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04. LE SUJET DE L'EDUCATION

04. LE SUJET DE L\'EDUCATION

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Date d'ajout : mardi 21 mars 2017

par Maurice CORVEZ

REVUE : REVUE THOMISTE 1981, 4

AUTEUR : Maurice CORVEZ

Un recueil consacré au sujet de l'éducation, produit d'une collaboration, à l'intérieur de l'Institut catholique de Paris, entre la Faculté de philosophie et l'Institut supérieur de pédagogie, s'est efforcé de mettre au point une doctrine avertie de la fonction éducatrice et de la possibilité de sa pratique au sein de la collectivité humaine.
Chez Daniel Hameline : « Intégration sociale et accomplissement de soi dans la psycho-pédagogie moderne », l'éducation est présentée comme le « lieu » des réalisations susdites, avec ses deux versants inséparables. La pédagogie préconisée est celle du « potentiel personnel ». Il s'agit de s'attaquer « aux formes présentes de la socialisation et de les dénoncer comme intégratrices, normalisantes et conformantes » (p. 34). Contre l'endoctrinement et le conformisme social, au creux même des contraintes du système « enseigner-apprendre », il faut « renforcer le singulier », réaffirmer la priorité des personnes et de leur « accomplissement », la supériorité pédagogique de l'attitude non directive (p. 46). Dans la conjoncture actuelle, ce sont les hommes les plus singuliers qui ont des chances d'être les « plus pluriels » parce que, « inadaptés par définition même », ils seront capables d'une adhésion de raison et de cœur qui ne perde pas le sens aigu des déviations possibles de la problématique officielle (p. 48).
Le « repli » tactique sur le « singulier » n'est donc pas un retrait sur le quant-à-soi, mais une entreprise résolue qui, mesurant les conditions de sa longue durée, conduit à « se satisfaire, dans la muraille des grands systèmes aveugles, de modestes interstices ou faire transiter les sujets de l'éducation vers la cité inconnue de leurs échappées belles » ... (p. 49).
« Formateur » et analyste des groupes, Philippe Kaeppelin, dans « Ce que le ON veut dire, Inconscient groupal et analyse du ON », cherche à dégager de son expérience les raisons de l'usage du ON dans les groupes de formation sur le registre du conscient et sur celui de l'inconscient. A l'aide de nombreux exemples, il nous présente un rappel de ce que le ON veut dire dans la langue littéraire et le parler familier ; une approche psychanalytique du discours groupal supporté par le ON ; une réflexion phénoménologique conduisant à définir le monde du ON. Ainsi apparaissent des structures psychosociales, des conditions de fonctionnement dans l'éducation, et la signification du ON dans le contexte culturel actuel.
Je suis nécessairement, simultanément, singulier, pluriel, groupal. Le ON est englobant, le NOUS exclusif, le JE oscillant entre l'un et l'autre. Le sujet ne se confond pas avec l'individu (phénoménologiquement s'entend). On est autre que le JE ou le NOUS. Et P. K. d'insister en sociologue sur l'opportunité de restituer et réhabiliter ce que le ON veut dire dans le discours des groupes.
Professeur en Terminale A, Jean Houssaye, dans « Sujet, mort et folie en pédagogie », nous explique que l'enseignement de la philosophie y relève d'une recherche permanente. Toute situation pédagogique s'articule autour de trois pôles : savoir - enseignant - élèves, mais les modèles qui en naissent sont centrés sur une relation privilégiée entre deux de ses termes. D'où les processus « enseigner », « animer », « apprendre », chacun d'eux marginalisant les deux autres : ce qui amène la « mort » ou la « folie » (rébellion) de quelque terme.
Le processus « enseigner » implique une liaison préférentielle entre le savoir et le professeur ; le processus « animer » privilégie la relation professeur-élèves et la non-directivité ; dans le processus « apprendre », le professeur se veut un organisateur de situations de formation où il met les élèves en contact direct avec le savoir.
Toute pédagogie est donc l'instauration de rapports entre ces trois éléments : élèves, professeur et savoir. Après un temps prolongé d'expérience, l'A. a opté pour la troisième formule (« apprendre »), qui lui paraît la plus indiquée actuellement.
4. Selon Jean Milet : « Pour une pédagogie différencielle », cette pédagogie se fonde d'abord sur le constat qu'il n'y a pas deux élèves semblables, ni non plus deux maîtres semblables. La différence est inscrite au cœur de chacun, qui est un être unique et irremplaçable, et c'est cette différence qu'il faut cultiver. Rien de plus vrai ! Mais cela veut-il dire qu'au fond de tous les hommes il n'y a rien de « repérable », d' « identifiable », et qu'il faut y trouver non plus, comme ces métaphysiques qui « ont fait leur temps », la « simplicité » et la « finitude », mais l' « infinitude » et une « complexité irréductible » (p. 93) ? Ne serions-nous pas tous de la même espèce, doués d'une nature et de propriétés, sur ce plan, identiques ? Cette même confusion entre le singulier et le spécifique semble se retrouver entre le savoir théorique et la connaissance individuelle : « Il n'y a jamais de savoir neutre ... même en mathématiques. Le savoir mathématique n'est pas une somme d'idées et de jugements consignés dans des textes ou des recueils ; c'est toujours le savoir mathématique de Monsieur Un Tel » (p. 106). Et l'on précise :
Tout devient l'expression de l'enseignant, sa méthode personnelle. Soit ! l'expression, mais la science elle-même, abstraite, universelle ?
Un troisième constat est celui que la relation maître-élève est un rapport de causalité exemplaire et qu'elle doit se placer sous le signe de cette causalité, que l'on évoque comme « stimulation » épanouissante, par opposition à l'efficience, la formation, ou l'imitation.
L'étude se termine par des propositions, inspirées de cette pédagogie exagérément différencielle. Les instituts de pédagogie, sous la forme où ils existent actuellement, ne doivent pas être maintenus (p. 110) : leurs points de vue sur la psychologie de l'enfant sont théoriques, « en soi-nocives », et nous savons qu'il n'y a pas deux enfants semblables! Il importe d'allonger le temps de la scolarité de façon à réduire la « bousculade » actuelle des programmes (p. 116). La plus belle des institutions d'enseignement à souhaiter serait concentrée sur une bibliothèque (p. 117) que dirigerait le maître avec un souci de différenciation croissante.
L'exposé de Pierre Mayol : « Vers une société sans initiation ? » est, au fond, le procès du conflit des générations au sein de notre société de consommation, qui ignore l'initiation en tant que fonctionnement social nécessaire. Il prend appui sur la pratique éducative : lieu privilégié d'observation des mutations profondes de la société, et rejoint aussi les problèmes de la transmission de la foi dans cette même société.
Les thèses (ou les hypothèses) sont claires. Il n'y a pas de société sans initiation, et notre société est une société sans initiation. Mais qu'appelle-t-on ici initiation ? C'est la démarche qui vise à fonder l'identité d'un sujet en le confrontant à ce qui n'est pas lui (le social), lui permettant ainsi d'y prendre place. Elle implique trois phases logiques : la rupture ou arrachement inaugural, la participation à des épreuves imposées, le dépassement ou intégration à un corps social. On le vérifie, par exemple, dans les noviciats des ordres religieux, dans les bandes de jeunes, dans le jeu, les partis politiques, les associations, etc. L'identité de l'initié est anti-subjective, elle passe par de l'autre. Or, dans la culture moderne, nous sommes sans initiation. Sur le plan de l'insertion du sujet dans son environnement sociopolitique, l'effondrement des processus initiatiques a entraîné la perte de crédibilité des grandes institutions. Les structures d'accueil attenantes aux institutions ont été pulvérisées; les « cultures populaires » n'ont pas résisté à la pression de la société de consommation. Les institutions politiques elles-mêmes, les querelles internes aux partis, ont fait que l'inertie avec laquelle on maintient des représentations qui ne correspondent plus à la réalité politique (comme la fastidieuse opposition gauche/droite), aboutit à la solitude du vote, à une représentativité vécue comme la soumission passive à des discours intouchables.
Quant à l'identité chrétienne, c'est une identité dynamique, « énergétique », qui s'inscrit dans la vie ecclésiale, en vue d'une intégration définitive qu'assure la maintenance de la rupture et de la participation aux épreuves proposées par le christianisme. Celles-ci gravitent autour de ces trois pôles de l'initiation chrétienne : la dépendance, la ressemblance, la différence. Mais les Églises ne sont plus en situation d'exercer la fonction initiatique qui « informe » de l'intérieur. Elles sont en état de divorce avec leur contemporanéité, incapables d'en épouser l'allure historique propre. Que devient le corpus puissant, dynamique de Vatican II devant une tendance à le traiter d'une manière « préconciliaire » : fixiste, peureuse, castratrice ? (p. 141). Tendance suicidaire à dogmatiser outrancièrement des positions historiques nécessairement « datées » (le célibat du clergé, la place des femmes, la fonction hiérarchique, etc.), « à forme platonicienne », comme l'a génialement découvert le P. Ducocq. On notera le caractère simpliste de pareilles assertions. L'Église n'est pas « le personnel » de l'Église, encore moins ces théologiens intégristes ou progressistes qu'elle est obligée de désavouer parce qu'il leur manque justement le sens de l'Église.
La subjectivité est devenue, dans la culture moderne, le critère dernier de l'expérience sociale, l'espace du « ressenti », comme instance de vérification ; elle interdit au sujet l'expérience véritablement altruiste de l'autre. Plus de langage commun à partir duquel construire un itinéraire à la fois collectif et individuel. Seul persiste le choc de monades sociales atomisées, chacune prisonnière de son propre itinéraire fantasmatique (p. 145). Nous sommes parvenus à une configuration sociale qui oppose au subjectivisme la pure extériorité de l'organisation étatique « sans qu'aucun entre-deux ne puisse médiatiser la tension de ce dualisme » (ibid.).
C'est donc à la fois contre l'absence d'initiation intelligente à la vie sociale et contre le « retour à l'inorganique », galvaudé par le slogan : « Il est interdit d'interdire », que nous avons à combattre pour la conquête de l'identité véritable de l'homme.
Selon Jacques Piveteau, « Enseigner : vocation ou martyre », les vocations enseignantes seraient moins nombreuses qu'autrefois. Mais, se demande ce nouveau « maître du soupçon », quel était, et quel est encore, le dynamisme de cette vocation et ses résultats ? Une force qui pousse à venir en aide à des ignorants dont on a besoin pour prendre conscience de son propre savoir, au point que certains enseignants sont désemparés quand ils n'ont plus occasion de venir en aide. Besoin qui entraîne des erreurs de direction comme le développement cancérigène de certains types de formation (dyslexiques, traitements psychologiques, etc.) et ce dernier avatar du besoin des formateurs : la formation permanente. Il s'agit de « consommer de la formation », en magnifiant les besoins de l'enseigné pour prolonger une action rentable (p. 154). La scolarité obligatoire est, à ce point de vue, « idéale » pour l'enseignant. Elle l'est aussi pour les jeunes qui y trouvent, à leur dommage, la prise en charge par autrui de leurs aspirations et la comparaison avec d'autres qu'ils se mettent à vouloir imiter. Surgit alors, pour l'enseignant, la tentation du pouvoir et la tentation de vouloir conformer à eux ceux qui leur sont confiés. Ceux-ci trouvaient jadis nombre de maîtres qui avaient tendance à vivre sur le registre de leur « Parent nourricier » ou de leur « Parent critique ».
Nourricier, celui qui voulait aider, à la rigueur contre le gré de son disciple. Critique, le Parent qui veut conformer les jeunes aux impératifs qui le font vivre et dont la transgression le rend malade. Cette « colonisation des êtres », par l'exercice arbitraire du pouvoir éducateur, a subi aujourd'hui une limitation dans la pédagogie par contrats et celle des objectifs. Mais est-ce là un progrès vers le registre adulte, ou une « crainte peu glorieuse » d'exercer la fonction du Parent critique et d'être rejeté en tant que Parent nourricier ? (p. 157).
Poursuivant sa « psychanalyse » impitoyable, notre A. ajoute que l'enseignement contemporain est « une sorte de duperie au cours de laquelle l'enseignant donne des marchandises dont les jeunes n'ont pas besoin et se refuse à leur donner ce qu'ils souhaitent » (p. 159); et, de plus, qu'il sera difficile d'éveiller les esprits tant qu'on n'attendra de l'école que le « passeport pour la profession ».
Au sujet de la transmission de la foi, les jeunes, demande l'A., ont-ils autant besoin d'instruction religieuse qu'on veut bien le dire ? (p. 163). Il faudrait, pense-t-il, favoriser les lieux de prière, la recherche d'un style de vie. Et les maîtres devraient être des modèles. « L'être humain est tel que s'il y a des Maîtres qui cherchent la Vérité pour elle-même et pour eux-mêmes, ils seront bientôt entourés de disciples » (p. 163). La conclusion nous hausse aux sommets de l'héroïsme : « On ne peut être éducateur qu'en acceptant d'être tué et renié par ceux à qui on aura donné les forces pour le faire. S'il y a une vocation à l'enseignement, c'est la vocation au martyre » (p. 165).
Pour Alexandre Rey-Hermas, « La liberté d'enseignement : liberté de qui ? », cette liberté a changé plusieurs fois de sens dans le passé. L'A. entreprend d'esquisser ce passé en vue de connaître dans quelle mesure il reflète à chaque époque une certaine conception de l'homme et de la société, et de savoir ce qui en subsiste aujourd'hui.
Dans une première partie : « La leçon de l'histoire », des données historiques précises sur la cité éducatrice dans la civilisation gréco-latine aboutissent à cette conclusion générale : une certitude domine tout, à la fois principe et finalité dernière : « Chacun est une parcelle intégrante de la Cité » (p. 172).
Le « libéralisme familial » nous montre que la pratique était très différente de la doctrine, aussi bien dans la Grèce classique que dans la Rome ancienne et dans l'empire romain. Quant à l'Église, durant les deux premiers siècles où elle eut le pouvoir, elle sut se montrer respectueuse jusqu'à l'extrême d'un libéralisme scolaire rarement atteint depuis lors (p. 182).
« L'éducation par l'Église » nous est présentée jusqu'au XIIe siècle, puis du XIIe siècle à la Révolution. Après l'explosion révolutionnaire, Napoléon adopta une solution autoritaire qui ne satisfit personne : elle n'allait pas plus au fond des choses que ne le firent ensuite la loi Falloux, l'initiative de Jules Ferry, les dispositions de 1946 ou le modus vivendi qui nous régit actuellement (p. 186).
Viennent ensuite des réflexions sur la « Révolution et l'école », puis sur la « rivalité sans issue ». Pour la première fois dans l'histoire, l'éducation se trouve en situation de véritable pluralisme dans les méthodes, les systèmes et les programmes, et même les anthropologies (p. 201).
La deuxième partie : « Les données actuelles », nous parle longuement des quatre partenaires qui ont revendiqué la liberté d'éduquer l'enfant : la communauté nationale, la communauté familiale, la communauté religieuse, et enfin le « maître d'école », qui est en contact direct avec son élève (p. 202).
La communauté nationale, souligne-t-on, excéderait son pouvoir si elle prétendait former les jeunes à mettre au-dessus de tout l'intérêt national ou l'intérêt de classe (p. 204). La communauté familiale peut faire état, au sujet de l'enfant, d'abord de son appartenance sociologique. Dans l'état de choses actuel, la cellule familiale est indiscutablement l'intermédiaire sociologique normal entre l'enfant et la cité (p. 205). L'appartenance biologique ne permet pas aux parents de décider librement de l'avenir de leurs enfants : « Les titres de père et de mère, lorsqu'ils se réduisent au simple aspect de géniteurs, ne signifient pas grand-chose » (p. 207). Appartenance « économique », appartenance « religieuse » : « En rigueur de termes, on ne saurait dire que l'enfant appartient à sa famille » (p. 213). Rien ne nous permet d'affirmer avec certitude que la nature du lien qui unit l'enfant à ses parents naturels dépasse, en principe, le niveau de l'appartenance sociologique, avec les limites que ce terme implique (p. 213). Enfin, au sujet du « maître d'école », l'A. affirme, avec raison, qu'on doit lui reconnaître une certaine liberté dans l'exécution de son travail.
La coexistence de ces quatre facteurs, aux intérêts parfois opposés, est loin d'être facile. Mais il est un point de référence : la personne même de l'enfant, avec toutes les exigences, tous les droits et tous les devoirs qu'elle porte en elle, les droits de Dieu étant sauvegardés (p. 220). L'A. est convaincu que l'Église saura, le cas échéant, ne pas figer, en les sacralisant, des structures finalement contingentes (p. 222).


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