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BAP n°63 MAURICE BLONDEL ET LA QUÊTE DU SENS

BAP n°63 MAURICE BLONDEL ET LA QUÊTE DU SENS

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Date d'ajout : dimanche 11 octobre 2015

par L�o-Paul BORDELEAU

REVUE : SCIENCE ET ESPRIT, N°51

Ce collectif regroupe les contributions des participants au colloque international consacré à « l'École d'Aix et la quête du sens », organisé par l'Association « Les Amis de Maurice Blondel » avec la collaboration de l'Institut des sciences et Théologie des religions (ISTR), sous le patronage de l'Association des sociétés de philosophie de langue française (ASPLF). Maurice Blondel occupe l'avant-scène de ce colloque. L'apologétique en est l'objet principal. De tous les textes blondéliens, c'est la Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique et sur la méthode de la philosophie dans l'étude du problème religieux de 1896 qui est la plus consultée et analysée, Quant à la question expresse de la quête du sens, le lecteur des treize textes de ce collectif ne trouvera que quelques allusions éparses.
L'ouvrage débute avec le texte de Claude Troisfontaines qui, à partir de la thèse secondaire de Gaston Berger sur « Le cogito dans la philosophie de Husserl », met en lumière ce qui, malgré des différences d'accent, unissait l'intention philosophique de G. Berger à celle de Maurice Blondel. Ces deux figures marquantes de l'École d'Aix partageaient l'idée que le « je » transcendantal doit s'ouvrir au transcendant, à savoir Dieu. Mais, l'idée d’une nécessaire présence de Dieu fait-elle de la philosophie blondélienne une philosophie chrétienne ? La philosophie de l'action est-elle une philosophie apologétique ? L'intention blondélienne d'une philosophie intégrale remplit-elle son projet ?
À ce questionnement, Jean-Louis Vieillard-Baron répond que si la philosophie de Blondel est « hardie et originale » (p. 19), elle est trop taillée sur le christianisme pour être une véritable herméneutique et une philosophie de la religion. Pourtant, l'idée de philosophie intégrale appliquée à celle de Blondel peut se justifier, selon René Virgoulay. Celui-ci souligne le fait que, refusant l'expression de « philosophie séparée », c'est-à-dire celle qui écarte le problème religieux et le christianisme, Blondel préconisait une philosophie qui s'occupe de tout ce qui relève de la raison ; ce qui l'autorisait à pousser les forces de la raison à leurs extrêmes limites, allant jusqu'à établir les insuffisances de cette même raison, c'est-à-dire finalement à pratiquer une philosophie intégrale (p. 30). Or, le parti-pris pour une philosophie intégrale incita Maurice Blondel à proposer un nouveau discours de la méthode. C'est ce que Peter Henrici nous fait découvrir en commentant la troisième partie de la Lettre de 1896. Cet auteur nous informe que Blondel lui-même retraçait quatre moments du discours de la philosophie: celui qui allie le « péripatétisme avec la théologie », celui d'une philosophie autonome, celui qui transforme la philosophie en une simple méthode (p. 33-37) et, finalement, le moment blondélien lui-même; c'est-à-dire le moment d'une philosophie de l'action, qui récupère « par le moyen terme du sujet » (p. 40) ce que les moments précédents mettaient de côté. La thèse blondélienne d'une philosophie intégrale et entièrement rationnelle est reconsidérée par Dominique Folsched, lorsque celui-ci veut mettre en lumière l'idée blondélienne suivant laquelle « seule la rationalité commune à tous peut constituer le lieu de l'apologétique » ; car, ce n'est pas d'une « apologétique philosophique » qu'il s'agit, mais bien d'une « philosophie apologétique » (p. 48). Or, une philosophie apologétique est tout à fait rationnelle, dans la mesure où elle force la raison naturelle à « travailler sur elle-même pour reconnaître qu'elle ne peut pas tout produire » (p. 49). Que, dans l'esprit blondélien, la raison naturelle doive reconnaître son insuffisance, Emmanuel Gabellieri nous le rappelle en mettant en parallèle l'œuvre de Blondel et celle de S. Weil, à partir de l'idée de médiation. Ces deux philosophes chrétiens inspirent à l'auteur l'idée d'une philosophie comme « métaxologie [qui] serait […] au plan rationnel, le "phénomène" d'un panchristisme » (p. 65).
Une ambiguïté résiste encore. Si, selon Blondel, la philosophie est une entreprise exclusivement rationnelle et si, en même temps, elle exige l'idée de surnaturel, qu'est-ce donc alors que la philosophie pour Blondel ? Maria Do Cèu Patrao-Neves trouve réponse à cette question dans l'usage que Blondel fait de la méthode d'immanence et de transcendance, complétée par celle de l'implication et de l'intégration. C'est cette méthode qui aurait permis à Blondel de montrer philosophiquement que l'unité du « Penser, de l'Etre et de l'Agir, constitue le fondement (condition) métaphysique de la réalité humaine » (p. 76). Dès lors, une philosophie apologétique devient possible sans dénaturer les objets de la raison ni ceux de la foi. C'est ce qu'Alain Cugno cherche à montrer à sa manière, en explicitant la distinction blondélienne entre les fonctions de la raison et celles de la foi : le travail de la première est d'éclairer le chemin, celui de la seconde est de décider. L'auteur va plus loin, cependant, en remarquant que Blondel n'a pas osé dépasser l'herméneutique pour faire « une eidétique de la foi » ; si bien que ce dernier se trouve comme malgré lui « reconduit à retrouver ce qu'il a déjà mis par sa foi » (p. 83).
Ollé-Laprune fut le précurseur de la pensée de Blondel concernant, notamment, le rapport entre l'action et la pensée. À ce propos, Peter Reifenberg se demande si le premier a exercé « une influence foncièrement philosophique » sur le second, et quelle en fut la nature (p. 87). Il en conclut que plutôt que d'avoir fait preuve d'« une fidélité scrupuleuse » à l'endroit de la pensée de son maître, Blondel s'est montré un interprète critique. Ce qui montre sans doute que Blondel était un philosophe plus soucieux de vérité que de simple loyauté à l'endroit d'une doctrine. La question de la vérité, telle que posée dans la Lettre de 1896, est examinée par François Marty. Suivant l'esprit des Lumières tel que Kant le formulait, Blondel soutenait que la vérité ne peut être qu' « autonome et autochtone » (p. 103). Cette double exigence devait aussi valoir pour « l'apologétique philosophique », Dans ce cas, il importait aux yeux de Blondel de distinguer une vérité qui « relève de la raison philosophique », sans prétention « à poser un absolu », et une vérité qui relève de « la raison théologique » (p, 106). En outre, la vérité devait être placée dans une perspective relationnelle, sans pour autant verser dans le relativisme ; mieux encore, Blondel la considérait comme une « conversion » (p. 106).
On sait que Maurice Blondel a entretenu une abondante correspondance philosophique avec de nombreux interlocuteurs. Marguerite Léna se penche sur celle que le philosophe d'Aix a eu avec Jeanne Mercier. Cette dernière projetait une thèse de doctorat consacrée à Blondel, que la Sorbonne refusa, la règle stipulant qu'on ne disserte pas sur un auteur vivant. Elle ne cessera cependant d'être une lectrice perspicace des écrits de Blondel et d'entretenir avec lui une correspondance philosophique qui « témoigne d'une extrême et réciproque confiance intellectuelle, en même temps que d'un lien spirituel qui n'a cessé de se renforcer » (p. 113). Toutefois, l'œuvre de Blondel n'a pas eu que des lecteurs admiratifs. Elle a fait aussi et le plus souvent les frais de sévères débats, notamment celui portant sur le caractère philosophique de la pensée d'un philosophe profondément chrétien : la pensée blondélienne est-elle authentiquement philosophique ou est-elle aussi une sorte de théologie ? Comment interpréter le : « J'ai tenté en croyant un effort de philosophe » ou le : « Vivant en chrétien, je cherche comment je dois penser en philosophe » ? Ce propos blondélien mis aux prises Henri Bouillard et Henry Duméry. Xavier Tilliette nous rappelle ce débat. Il cherche ensuite un juste équilibre, en montrant qu'une philosophie strictement rationnelle peut être au service du christianisme, et qu'il vaudrait mieux parler, selon le vœu même de Blondel, de philosophie intégrale plutôt que de philosophie de l'action (p.122-126). Le collectif se termine avec un texte de Gilles Dorival qui examine les principales caractéristiques de l'apologétique des premiers siècles (les Juifs de langue grecque et les Pères de l'Église grecque). Cet auteur ne vise pas à confronter cette apologie originelle avec la pensée de Blondel, mais à mettre celle-ci dans une perspective plus large. Il conclut en signalant des points de différence et de ressemblance entre l'une et l'autre, et souligne l'originalité de la méthode d'immanence pratiquée par Blondel.
Cet ouvrage plaira aux amis de Maurice Blondel. Il rappelle les philosophes à leur devoir de questionner leur propre rationalité, afin de l'ouvrir à la possibilité d'aller jusqu'au bout de l'immanence pour y retrouver la Transcendance. Il constitue, me semble-t-il, une bonne initiation à la manière blondélienne de philosopher. Toutefois, comment ne pas s'étonner de l'absence de considérations explicites sur la question de la quête du sens, telle que l'intitulé du collectif l'indique ? Si la philosophie est « toujours un pari sur le sens », comme l'indique Jean Ferrari en préface (p. xii), si toute l'œuvre de Maurice Blondel est effectivement placée sous le signe du sens de la vie : « Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens, et l'homme a-t-il une destinée ? » (L'Action de 1893), et si la question du sens se pose avec plus d'acuité que jamais dans nos vies privées comme dans nos sociétés sécularisées, comment n'a-t-on pu y donner une place d'honneur ? Il aurait été instructif de comparer la manière matérialiste de penser le sens, ou plutôt le non-sens de la vie, avec la manière blondélienne, c'est-à-dire chrétienne. En fait, les présentes études sur l'apologétique philosophique ou la philosophie apologétique n'auront été que les présupposés historiques et épistémologiques d'une réflexion sur le sens à la manière blondélienne. Celle-ci reste à faire.


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