeune homme étudia à Paris dans le milieu fréquenté par saint Ignace de Loyola et ses premiers compagnons. Promu à 23 ans abbé du monastère prémontré de Saint-Paul à Verdun, il entreprit, difficilement, au début, la réforme de la communauté qui menait une vie assez éloignée de l'idéal monastique. Nous possédons ses Exorthations conservées à la bibliothèque municipale de Verdun : elles sont nourries de l'Écriture et des écrits des Pères de l'Église, parmi lesquels saint Bernard, saint Augustin, saint Jérôme, mais aussi saint Jean Chrysostome et saint Cyrille de Jérusalem. Devenu évêque de Verdun en 1548 ; il participa aux deux dernières sessions du Concile de Trente. Dans son diocèse, il s'appliqua à établir des écoles, dont un collège confié aux jésuites, à préparer l’ouverture d’un séminaire et à tenir presque chaque année un séminaire diocésain (22 synodes en 27 années d’épiscopat). Il donne toutes ses forces à la réforme de la vie du clergé que la misère des temps contraignait à vivre dans des conditions précaires, à la recherche de quelque avantage matériel. Il visite toutes les paroisses de son diocèse tous les trois ans, ce qui est un exploit en un temps où les communications étaient lentes et les routes peu sûres. Il fut le premier à établir les conditions objectives de l’admission au sacerdoce. Tel est le portrait d'un grand prélat réformateur qui a en quelque sorte précédé l'action du Concile de Trente au diocèse de Verdun.
Les trois chapitres suivants présentent trois hommes qui furent très proche l'un de l'autre puisqu'ils habitaient la même maison, qui existe toujours, au temps de leurs études communes chez les jésuites de Pont-à-Mousson : le bénédiction Didier de La Cour, le chanoine régulier Pierre Fourier, le prémontré Servais de Laisruels. Didier de La Cour est entré à l'abbaye de Saint-Vanne à Verdun sous l'impulsion de l'évêque Nicolas Psaume. Il a fréquenté l'université des jésuites à Pont-à-Mousson, puis une communauté des Minimes à Rome, apprenant ainsi la spiritualité ignatienne et la spiritualité franciscaine. Mal accueilli à son retour par les moines de Saint-Vanne qui ne veulent pas entendre parler de réforme, il vit un temps d'érémitisme dans une chapelle de la campagne meusienne. Puis, avec l’appui de Rome (le lien est décidément étroit entre la Lorraine et l’ltalie) il réussit la réforme de Saint-Vanne, puis de l'abbaye vosgienne de Moyen Moûtier. Pour être plus libre et plus efficace, il obtient l'érection d'une nouvelle congrégation où l'influence ignatienne se manifeste par la pratique de l'oraison ajoutée aux moyens monastiques traditionnels de l'office et de la lectio divina. La tâche n'était pas facile, car si on trouvait des candidats à une vie fervente autour d'un maître spirituel, il y avait les anciens moines qui ne voulaient pas de la réforme, et on ne pouvait les exclure. Didier de La Cour fit le choix d'établir deux communautés séparées en donnant aux anciens la possibilité matérielle de survivre comme ils l'entendaient. Dans les vingt premières années après son institution, la congrégation nouvelle reçut plus de 200 profès. Elle est restée lorraine, ou à peu près, car, pour des raisons politiques, le roi de France n'autorisa pas les abbayes françaises à avoir leur obédience en Lorraine, mais la congrégation de Saint-Vanne a donné là-bas naissance à la congrégation de Saint-Maur qui a eu la plus grande influence sur la vie religieuse et intellectuelle aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Saint Pierre Fourier est trop connu pour qu’on entreprenne ici seulement de résumer l’article de M. Georges Viard, à qui il faut savoir gré d’avoir abondamment cité la correspondance du curé de Mattaincourt, nous donnant ainsi d’entrer dans la vie spirituelle de l’homme en goûtant de plus un français savoureux. Ce qui frappe d’abord chez ce prêtre qui demeura quarante ans curé, c’est son humanité et son bon sens. Il va jusqu'à donner des conseils aux cuisiniers de ses communautés, et on le voit ajouter, après avoir traité du travail apostolique : « ils supperont très bien ». Ces extraits de ses lettres si nombreuses (cinq gros volumes dans l'édition faite par deux religieuses de Notre-Darne) mettent parfaitement en relief son zèle pastoral. Voici, par exemple, ce qu'il écrivait aux religieuses de Châlons-sur-Marne : « Mes bonnes sœurs, si vous saviez ce que c'est d'être curé, c'est-à-dire pasteur des peuples, père, mère, capitaine, guide, garde, sentinelle, médecin, avocat, procureur, entremetteur, nourricier, exemple, miroir, tout à tous, vous vous garderiez d'approuver ou de désirer, ou demander, que je m'absente de ma paroisse durant cette saison ».
Chose étonnante, des deux congrégations fondées saint Pierre Fourier, celle des Chanoines du Saint-Sauveur et celle des Chanoines de Notre-Dame, la première n'a pu prendre son essor, peut-être parce qu'elle était trop étroitement enracinée en Lorraine que les guerres du temps opposaient alors au Royaume de France. La Congrégation de Notre-Dame au contraire, tôt installée en Champagne, a fleuri très vite hors de son premier berceau.
Le troisième homme des amis de Pont-à-Mousson est un prémontré nommé Servais de Laisruels. L'ordre n'en était pas alors à son premier essai de réforme et l'auteur en cite plusieurs, tant en Lorraine qu'en Normandie, mais aucun n'a atteint l'ampleur du mouvement auquel s'est appliqué ces religieux de Sainte-Marie-aux-Bois, la première implantation en Lorraine de l'ordre. Il vise à restaurer ce qu'il appelle l'Antique Rigueur et sollicite à cette fin l'établissement d'une congrégation qui ait son gouvernement indépendant, ce qui lui fut refusé par le Chapitre Général. L'article s'étend plus sur les péripéties canoniques que sur la personnalité et la spiritualité de l'homme, et on le regrette un peu, mais il est intéressant de saisir là encore l'influence des jésuites et de leur spiritualité ignatienne. L'analyse très fine qui est faite des vicissitudes de la réforme souligne les difficultés d'agir dans un ordre ancien, légitimement partagé entre le désir d'un retour à « l'Antique Rigueur » et celui de ne pas rompre l'unité de l'ordre. Finalement, 13 maisons ont accueilli l'impulsion donnée par Servais de Laisruels, sans que fussent pour autant supprimées les difficultés inhérentes à l'existence de deux courants dans un ordre ancien.
Viennent ensuite plusieurs articles très ciblés sur l'abbaye vosgienne d’Etival de l'ordre prémontré, sur l'histoire mouvementée des essais de réforme dans les monastères normands, sur un précurseur prémontré de dom Calmet en tant qu'historiographe de la Lorraine. Une communication du Père Vaillant, abbé émérite de Saint-Michel-du-Frigolet présente la figure originale d'un abbé d'Etival mort dans les années 1680, qui fut un écrivain mystique dans la ligne des auteurs spirituels du Grand Siècle. Cet homme, nommé Épiphane Louÿs fut un de ceux qui ont assuré la première direction spirituelle des Sœurs Hospitalières de Saint Charles à Nancy.
Terminons ce compte-rendu par les communications qui ouvrent le volume, Un exposé aux références précises de Michel Pausse professeur à Paris 1 montre que l'ordre s'est diffusé très rapidement à ses débuts et qu'il y eut très tôt une circarie lorraine (c'est ainsi que sont nommées les provinces). Hubert Collin, directeur des archives de Meurthe-et-Moselle trace une évocation très vivante de la première installation au XIIe siècle dans le vallon resté sauvage de Sainte-Marie-aux-Bois qui conserve jusqu'à aujourd'hui de très beaux restes de son abbatiale romane. Une étude originale de Pierre Sesmat relève les parentés inscrites dans la pierre entre l'Abbaye Sainte-Marie-Majeure et d'autres constructions dues aux jésuites.
Le volume publié dans la collection Religions, Société, Politique chez Beauchesne, est un magistral ensemble de plus de 300 pages, montrant à partir d'un petit territoire, la Lorraine, une Église toujours appelée à se réformer.


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