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13- PARIS-CANTORBÉRY (1717-1720). Le dossier d'un premier œcuménisme

13- PARIS-CANTORBÉRY (1717-1720). Le dossier d\'un premier œcuménisme

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Date d'ajout : mardi 16 mai 2017

par Suzanne MARTINEAU

Voici un dossier qui s'adresse principalement aux historiens de l'Église de France et plus spécialement du Jansénisme, et aussi aux œcuménistes, tournés vers les relations Anglicanes-Catholiques.
William Wake (1657-1737) après avoir passé quelque temps à Paris (1683-1685) comme chapelain de l'Ambassade d'Angleterre et avoir ainsi noué des relations avec des chrétiens de France, catholiques et protestants, était devenu archevêque de Cantorbéry en 1716. Il entretint alors une vaste correspondance en vue de l'union des Églises avec des théologiens de Genève, d'Amsterdam, de Berlin et aussi de Paris. Il avait suivi la querelle janséniste et l'évolution de l'Église « gallicane » et en 1717 il croyait que l'Église de France était au bord du schisme. Il faut dire que les querelles de l'Augustinus puis de l'Unigenitus avaient été largement suivies en Angleterre ; Jacques Grès-Gayer en veut pour preuve les traductions de nombreux livres et pamphlets.
Pour ceux qui ne connaissaient pas le fond des choses, il apparaissait qu'une rupture était proche entre l'Église de France et Rome. C'était la position du « Primat de toute l'Angleterre », entretenue par celui qui était à ce moment-là son successeur comme chapelain à l'ambassade, William Beauvoir. Ce dernier entra en relation avec un docteur en Sorbonne, Louis Ellies Du Pin « savant, gallican et iréniste » dit Jacques Grès-Gayer.
Une correspondance s'instaure entre Beauvoir, Du Pin et Wake, en latin, en anglais, parfois en français : ce sont ces 148 lettres qui nous sont présentées dans ce « dossier », dont beaucoup tout à fait inédites, avec en outre des correspondances relatives à ces mêmes questions échangées entre divers personnages religieux et politiques, car le pouvoir ou ceux qui en étaient proches furent aussi concernés par ces tractations. En France c'est l'époque de la Régence, en Angleterre l'avènement d'un roi hanovrien, roi à la fois luthérien et anglican. Le cardinal de Noailles était-il au courant de tout cela autant que certains veulent bien le dire ? En tous cas l'était le Secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Dubois, qui par la suite deviendra cardinal.
Jacques Grès-Gayer classe les documents en quatre périodes : Les espérances de mars 1717 à septembre 1718, alors que le théologien français Du Pin, par l'intermédiaire du chapelain Beauvoir, entre en relation avec l'archevêque de Cantorbéry, et prépare déjà un projet d'union sur la base d'une analyse du Prayer Book et des Trente-Neuf Articles de Religion ainsi qu'un Mémoire prévoyant les moyens pour obliger le Pape à donner les « Bulles aux évêques nommés par le Roi et en cas qu'il (le Pape) les refuse, les voies qu'il faudra prendre pour les faire sacrer et installer… » (p. 159).
La seconde période « Vers le schisme » est courte, de septembre à décembre 1718. Elle s'ouvre au moment de la publication des lettres Pastoralis Officii par lesquelles le Pape réaffirme l'obligation de se soumettre à la Bulle Unigenitus. L'archevêque exhorte ses correspondants à se séparer de Rome et à suivre le modèle anglican d'une Église nationale, alors que les théologiens français veulent simplement réviser les liens de l'Église de France avec Rome sans récuser le primat du Pape. Devant les réticences de ses correspondants, Wake suggère de convoquer un Concile national et expose la légitimité de l'épiscopat anglican.
La troisième période, l'échec, couvre les six premiers mois de 1719. Il y a eu des fuites et les correspondances sont connues. Tandis que les théologiens français vivent entre l'espoir et la crainte seront-ils encouragés ou interdits ? - l'archevêque Wake redoute que l'on connaisse ses lettres. Le Nonce, le pouvoir politique en France, l'ambassadeur de France à Rome sont au courant d'un « projet d'unir les Opposants à l'Église anglicane » (p. 313). « Le Dr. Du Pin travaille à l'union de l'Église anglicane avec celle de France » ; on dit que « le Dr. Du Pin traite avec l'archevêque de Cantorbéry » (p. 314). Puis Du Pin meurt le 6 juin 1719, Beauvoir repart en Angleterre, Wake est malade…
La dernière période, la dispersion, s'étend de juillet 1719 à décembre 1720. Wake voit s'évanouir des espérances et ne croit plus à la possibilité d'un schisme en France. Mais cette correspondance n'a-t-elle pas permis une estime réciproque et « à défaut d'une réconciliation officielle, la paix religieuse ne pourrait-elle pas s'établir sur des échanges fraternels ? » (p. 25). C'est le commencement d'une nouvelle attitude : des rapports iréniques s'établiront entre les membres des deux communautés. Une des dernières lettres du dossier (n° 146, p. 503) adressée par le nouveau chapelain de l'ambassade anglaise à son archevêque a quelques phrases que nous ne pouvons pas lire aujourd'hui sans une certaine émotion : Cette correspondance a mis en place « des fondations en vue de l'union… qui sans une telle préparation ne pourrait jamais se réaliser ou se tenter ».
La lecture d'un tel « dossier » est absolument passionnante pour qui reste toujours soucieux des voies qui conduisent à l'unité entre ces deux Églises. Bien que l'auteur nous avertisse de ne pas trop chercher de correspondance entre ce pré-œcuménisme et les travaux de la Commission Internationale Anglicane-Catholique (ARCIC), on ne peut s'empêcher de relever des accents bien actuels : revoir la place et le rôle de l'évêque de Rome, faire une relecture « catholique » des Trente-Neuf Articles de Religion, appliquer le principe d'économie pour une reconnaissance des ordinations anglicanes dans le cas d'une union des Églises, distinguer entre le noyau central de la foi et les adiaphora…
Écho encore des difficultés actuelles sur le chemin de l'unité cette très pertinente remarque de Jacques Grès-Gayer dans sa remarquable et synthétique introduction : « …malgré leur commun désir de restaurer l'unité, en dépit d'une approche irénique aux référents très semblables, c'est sur l'essentiel qu'ils butent : l'unité qu'ils désirent n'est pas vraiment la même, ils ne partagent pas la même problématique de l'union… Wake travaillait pour l'union des Églises, les Gallicans aspiraient à enrichir l'unité de l'Église… ». La vision de l'archevêque tendait « vers une confédération universelle et visible des Églises, qui manifesterait l'unité de l'Église universelle » (p. 37). Nous continuons aujourd'hui à rechercher ensemble et à nous accorder difficilement sur les « modèles d'unité ».
Cette correspondance témoigne de « la perspective d'un idéal d'unité chrétienne et d'un désir sincère de trouver les voies permettant d'y conduire » écrit l'auteur de cet intéressant et savant travail. Devant ces échanges entre des anglicans et des catholiques d'Angleterre et de France on ne peut s'empêcher de songer avec l'actuel archevêque de Cantorbéry à ces autres échanges de la fin du siècle suivant entre Lord Halifax et le Père Portal. « Ces deux entreprises étaient condamnées à l'échec, écrit Mgr Runcie dans la préface, mais ces échecs étaient porteurs d'une vision prophétique ». Et on a envie de citer cette parole de Lord Halifax à Portal : « Un jour on verra que nous avions raison ».


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