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15- LA THÉOLOGIE NATURELLE DE JEAN DE RIPA - XIVè SIECLE

15- LA THÉOLOGIE NATURELLE DE JEAN DE RIPA - XIVè SIECLE

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Date d'ajout : mardi 23 mai 2017

par Zénon KALUZA

REVUE DES SCIENCES THÉOLOGIQUES ET PHILOSOPHIQUES, 79, 1995

Jean de Ripa, O.F.M., Ascensius de Sainte-Colombe, O.F.M. (t 1370). - La publication par Francis RUELLO de La théologie naturelle de Jean de Ripa est une bonne occasion pour rappeler aussi bien ce théologien, autrefois placé au centre de la recherche historique cultivée à Paris, que son adversaire et confrère de loin moins connu . Le premier des deux est un Italien de la Marche, le second un Occitan, donc un sujet du roi d'Angleterre à qui il a rendu hommage après sa nomination à l'évêché de Sarlat (1361-1370). Ils se sont rencontrés à Paris où le frère Ascensius avait commenté les Sentences pour la seconde fois en 1351-1352, et le frère Jean en 1352-1353 très probablement. Par la suite, ils ont passé leur temps à se disputer, ce qui a donné deux séries de déterminations, une par auteur. Seules les Determinationes de Jean de Ripa se sont conservées et ont été publiées par A. Combes en 1957. Depuis longtemps déjà on connaît Jean de Ripa comme le théologien brutalement critiqué par Gerson, Ruello nous le rappelle en retraçant « La fortuna de Jean de Ripa » depuis le travail de Franz Ehrle jusqu'à ceux de Combes, Vignaux et les siens propres (p. 12-20) [Cependant, je n'ai jamais parlé « de la lutte de Gerson contre les terministes », comme l'auteur (p. 13) me le fait dire, mais des désaccords entre les terministes, dont Gerson, et les scotistes ; en parlant (p. 13-14) d'un traité De unitate divinae essentiae el pluralitate creaturarum attribué à tort à S. Anselme, F. Ruello ne note pas que son auteur a rapidement été identifié et que l'ouvrage est aujourd'hui édité : ACHARD DE SAINT-VICTOR, L'Unité de Dieu et la pluralité des créatures (De unitate _Dei_ et pluralitate creaturarum), texte latin inédit… . établi, traduit et présenté par E. MARTINEAU, Saint-Lambert des Bois, Authentica, 1987.]. Depuis quelques années, cependant, F. Ruello est le seul à s'occuper continuellement des doctrines ripiennes, tandis que d'autres le font occasionnellement, en étudiant un point précis, en se contentant de signaler la connaissance de ces doctrines au XIVe et au XVIe siècle, chez des franciscains et chez des séculiers, chez ses critiques aussi bien que chez ses partisans [En 1980, F. Ruello a édité la première partie de l'abréviation faite par Paul de Venise du Primum Sententiarum de Jean de Ripa : PAULUS VENETUS, Super Primum Sententiarum Johannis de Ripa Lecturae abbrevitlio. Prologus, par F. RUELLO, Florence, L. S. Olschki, 1980. Cette abréviation correspond au Prologue original, édité auparavant à Paris chez Vrin. F. Ruello a aussi ce dernier temps publié « La christologie de Jean de Ripa. Le troisième livre des Sentences », dans Lectionum varietales. Hommage à Paul Vignaux (1904-1987), édité par J. JOLIVET, Z. KALUZA, A. de LIBERA, Paris, Vrin (coll. « Études de philosophie médiévale », 65), 1991 ; p. 247-281. Concernant la présence de Jean de Ripa dans les écoles franciscaines, on notera deux articles de K. H. TACHAU, « French Theology in the Mid-Fourteenth Century : Vatican Latin 986 and Wroclaw, Milich F 64 » , Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, 51 (1984), p. 41-80, et « The Quaestiones in Primum librum Sentenliarum of Andreas de Novocastro, O.F.M. » , ibid., 59 (1992), p. 289-318 ; datation de la lectura d'Ascensius et de Jean, p. 300-301 et note 30 ; L. KACZMAREK,« 'Notitia' bei Peter von Ailly, Sent. l, q. 3. Anmerkungen zu Quellen und Textgestalt. », dans Die Philosophie im 14. und 15. Jahrhunderl. In memoriam Konstanty Michalski (1879-1947), hrsg. von O. Pluta. Amsterdam, B. R. Grüner (coll. « Bochumer Studien zur Philosophie », 10), 1988; p. 385- 420, souligne quelques aspects de la critique de Ripa par Pierre d'Ailly ; « Vitalis immulatio. Erkundungen zur erkenntnispsychologischen Terminologie der Spatscholastik », dans Mathesis rationis. Festschrift für Heinrich Schepers, Munster, Nodus Publikationen, 1990, p. 189-206, il examine la notion ripienne de transmutation vitale et montre sa présence chez plusieurs auteurs du XVe siècle. Concernant plus particulièrement les polémiques avec Ascensius, cf. Z. KALUZA, « La nature des écrits de Jean de Ripa », Traditio, 43 (1987), p. 257-298. M. Hoenen, cité plus loin, note 80, découvre l'influence du franciscain sur la doctrine des Idées divines de Marsile d'Inghen. La datation des écrits de Jean de Ripa proposée à différentes occasions soit par les éditeurs, soit par des études doctriales, doive être reconsidérées à la lumière de dernières constatations de Mme Tachau.].
Après avoir publié, en 1990, un résumé du Prologue au Premier Livre des Sentences de l'Italien, Francis Ruello nous offre un épais résumé du 1er Livre de son Commentaire [F. RUELLO, op. cit., p. 9 : « Le genre littéraire de ce que l'on offre ici est donc celui du résumé ». Voir du même auteur La pensée de Jean de Ripa OFM (XIV' siècle). Immensité divine et connaissance théologique, Fribourg (Suisse), Éditions Universitaires Paris, Éditions du Cerf, 1990.]. Le texte du Commentaire n'étant pas à ce jour édité, le résumé est fait à partir du manuscrit Vat. lat. 1082. Puisqu'il est impossible de résumer ce résumé et de présenter rapidement un ouvrage de plus de neuf cents pages, je rappelle simplement que le livre suit les distinctions des Sentences et que sa matière est, par conséquent, celle du texte commenté. Bon pédagogue, F. Ruello introduit son lecteur dans l'ensemble de la problématique théologique du franciscain, en allant du Principium (Quaestio de gradu supremo) au Prologue, et du Prologue aux Determinationes, pour terminer avec le Commentaire qu'il résume. Ce même sens de pédagogie lui a dicté de préserver la structure propre des questions ; le lecteur voit donc l'architecture du Commentaire, ainsi que l'articulation et la logique interne de chacune des questions. Car, il faut le souligner, ce nouveau livre ne refait pas en français ce qu'André Combes a jadis publié en latin, les extraits limités aux titres des questions et des articles et aux conclusions [JEAN DE RIPA, Conclusiones, publié par A. COMBES, Paris, Vrin, 1957.]. Il est tout simplement une présentation de la problématique du Commentaire ripien et un guide dans les difficultés du texte.
Cela étant, il est légitime de nous poser la question de savoir ce qu'est la théologie naturelle d'après Jean de Ripa et en quoi elle se distingue de tant d'autres vues sur la théologie [A quatre reprises, si je ne m'abuse, F. Ruello est revenu sur le sujet : dans la partie finale de La pensée de Jean de Ripa, p. 181-198, et dans une auto-recension (Recherches de science religieuse, 82, 1994, p. 385-387) où cette théologie naturelle est identifiée avec l'œuvre de Jean de Ripa ; dans « La théologie naturelle de Jean de Ripa », Collectanea franciscana, 60 (1990), p. 595-614, et dans le livre portant le même titre, qui diffèrent par la rédaction.]. L'avis autorisé est donné dans un chapitre de l'Introduction, intitulé lui aussi « La théologie naturelle.) (p. 20-41). La lumière de la raison est l'instrument dont dispose un théologien « pour dépasser le niveau de l'adhésion » à des vérités crues et pour « accéder à celui de la science » théologique (p. 36). Tout en étant naturel, l'habitus théologique acquis dans la lumière de la raison est « irréductible à ce qu'est la théologie des Noms divins de Denys, comme l'ensemble des vérités révélées aux Pères et conservées dans le Canon des Écritures en tant que telles. Selon Jean de Ripa, en effet, la simple croyance (pura credulitas, pura fides) en leur révélation ne permet pas à l'étude dont elles sont l'objet d'engendrer un habitus évident, à moins que n'apparaissent un signe surnaturel ou même une nouvelle révélation induisant un assentiment évident à leur révélation. Si cela se produisait, leur étude en lumière naturelle engendrerait un habitus proprement scientifique ... Contredistinguée ainsi de cette théologie, la 'théologie' à laquelle pense Jean de Ripa est 'naturelle' » (p. 37). Opposée à celle de Denys, la théologie naturelle est donc « la connaissance évidente en lumière naturelle - connaissance obtenue par l'étude - de nombreuses choses contenues dans l'Écriture » (p. 37-38). Elle implique « des notions de lumière naturelle, de discours et d'évidence ». Et Jean de Ripa est un docteur qui désire « élaborer à partir de l'Écriture une théologie naturelle », comme « l'ensemble de son œuvre l'atteste » (p. 38).
Je suis d'accord avec F. Ruello, lorsqu'il affirme que Jean de Ripa désire réaliser une théologie naturelle et qu'il la construit comme telle. Je ne suis pas d'accord quant à l'interprétation de l'article 3 de la Question VII, qu'il prend pour son point de départ. Cet article, qui demande s'il est possible que l'étude de l'Ecriture engendre un habitus proprement scientifique, aboutit à poser rapidement - le sujet ne semble pas sans danger : quoniam nec materia videtur hodie multum grata - la question du fondement de la foi et de la théologie. En admettant que l'étude des vérités révélées peut engendrer un habitus scientifique, Jean de Ripa remarque qu'il ne sait pas encore si un tel habitus est théologique ou non, car cela dépend dans quel sens on entend le mot « théologie ». Il en donne deux exemples, (1) de la théologie naturelle qui regarde les vérités contenues dans l'Écriture, et (2) d'un ensemble des vérités révélées aux Pères et, puisque révélées, renfermées dans un canon, comme l'est la théologie des deux premiers chapitres du De divinis nominibus (potest sumi: vel pro theologia naturali […] ; vel pro veris revelatis patribus et in canone reseratis, secundum quod revelata sunt a Deo). Les vérités de l'Écriture sont donc accessibles à la raison naturelle, thèse proche de celle de Duns Scot. En revanche, les vérités révélées aux Pères et gardées dans un canon qui n'est pas celui de l'Écriture, sont soit crues, soit confirmées par un miracle, cause d'un assentiment évident. A mon avis, dans l'article en question, Jean de Ripa oppose, à la manière de son époque, les vérités de l'Écriture aux vérités de la Tradition (ou des traditions théologiques), et cette opposition semble le déranger. La théologie naturelle ne peut concerner que les vérités connues par l'Écriture, c'est sur elles et seulement sur elles que porte la spéculation : et sic habens notitiam evidentem in lumine naturali de multis contentis in sacra scriptura potest ex studio in ipsis acquirere habitum theologicum naturalem [Pour tous les textes cités, cf. JEAN DE RIPA, Lectura super Primum Sententiarum. Prologi quaestiones ultimae, édition critique par Mgr André COMBES avec la collaboration de F. RUELLO, Paris, Vrin, 1970, p. 452, 22-455, 45, et plus particulièrement p. 454-455. Il me semble que le livre recensé ici ne mentionne (p. 37) que deux théologies. Cependant, l'article intitulé « La théologie naturelle de Jean de Ripa », p. 601, affirme, à propos du même article 3, l'existence des « trois types de théologie possibles in via : celle qui est construite sur le modèle des Noms divins, c. 1 et 2, de Denys, la théologie mystique telle que Denys et Robert Grosseteste la présentent, enfin la théologie naturelle ». Je ne vois pas quelle peut être la source de ces précisions.]. Les vérités révélées aux Pères n'étant de facto l'objet d'aucun enseignement et, par conséquent, d'aucune spéculation, elles ne peuvent être confirmées que par un miracle. Je pense, conséquemment, que le concept de la théologie naturelle implique nécessairement l'Écriture comme objet de la connaissance scientifique, et la raison naturelle (lumen naturale) comme méthode de les connaître.
Cependant, le problème posé par le beau titre du livre de F. Ruello se situe ailleurs : l'historien des doctrines est-il en droit de faire une généralisation portant sur l'ensemble des doctrines de Jean de Ripa à partir d'une remarque sur le nom équivoque de « théologie », remarque faite au hasard du texte et sans aucun engagement clair de la part de son auteur ? Est-ce qu'il peut le justifier ?
Quant à l'adversaire de Jean de Ripa, il est, on l'a dit, presque un inconnu.
Mgr Combes a analysé l'un de ses Principia, moi-même je me suis occupé à un moment de ses études à Paris, de tout ce qui pouvait avoir un lien avec Jean de Ripa. L'étude du P. Cesare CENCI apporte des informations nouvelles qui organisent autrement notre savoir et qui nous éloignent des polémiques parisiennes [Pour le Principium d'Ascensius, voir JEAN DE RIPA, Lectura super Primum Sententiarum. Prologi quaestiones 1 & II, édition critique par Mgr André COMBES, Paris, Vrin, 1961, p. XXIII-XXIV.]. En suivant l'ancienne tradition de l'Ordre (Barthélemy de Pise), C. Cenci attribue à Ascensius les Distinctiones, conservées dans un manuscrit de Bâle, une Ars praedicandi, un commentaire de l'Apocalypse conservé partiellement (pour les 10 premiers versets), un Commentaire des Sentences, et enfin les sermons. Du commentaire, Cenci connaît plusieurs principia et des citations fournies par un anonyme du ms. Vat. lai. 986, indiquées déjà par Mm. Tachau 68. D'autres références à Ascensius minor se trouve dans le ms. Troyes, Bibl. munic., 62, f. 85ra et 85rb, 189r, 209v. Comme le montrent les travaux de D. Trapp, lors de sa première lectura (1348-1349), Ascensius a été socius de Pierre de Ceffons et d'Hugolin d'Orviete, mais à ma connaissance seul le premier mentionne son nom. Les sermons sont conservés dans huit manuscrits, dont deux (Aix-en-Provence, Bibl. Méjanes 1312 et Florence, Bibl. Riccardiana 406), considérés comme principaux, sont décrits avec soin. Le premier, du début du XVe siècle, ne contient que les sermons d'Ascensius. Le second, de la moitié du XIVe siècle, a outre les sermons du franciscain, ceux du chancelier Robert de'Bardi et de Pierre de Cros, théologien de la Sorbonne et futur cardinal, le De puncto de Burley, etc. Ce mélange provient en grande partie de Paris, mais en partie aussi de la Toscane. En somme, C. Cenci restitue à Ascensius plusieurs dizaines de sermons et plusieurs écrits inconnus. Dans l'appendice il édite un sermon.


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