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BAP n°63 MAURICE BLONDEL ET LA QUÊTE DU SENS

BAP n°63 MAURICE BLONDEL ET LA QUÊTE DU SENS

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Date d'ajout : dimanche 11 octobre 2015

par REVUE DE PHILOSOPHIE DE LOUVAIN

En présentant ce livre, sobrement mais justement, dans sa chronique littéraire du 24 décembre 1998, le journal Libération ne s'est pas trompé et a rendu un bel hommage aux deux philosophes de l'École d'Aix qui sont au cœur de cette excellente publication : Blondel et Berger. Il s'agit en fait des actes d'un colloque organisé les 11 et 12 octobre 97 - un colloque dans la continuité de celui que nous venons d'évoquer - par l'Association des amis de Maurice Blondel, sous le patronage de l'Association des Sociétés de Philosophie de Langue Française.
Il revenait assez naturellement à son Président, J. Ferrari, de présenter dans une très belle préface (pp.VII-XII) les enjeux de ce colloque placé sous son patronage. La raison est historique puisque c'est du 21 au 23 avril 1938 que se tint à Marseille le premier congrès de cette association qui allait devenir l'ASPLF. Il avait alors été demandé à la Société d'études philosophiques, fondée en 1926 par Berger, d'organiser ce premier congrès national. Basée dans le Sud-Est et composée non seulement d'universitaires mais aussi d'industriels et de commerçants, elle était la plus active. C'est ainsi que l'homme d'affaire l'avait dotée, dès la première année de sa création, d'une revue trimestrielle nommée Les Etudes philosophiques et avait sollicité Blondel comme Président d'honneur. C'est d'ailleurs celui-ci, bien que déjà très handicapé par son affection oculaire, qui en 1938 fut choisi pour la séance solennelle de ce premier congrès, lors de la journée d'ouverture du 21 avril.
Outre le fait que J. Ferrari livre au lecteur de délicieux souvenirs personnels, mais néanmoins d'un réel intérêt pour la connaissance des deux philosophes, on lui sait gré d'évoquer ce que l'on appelle désormais le triangle Dijon-Louvain-Mayence, pour parler de la collaboration qui se fait de plus en plus prégnante entre ces trois institutions qui manifestent un attachement sérieux à Maurice Blondel. En terminant son allocution, J. Ferrari esquisse une belle étude comparative des deux hommes de l'École d'Aix et fait le vœu audacieux qu'à leur suite, il soit encore possible d'édifier « une nouvelle critique de la Raison pratique ».
Il n'est pas simple de présenter, même succinctement, les treize communications de ce colloque qui sont pour la plupart de haut niveau. Nous nous bornerons à dégager leurs lignes de force, en mettant en valeur leur nouvel apport. Ainsi en est-il de la communication de Cl. Troisfontaines sur Blondel, Berger et le cogito husserlien (pp. 1-10). A l'aide de documents inédits, le directeur des Archives Blondel offre des aperçus neufs sur les rapports entre le maître et le disciple, en particulier au moment où Berger présente sa thèse d'État en 1941, avec dans son jury Blondel. On connaît bien les travaux de Berger sur la caractérologie mais l'intérêt de cette communication est de montrer le rôle essentiel de Berger dans la réception française de Husserl et l'aide qu'il reçut sur ce point de Blondel. Certes, les travaux d'un pionnier sont souvent oubliés par la postérité mais il convient de souligner leur importance pour l'histoire de la phénoménologie en France et sa réception. Cl. Troisfontaines montre bien comment Berger s'est approprié les travaux de Husserl, pour aussi en révéler les apories. Voilà pourquoi il tient sans doute une place non négligeable, mais oubliée voire sous-estimée, dans l'histoire de la phénoménologie française. Par conséquent, une étude plus approfondie de cette phase déterminante de la réception de la phénoménologie de Husserl en France serait souhaitable et riche en enseignements, au moment même où l'on envisage « la phénoménologie éclatée ». Un retour aux sources premières s'imposerait…
J.-L. Vieillard-Baron, dans Philosophie apologétique et philosophe de la religion (pp. 11-20), revient sur la nature philosophique de l'apologétique de Blondel. Il le fait en situant, très rapidement, Blondel entre Descartes et Pascal et en émettant une critique sur la « généralité » du projet blondélien, d'autant que, selon lui, la religion est « ramenée » au seul christianisme, au profit d'un oubli de la pluralité des religions et ceci en toute absence d'herméneutique. D'où la thèse centrale - mais contestable - de l'A., qu'il n'existe pas de véritable philosophie de la religion chez Blondel même si celui-ci est demeuré philosophe. R. Virgoulay donne par contre une lecture très documentée sur Philosophie séparée et philosophie intégrale de la Lettre de 1896 (pp, 21-30). C'est parce que le président de l'Association des amis de M. Blondel est philosophe, théologien mais aussi excellent historien, que sa thèse est incontestable : « Nous sommes ici au cœur de l'ambition et de la pensée blondélienne, en tant qu'elle est philosophie de la religion et philosophie de la religion parce que philosophie de l'action » (p. 29). Cette communication, d'une grande érudition, est construite à partir de bien des éléments nouveaux puisque rarement exploités. Aussi, l'inscription de Blondel dans le courant du réalisme spiritualiste qui remonte à Maine de Biran pour l'examen du problème religieux, dans une parfaite autonomie de la philosophie, est-il un moyen nécessaire pour sauver le projet blondélien au lieu de le surprendre en sa prétendue finitude.
Mgr P. Henrici, dans La modernité philosophique de l'apologétique blondélienne (pp. 31-43), veut montrer combien Blondel est un historien exemplaire de la pensée moderne, en même temps que sa philosophie est un moment qui en relève et à partir duquel il se situe, au point d'être dans une post-modernité. Pourquoi ? Parce qu'en « voulant être moderne par son phénoménisme méthodique », il se trouve « confronté à un sujet fragmenté et fragmentaire, en quête de sa consistance  » (p. 41). L'Action, dans son développement jusqu'à la notion de surnaturel, est par conséquent lue comme une réponse à cette problématique. Mais P. Henrici n'a pas poussé, volontairement, son étude jusqu'à voir comment la « parenthèse phénoméniste » est levée par une « option pratique et décisive » (p. 43). Quant à D. Folscheid, dans Apologétique et dialectique de la raison (pp. 45-52), il donne dans sa lecture très originale de la Lettre une « esquisse de critique de la raison apologétique ». C'est une communication très suggestive qui a le grand mérite de mettre en évidence l'authenticité de la démarche philosophique de Blondel. L'apologie n'est ni dogmatisme, ni prosélytisme, ni conservatisme et encore moins spiritualisme. Ainsi, si le christianisme est bien ce qu'il prétend être, il ne peut y avoir incompatibilité entre ce qui relève de la foi et de la raison. L'action et la pensée sont le lieu d'une réponse qui ne supprime pas les tensions mais qui assume et dépasse les différences.
E. Gabellieri, dans Blondel, S. Weil et le panchristisme. Vers une « métaxologie » (pp. 53-65), tente un rapprochement entre ces deux auteurs chez lesquels il entrevoit une même métaphysique de la médiation. Cet exposé, riche et spéculatif, marqué par les débats contemporains en matière philosophique, veut ainsi, avec le terme de « métaxologie », prouver que l'on peut « envisager la philosophie comme 'métaxologie' qui serait alors, au plan rationnel, le 'phénomène' d'un panchristisme qui, en tant que tel, ne peut être affirmé qu'au plan de la révélation » (p. 65). M. Do Cèu Patrao-Neves, dans Qu'est-ce que la philosophie ? (pp. 67-77), revient sur le long parcours dialectique de L'Action qui « conduit à l'affirmation immanente du transcendant » (p. 68). C'est une fort belle démonstration de ce que peut être chez Blondel l'effort fait pour l'autonomie de la philosophie. Il est aussi montré quelles sont les continuités et les ruptures entre L'Action et la Trilogie, en s'attardant aux textes de « l'entre-deux » qui sont autant de pierres d'attente. Des ruptures, parce que, selon l'A., il y aurait au départ du texte de 1893 « le point de vue des créatures » et pour la Trilogie « le point de vue de l'absolu » (p. 76). A. Cugno, avec Rationalité de la foi et apologétique (pp. 79-85), est dans l'axe de ces communications mais son analyse est marquée par une critique du projet blondélien, notamment en son incapacité de « faire réellement une éidétique de la foi » (p. 83). Quelle audace que de dire que, chez Blondel, l'articulation entre foi et raison n'est pas pensée… et les points d'appui pour « penser » la foi que l'A. prend chez Jean de la Croix sont très critiquables car il oublie que la foi est une vertu théologale. Une étude plus proche des textes - en particulier ceux où Blondel envisage Jean de la Croix… - devrait nuancer bien des conclusions de cette étude.
La communication de P. Reifenberg, Ollé-Laprune dans l'interprétation de Maurice Blondel (pp. 87-100), est une œuvre d'érudition et recèle bien des informations. Elle a l'inestimable mérite de revenir sur un rapport constitutif, bien que assumé et dépassé, mais jamais renié (comme le fit un peu Segond) de la philosophie de Blondel : l'œuvre de son maître Ollé. En quelques pages, l'A. a voulu montrer que Blondel est parvenu à donner « une substance philosophique à une doctrine qui se déroule dans la pratique spirituelle » (p. 99), avec tout le respect qu'un maître peut avoir pour son disciple. M. Léna s'est intéressée de très près à Jeanne Mercier, lecteur de M. Blondel (pp. 109-117) à partir de la correspondance de J. Mercier car celle de Blondel est perdue. Il y est question des échanges épistolaires qui eurent lieu entre 1935-46, d'un projet de thèse sur la philosophie de Blondel avorté, en raison d'une incompréhension de Bréhier, et d'une critique de Blondel aux interprétations du professeur de Neuilly qui, quoi qu'on en dise, jeta un froid dans leur relation. Il serait d'ailleurs intéressant de revenir sur ces critiques de Blondel émises en 1940 pour voir la portée de son évolution dans l'articulation de la foi et de la raison…
Fr. Marty étudie La question de la vérité dans la Lettre sur l'apologétique (pp. 101-108), en montrant particulièrement comment cette notion est profilée dans la Lettre. Après une analyse de différentes formes d'apologétique, l'A. en vient à expliquer comment le jugement de vérité se fait aussi en fonction du destinataire et pourquoi, chez Blondel, se laisse entrevoir dans le dialogue entre l'Église et la « pensée contemporaine » un « chemin » déjà ouvert puisque sa préoccupation dans la rédaction de L'Action allait déjà dans ce sens. Le P. Tilliette s'est attaché à déceler, dans le chapitre ajouté de L'Action, l'ébauche d'une métaphysique nouvelle, par ailleurs située dans l'ensemble de l'œuvre de Blondel. Dans cette communication Blondel et la métaphysique (pp. 119-131), en tâchant de retrouver un équilibre, entre les positions de Duméry et de Bouillard, d'ailleurs finement analysées, l'A. réfléchit à la portée de cette « métaphysique à la seconde puissance ou intégrale ». Il la resitue entre le « panchristime » qu'elle englobe et le « charitisme » tel qu'il se dit dans la finale de L'Action. Mais le P. Tilliette a aussi le grand mérite de bien mettre en exergue les importantes nuances apportées par Blondel à ces notions, en particulier dans ses dialogues avec Teilhard pour la première et avec Laberthonnière pour la seconde.
Enfin, le volume s'achève sur une communication, non la moindre, de G. Dorival sur L'apologétique grecque des premiers siècles (pp. 133- 143). L'A. ne voit guère, à juste titre, de continuité entre l'apologétique grecque et celle d'un Blondel, mais il montre bien l'émergence et l'évolution de ce genre littéraire polymorphe. L'apologie sert à accuser, dialoguer, défendre, prendre parti, etc. De même, bien que portant un regard critique sur l'hellénisme, l'apologétique antique en est « imprégnée ». Chez Blondel, fait remarquer l'A., le genre littéraire choisi est celui d'une « lettre » où l'on retrouve des idées chères aux Apologistes, en particulier celle des graines du Logos. Mais, plus encore, la méthode d'immanence a quelque chose à voir avec des entreprises plus anciennes : respecter la pensée de son temps, voire s'en imprégner (quoique Blondel appuie davantage l'autonomie de la rationalité) si bien que, finalement, cette méthode « est peut-être l'équivalent moderne de l'idée antique selon laquelle Dieu est à la fois transcendant et immanent » (p. 143).


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