Editions BEAUCHESNE

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04. LE SUJET DE L'EDUCATION

04. LE SUJET DE L\'EDUCATION

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Date d'ajout : mardi 21 mars 2017

par M. SOETARD

REVUE : ENSEMBLE, 1, mars 1980

L'ouvrage réunit, autour du thème du sujet de l'éducation, sept contributions. D. Hameline, poursuivant sa réflexion sur le couple « domestication – affranchissement », s'efforce de mettre au jour le présupposé véhiculé par la psychopédagogie moderne depuis ses origines, à savoir la notion d'adaptation au milieu, elle-même héritée de la biologie, que ce milieu soit de nuance biopsychique (Claparède, Wallon, Piaget) ou biosociale (Durkheim, Dewey, Cousinet) : l'antagonisme entre accomplissement de soi et intégration sociale ne s'y trouve généralement posé que pour être invariablement nié et surmonté dans la notion d'adaptation naturelle. Et l'auteur note malicieusement en quoi, par-delà les belles envolées, l'abandon à ce présupposé donne tout à la fois prise, dans la pratique éducative, à l'idéologie élitiste du self-realisation et aux normalisations sociales avouées ou inavouées, les plus autoritaires.
Ph. Kaeppelin, partant de son expérience d'analyse de groupes, s'interroge sur la nature de ce « on » qui surgit au bon moment pour éviter de dire « je » tout en faisant semblant de dire « nous » : il y voit l'expression d'un « sujet groupal », plus exactement le sujet d'un « inconscient groupal », où le « je » et le « nous » entrent dans un rapport dialectique. - J. Houssaye s'attache à montrer comment chacun des trois processus pédagogiques, à savoir « enseigner », « animer » « apprendre », installe un rapport privilégié entre deux des trois sujets de l'éducation (savoir, professeur, élèves), en laissant au troisième la place du « mort », et la tentation de la « folie » en vue de nier la négation dont il est la victime.
J. Milet, partant de l'observation qu'il n'existe pas deux élèves semblables ni deux maîtres semblables, prône une « pédagogie différentielle » et appelle, dans ce sens, un certain nombre de réformes pédagogiques et administratives. Avec la contribution de P. Mayol, nous sommes mis en présence de ce paradoxe qu'il n'existe pas en principe de société sans une initiation visant à fonder l'identité du sujet avec l'environnement social, mais qu'il nous faut bien constater par ailleurs que vous en vivons en réalité dans une société privée de ses institutions traditionnellement initiatiques et livrée aux débordements de la subjectivité, eux-mêmes habilement exploités par la société de consommation.
J. Piveteau nous offre un essai pointu sur les ressorts secrets, voire honteux, de la « vocation » d'enseigner et du désir de « venir en aide à autrui » pour conclure à la nécessité du meurtre du père éducateur (Saint Cassien, priez pour lui !). - Plus sereine est enfin la démarche d'Alexandre Rey-Herme, qui nous fait parcourir les avatars historiques de la « liberté d'enseignement » depuis la législation de Lycurgue jusqu'aux débats à l'intérieur de la Révolution Française ; il s'efforce ensuite de situer cette liberté, à travers les interventions légitimes des diverses communautés sociales (nationale, familiale, religieuse et… scolaire), mais en-deçà des prétentions hégémoniques de chacune d'entre elles, dans la personne même de l'enfant, avec tous les droits et les devoirs dont elle est le centre.
L'ensemble de ces contributions se présente, selon la formule utilisée par D. Dubarle dans sa présentation, comme « une façon de procès-verbal d'incertitude et, tout autant, paradoxalement à première vue, de volonté mûrie d'entreprendre » (p. 5). A mesurer en effet le chemin parcouru ici et là, on vérifie qu'une fois consumée « la flambée d'une ardeur juvénile », on s'attache désormais à « l'entreprise résolue d'une démarche qui mesure les conditions de sa longue durée. A commencer par celle de l'équilibrage du pas » (p. 8). N'en déplaise aux Utopiens : les institutions éducatives ont résisté à la bourrasque, le miracle de l'Esprit ne s'est pas produit et, le grand vent de mai passé, il faut bien reprendre la marche.
On peut dès lors s'interroger sur les moyens proposés pour rééquilibrer le pas. Il est en effet à craindre que, malgré tout l'intérêt de ces analyses volontiers fort subtiles, le sol ne continue à se dérober sous le pied de certains concepts avancés. Que dire, par exemple, d'un " inconscient groupal ", dès l'instant où la réalité du groupe disparaît dans la façon dont chacun le vit sur un mode qui échappe à la conscience ? Comment, ailleurs, associer l'exigence d'une pédagogie différentielle avec la compréhension de la relation maître élève sous le signe de la causalité exemplaire ? Piveteau a certes raison de jeter le soupçon sur le paternalisme viscéral de l'enseignant, mais l'abandon au martyre, n'est-ce pas, en l'occurrence, la plus subtile récupération des avantages de la « vocation » ? Qu'est-ce encore que la " personne " de l'enfant hors des multiples déterminations sociales et de leurs influences antagonistes sur chacun ? Le " sujet " de l'éducation peut-il encore se dire indifféremment de l'enfant, du savoir et de l'enseignant ?…
On pourrait multiplier ainsi les questions et raffiner en critique critique. Mais il ne s'agit plus d'ouvrir des trappes : il importe d'affermir le pas.
C'est, disons-le tout net, une question de réflexion philosophique, et pas seulement une affaire de fabrication el de manipulation de concepts à la sortie immédiate des problèmes qui se posent. Cette lacune peut surprendre à propos d'une collection qui se place sous le sigle de la Philosophie. Mais il faut bien, à la lecture de l'ouvrage lui-même, se rendre à l'évidence et convenir avec J. Milet : " Ce qu'on aimerait obtenir, c'est bien évidemment une réponse d'ensemble à ces questions, autrement dit une Philosophie de l'Éducation. Mais actuellement personne n'est capable d'élaborer cette philosophie. Toutes les propositions faites au cours des dernières décennies n'ont rencontré qu'un intérêt limité, quand ce n'est pas le scepticisme. Ou bien, on sent trop dans ces philosophies de l'éducation la pure et simple projection dans le domaine pédagogique de présupposés métaphysiques, souvent discutables ; ou bien, à l'inverse, on ne relève que l'énoncé de procédés d'ordre psychologique, qui font bon marché de l'enjeu même du débat, la destinée de l'homme ! (p. 91).
Mais n'y a-t-il pas eu, avant « ces dernières décennies », des hommes qui se sont acquis le titre de philosophes et pour qui l'éducation a constitué un problème crucial ? Ce fut déjà, entre Platon et Aristote, la matière d'un débat hautement significatif au plan des présupposés philosophiques. Et, puisqu'il est question du sujet de l'éducation, Rousseau aurait sans doute bien des choses à dire, ou à laisser dire, sur la façon dont l'exigence spécifique d'éducation s'est dégagée, au cœur de son rêve, du conflit désormais reconnu et vécu par lui comme éternel entre la subjectivité individuelle et son indispensable réalisation sociale. Sans oublier ce vieux fou de Pestalozzi qui ne prit toute sa dimension d'éducateur que lorsqu'il eut admis, son vieux rêve politico-religieux épuisé, le fait de l'insatisfaction essentielle de l'homme vivant en société, et qu'il eut compris que l'issue ne devait plus être cherchée dans une nième tentative de réconciliation du vieux couple sujet/société, mais dans la violence prometteuse d'une fécondation renouvelée.


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