REVUE : REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS, 1997

Le livre que Francesco Beretta, enseignant-chercheur à l'Université de Fribourg, consacre à la publication de la correspondance de Mgr d'Hulst, introduit remarquablement ses lecteurs à l'histoire intellectuelle du catholicisme français à la fin du XIXe siècle. Les convictions et les lignes d'action du premier recteur de l'Institut catholique de Paris ressortent avec netteté de la longue introduction qui précède ses lettres (117 p.). Le principal souci de Mgr d'Hulst, selon les documents mis au jour par son biographe, fut de prouver par le mouvement la compatibilité de la science et de la foi, rudement mise en cause, à cette époque, par l'anticléricalisme du parti républicain, fortement teinté de positivisme. Les combats du recteur durent se livrer aussi à l'intérieur de sa propre Église : soupçonné de libéralisme, surveillé par les sulpiciens et les jésuites, pas toujours soutenu par les évêques responsables de son Institut, Maurice d'Hulst s'épuisa à la tâche et mourut à 55 ans.
L'introduction de F. Beretta restitue avec précision la complexité de cette figure aristocratique. A la fois monarchiste et libéral, d'Hulst ne suivait qu'à contrecœur les directives pontificales recommandant le ralliement des catholiques français au régime républicain, et le cardinal Rampolla, secrétaire d'État de Léon XIII, n'appréciait pas ses interventions antigouvernementales à la Chambre. Successeur de Freppel dans la troisième circonscription de Brest, ce prélat fin et distingué semblait en effet reprendre, contre la République, les accusations de son bouillant prédécesseur.
En revanche, si l'on considère l'action de d'Hulst en faveur des sciences religieuses, on le trouve attentif aux travaux de Duchesne et de Loisy. Fortement critiqués dans les milieux ecclésiastiques, ces deux prêtres devront au bout du compte quitter l'Institut catholique, le premier par le biais d'une opportune mise en congé, le second dans des circonstances pénibles qui aboutirent à sa rupture avec le recteur, après des échanges de lettres dont Loisy, plus tard, regrettera l'inutile dureté. Ces pages de l'histoire du catholicisme français sont restées vives dans sa mémoire. L'impeccable érudition de Francesco Beretta les éclaire d'un jour nouveau, notamment grâce aux dépouillements systématiques effectués dans des fonds d'archives privés et à une reconstitution minutieuse de la bibliographie du recteur (p. 459-487). Placé en amont des classiques travaux d'Émile Poulat, ce livre constitue un immense progrès par rapport à la biographie de Maurice d'Hulst par Alfred Baudrillart, contraint à une réserve désormais sans motif. Il ouvre, de manière prometteuse, un vaste chantier que Francesco Beretta se propose d'explorer dans les années à venir.