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PLOTIN ET LACAN. LA QUESTION DU SUJET

PLOTIN ET LACAN. LA QUESTION DU SUJET

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Date d'ajout : mercredi 02 février 2011

par Christophe Chaperot

L'évolution psychiatrique 74 (2009) 474-476

De l'extimité des profondeurs. À propos de ... « Plotin et Lacan, la question du sujet » de Serge Tribolet
Serge Tribolet propose une lecture croisée de Plotin et de Lacan en mettant un accent particulier sur une convergence de conception des deux auteurs que l'on peut résumer ainsi : ce que nous concevons comme profondeur de notre être nous est en vérité extérieur.
Plotin, né en Égypte en 205 et mort à Rome en 270, bien que fondateur de la pensée néo-platonicienne, n'est cité à aucun moment par Lacan 1 qui pourtant se référait volontiers à Platon, et l'auteur souligne d'autre part qu'aucun rapprochement n'avait été tenté jusqu'alors entre Plotin et Lacan, ce malgré des similitudes troublantes de leurs deux pensées.
Le système plotinien repose sur trois hypostases, respectivement l'âme, l'intellect et l'Un. L'âme représente la part sensible de l'être, elle peut grossièrement correspondre à la conscience qui perçoit des données sensibles telles celles du corps (satisfactions, etc.), mais aussi des données issues de l'intellect sous la forme des «intelligibles ». Ici, dans cette double possibilité offerte à l'âme, (s'ouvrir aux intelligibles ou à la sensibilité corporelle) se dessine l'éthique selon Plotin, quien bon néo-platonicien situe le bien du côté de l'intellect, les intelligibles constituant des fragments perceptibles de l'intellect qui est lui-même le reflet altéré du Un.
L'intellect, par ailleurs, forme un savoir infini qui ne s'acquiert ni par la démonstration ni par tout autre raisonnement, mais par la contemplation du Un.
Le Un, indivisible par définition, ne peut se dire, car « se dire » nécessiterait qu'il se dédouble en un processus réflexif, ce dédoublement n'étant pas compatible avec son caractère d'unité pure, cela en fait une forme, ou une entité, hors langage. Le Un se répercute dans l'intellect sous forme des intelligibles qui eux-mêmes s'expriment au sein de l'âme, si toutefois cette dernière s'y destine. On note deux paliers d'altération, pour ne pas dire de castration : le Un comme totalité donne l'intellect comme écho de lui-même, mais comme écho diminué, altéré, amputé.
li en va de même lors du passage, si l'on peut dire, de l'intellect vers « l'âme séparée » (séparée du corps) via les intelligibles : l'intellect s'exprime de manière tronquée, tronquée par le langage. Le parallèle avec la pensée de Lacan est évident, bien qu'à nuancer (voir à la fin de ce texte).
Les intelligibles ne s'atteignent que par méditation, ou contemplation, dans un mouvement de réceptivité engagée (éthique), hors tout mouvement volontariste ou de maîtrise déductive, hors toute logique démonstrative. li s'agit d'une ouverture de soi à l'univers « ex-time », ce qui s'oppose radicalement à la pensée cartésienne du cogito. En effet, le sujet n'est plus en cette acception engagé volontairement dans un acte de penser à partir de lui-même, mais est guidé dans sa pensée par des éléments qui lui sont extérieurs. Le « je pense » est de fait interrogé en tant que « qui pense? ». On retrouve ici toute une thématique chère à Lacan, comme à un Nietzsche, Heidegger ou Foucault
Ainsi, le « je pense » est non pas, dans cette perspective, volonté réalisée mais ouverture à une transcendance qui en quelque sorte, préexiste au sujet, le constitue, l'enveloppe.
« Il n'y a pas de psychogenèse » posait Lacan parmi ses aphorismes, à côté de « La femme n'existe pas » et« ne pas céder sur son désir ». La réfutation de la possibilité d'une psychogenèse repose très précisément sur une conception de l'Inconscient « ex-time », opposée à celle d'une intimité historique constituante. L'inconscient ne se trouve pas dans le sujet à la façon d'une accumulation d'introjects et de traces refoulées (même si cela en compose une part), mais le sujet est pris dans l'inconscient qui le constitue. Cela se retrouve chez Freud pour qui il existait, au-delà de toute ontogenèse, une réalité phylogénétique de l'inconscient, ce qui se prolonge des possibilités de transmissions transgénérationnelles, de cryptes, etc.
Ainsi l'inconscient apparaît comme dépôt de langage, un « ça pense », lieu où un sujet « est pensé » bien plus qu'il accomplirait cette action dans une intention assurée.
Cette conception psychanalytique est très plotinienne ! Le sujet ne produisant pas les intelligibles mais les recevant Et toute l'éthique de Plotin repose sur l'orientation choisie par l'Âme, entre se tourner vers les immédiates satisfactions du monde sensible ou se maintenir disponible à accueillir les « intelligibles », eux-mêmes issus du « Un »? Dans cette optique, pour Lacan, et je cite ici Serge Tribolet : dans une analyse il ne s'agit pas tant de conduire un sujet vers sa vérité que « de déduire le sujet d'un savoir dont il ignorait être le dépositaire ».
Un autre trait marquant de convergence des optiques plotiniennes et lacaniennes se retrouve dans leur conception du langage. Pour Plotin, le langage introduit une rupture, une division, entre « perception de pensée » et « pensée indicible qui se pense elle-même » : ce qui émane du « Un » sous forme d'intelligibles et qui nécessite la médiation « appauvrissante » du langage pour imprégner l'âme.
Plotin posait ainsi une castration, il ne lui restait plus qu'à en déterminer la perte sous forme de l'objet ! Ceci étant, une différence subsiste, de taille : Lacan impliquait le corps et la jouissance dans le processus de perte et de castration, une immanence bien éloignée de la pure transcendance plotinienne : le corps est au centre de la visée psychanalytique. Autre petit point de désaccord relatif avec l'auteur: sa conception de la phénoménologie et de « l'intention » superposable par lui à une démarche moïque et volontariste. Or, on peut penser à l'inverse, l'intention et la pratique de l'Epoché. le refus de tout savoir préalable pour se centrer sur les données immédiates de la conscience comme une position de « réceptivité » plus que « d'agentivité ».
Au total, un livre original et dense qui forme un pont épistémologique remarquable entre un Plotin pensant ou étant pensé, en 250 après J,-C. et un Lacan inspiré du xxe siècle.
Serge Tribolet dans son ouvrage milite pour un recentrage de la pensée psychiatrique sur la pensée grecque antique, sur la philosophie, il écrit dès la page 12 « dans l'exercice qui est le mien, la psychiatrie, je dis qu'une certaine défaite de cette discipline comme celle de la psychologie contemporaine est liée à cette même cause, d'avoir rompu les liens avec la pensée grecque ».


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