IMPACTS, 1984, 1

Avec ce second volume consacré à la correspondance de LABERTHONNIÈRE, Mademoiselle PERRIN mène à leur terme les études entreprises par elle sur le célèbre Oratorien, depuis son D.E.S. en 1934 au moment où paraissait le 'grand roman de MALEGUE, Augustin ou le Maître est là, axé sur la crise moderniste si douloureuse pour LABERTHONNIÈRE.
Le premier volume publié par l'auteur sous le titre LABERTHONNIÈRE et ses amis porte sur la période qui va de 1905 à 1916 au cœur même de la crise du Modernisme condamné en 1907 ; celui-ci nous présente les retombées de celle crise mais surtout les grands événements de la vie de l'Église - vue de France - de 1917 à la mort du Père en 1932. De nouveaux problèmes surgissent ; de nouveaux interlocuteurs apparaissent, mais LABERTHONNIÈRE reste toujours fidèle à lui-même et à l'Église malgré ses épreuves.
Avec la Guerre, l'Oratorien manifeste un patriotisme très nationaliste : il s'insurge contre les propositions de Paix de Benoît XV accusé d'être au service de l'Allemagne (p. 29), appuyé d'ailleurs par CANET (p. 30) alors à Rome et qui sera plus tard conseiller technique pour les Affaires Religieuses au Quai d'Orsay. La Paix revenue, c'est le retour aux questions proprement religieuses, retour marqué par toute une correspondance avec le Pasteur BOEGNER qui fut aumônier avec lui auprès des blessés aveugles à l'hôpital de Reuilly en 1917, correspondance aussi avec l'abbé LEMIRE, député silloniste d'Hazebrouck.
L'affaire SANSON sera un autre événement douloureux pour LABERTHONNIÈRE, qui durant deux ans assura au prédicateur de Notre-Dame le texte de ses sermons jusqu'au jour où ces conférences lui furent retirées comme entachées d'erreurs. Nouvelle épreuve qui n'est pas compensée par la condamnation de « l'Action Française » en 1926. Soulignons ici la grandeur de l'Oratorien qui s'élève contre les excès des sanctions envers les catholiques de ce mouvement (p. 123), qui ne l'avait pas épargné (p. 122).
Consolation par contre en ces années difficiles que les rencontres avec BERDIAIEV, BOEGNER, SODERBLOM, animés d'un même esprit œcuménique, mais qui, elles non plus, ne furent pas approuvées (p. 134), Autre déception devant l'altitude soumise de BLONDEL et de LE ROY face aux exigences du Magistère, ce qui assombrira leurs relations. Du moins les échanges de LABERTHONNIÈRE avec ses dirigés sont-ils réconfortants pour lui et témoignent de son zèle des âmes: dans ces « conseils spirituels » on retrouve un grand amour du Christ, une profonde fidélité à l'Église et une discrétion exemplaire.
C'est bien un témoignage que donne finalement celle précieuse étude de mademoiselle PERRIN sur la vie de l'Église en ces temps troublés, mais aussi sur la vie spirituelle de son personnage, peut être trop intellectuel (a-t-il perçu le grand mouvement social de son époque, telle la naissance de la JOC avec l'abbé CARDIJN en 1925 ... ?). Tragique et passionné, sincère, LABERTHONNIÈRE aura préparé à sa manière l'ouverture de l'Église à la pensée moderne. Il est de ceux qui dans la souffrance, parfois l'erreur, comme son antithomisme systématique, ont amorcé Vatican II. Que mademoiselle PERRIN soit remerciée de nous aider à mieux connaître un des témoins et acteurs privilégié de celle mutation, en des pages savantes et vivantes.