Editions BEAUCHESNE

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04- LA PASSION DES JONGLEURS

04- LA PASSION DES JONGLEURS

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Date d'ajout : mardi 02 mai 2017

par L�o LABERGE

Décédée le 21 mars 1980 dans un accident d'automobile, Mme Perry avait soutenu une thèse de doctorat (« Ph.D. ») aux États-Unis (Emory University), en 1978. Jonathan Beck, le directeur de thèse, en présente le texte, avec de légères modifications proposées par Graham A. Runnals (d'Édimbourg). On ne peut qu'admirer la qualité de ce travail d'édition, précédé d'une présentation qui couvre les p. 15 à 107. Un guide sûr, de qui on pouvait attendre des contributions de grande qualité, nous a été enlevé par la mort de Mme Perry, partie à 28 ans.
Il reste ce beau livre, pour lequel la maison Beauchesne a droit à notre reconnaissance.
À une époque de crise, que l'édition scientifique française surmonte plutôt mal, surtout dans le domaine de la pensée religieuse, il est bon de noter l'arrivée de cette collection Textes Dossiers Documents, en lui souhaitant de trouver l'appui intellectuel et financier qu'il mérite. Sinon, l'on risque de perdre le contact avec les sources et les manifestations du patrimoine spirituel qui ont forgé la langue et la culture d'expression française.
La « présentation » comprend cinq chapitres, où sont traitées les questions suivantes : 1) ce qu'est la Passion des Jongleurs (« Introduction ») ; 2) quelles en sont les sources (évangiles, apocryphes, traités et sermons, etc.) ; 3) « L'art de la narration ... » (forme de composition : récitation orale, interpellation des auditeurs) ; 4) la Passion et son lien au théâtre : transition entre le récitant unique, les figurants muets éventuels et la représentation des mystères ; 5) le texte (un manuscrit de la Bibliothèque Nationale, ancien fonds français 1526) : la Bible des sept estaz du monde de Geufroi de Paris, dont l'A. publie ici les f. 92r - 126r, aux p. 111-214. On y trouve 3892 « octosyllabes à rimes plates », en francien du XIIIe siècle. Si on se fie à la notice finale de la Bible (f. 187r), la copie de Geufroi est de 1243, date retenue ici (on notera quelques divergences minimes dans la copie du texte donnée aux p. 19 et 95).
Comme la Passion des Jongleurs nous donne un texte « qui remonte à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle » (p. 18), il sera intéressant de l'étudier, de le comparer à d'autres textes de la même période pour arriver à mieux comprendre comment le texte évangélique était lu, commenté, enrichi de gloses anciennes ou récentes. L'influence de l'Évangile de Nicodème est patente ; les vers 1750-2125 viennent presque mot à mot du Regrès Nostre Dame de Huon de Cambrai ; Pierre Comestor, s. Bernard et le pseudo-Anselme ont sans doute inspiré cette passion, sans oublier les textes liturgiques (voir p. 31). Il reste bien des recherches à faire pour mieux comprendre le milieu spirituel et littéraire de notre texte. La spiritualité franciscaine, son insistance sur l'humanité du Christ souffrant, la théologie des écoles cathédrales, de même que la scolastique naissante, voilà bien des domaines à explorer, mais dont les textes sont suffisamment connus pour permettre une étude sérieuse. Les textes en langues vernaculaires, moins connus, permettront une meilleure perception de la « piété populaire » et de ses avatars. On ne peut, par exemple, ignorer les passions du moyen âge ni l'influence franciscaine dans la formation de notre chemin de croix « classique ». L'attention accordée aux personnages de la passion conduit à leur donner des noms bien personnels : Véronique (« vraie image »), Longin (« lance ») et, dans la Passion des Jongleurs, Sidonie (« suaire » - grec et latin sindon ; voir les v. 3300-3304 : « Sire, on m'appelle Sidonie. » / « Aprés le nom que vous avez, / Sidoines sera apelez / Cil drap que vous avez vendu, / Dont avés cel or receü »). Ces textes savoureux se lisent bien (on ne peut prétexter l'ignorance du grec ou du latin !).
L'étude des sources possibles (p. 30-52) et les notes sommaires (des p. 217-227) fournissent déjà d'intéressantes pistes de recherche. Un index des noms propres (p. 231-232), un glossaire (p. 235-240), une bibliographie choisie (p. 245-250) fourniront les premiers éléments d'une lecture qu'on ne peut que recommander vivement à quiconque s'intéresse à la culture médiévale, à la théologie des XIIe et XIIIe siècles, au français médiéval, à l'histoire de l'exégèse biblique.
Le québécois et l'acadien n'auront pas besoin de remonter à des textes du XVIe siècle (voir p. 97 : « pourquoi sera ce que quelque dame […] à l'entrée de cest yver dira qu'il fait fret ») pour penser qu'au XIIIe siècle, l'on pouvait prononcer et écrire fret, freit : « La doleur voient, les ahans / Que Dieu du ciel pour nous soufroit. / Icele nuit grant fret fesoit / La ou estoit Dieus amenez. » (v. 656-659). Comme quoi la science, bien que sérieuse, n'est pas forcément triste.
Je ne puis juger de la qualité textuelle ni de la transcription qui en est faite, mais tout laisse croire que le travail mérite confiance. Quelques erreurs (peu nombreuses) à corriger : p. 39, lire premières vêpres (non premiers) ; p. 38, lire Hac enim vice (non Hœc) ; p. 44, lire humilis et excelsus (non excelsis), puis prœliator, occisum etjacuisti (non pas prœlitor, accisum, jacisti) ; p. 219, lire iudicium, diiudicans (1 Co 11, 29) et De Ecclesiasticis Officiis; p. 225, 1. 5 : De Meditatione; p. 226, lire posuisti titulum gloriœ tuœ (non potuisti ... gloria). Enfin, p. 238, pour mahangniee, part. passé qui signifie blessée, estropiée, la référence doit se lire 3191 (non 3197) : « La dame estoit moult mahangnie[e?l / Et de grant doleur enlaciee » : 3191-3192. Bien sûr qu'elle était maganée (mêmes références que pour fret)! Voir l'italien magagnare, au sens de guastare (avec renvoi au provençal maganhar).


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