Cet ouvrage constitue les Actes du deuxième colloque international d'Études patristiques d'expression française, qui s'est tenu à Tours du 11 au 13 septembre 2000, sous les auspices de l'Université de Tours et de l'institut catholique de Paris. Les trente-six contributions ici rassemblées sont réparties en huit sections.
- I. Mémoire des origines et historiographie : E. NORELLI montre comment la mémoire des origines chrétiennes fonctionne chez Papias et Hégésippe, cités par Eusèbe ; Fr. PASCHOUD propose une série de réflexions sur le problème de la fiction en historiographie ; G. DORIVAL présente l'argument de la réussite historique du christianisme, présent en particulier chez Origéne, Eusébe et Théodoret, et en recherche les origines ; M. QUESNEL et S.-CL. MIMOUNI posent la question de la valeur historiographique du diptyque lucanien, en particulier des Actes des Apôtres : « Luc l'historien est aussi… Luc le théologien, un auteur qui fait de la théologie non pas en forme de discours, mais en forme de récit » (M. QUESNEL, p. 66) ; Fr. BLANCHETIÈRE dégage l'importance de l'année 135 dans l'évolution respective de la synagogue et du christianisme.
- II. L'histoire militante, hérésiologie et hagiographie : É. JUNOD montre que l'auteur des Actes de Jean à Rome a puisé dans le livre III de l' Histoire ecclésiastique d'Eusébe une grande partie des éléments traditionnels qu'il remploie ; s'intéressant à l'histoire des hérésies chez les hérésiologues, H. INGLEBERT établit que « la première histoire chrétienne… fut celle des hérétiques, commencée avec Justin vers 150 » (p. 123) et montre comment, dans les années 375- 390, le concept chrétien d'hérésie fut projeté rétroactivement sur les croyances religieuses juives ou païennes et sur les doctrines philosophiques ; Ch. KANNENGIESSER propose une présentation de l'Histoire des Ariens d'Athanase ; G. Chr. HANSEN précise la place qui est faite au monachisme dans l'historiographie de l'Église ancienne ; M.-A. VANNIER montre que la Conférence XVIII de Jean Cassien, plutôt que de proposer une historiographie du monachisme égyptien, est tout orientée vers la valorisation des anachorètes, présentés comme des icônes de la vie monastique ; P. LAURENCE dégage la part de l'histoire dans la Vie de sainte Mélanie.
- III. Eusèbe et ses continuateurs : D. GONNET étudie l'acte de citer dans l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe : le cadre et les sources des citations, leur autorité et le sens que revêt l'acte de citer ; D. MENDELS étudie le rapport d'Eusèbe à ses sources à partir du cas particulier de Flavius Josèphe ; Fr. THÉLAMON précise le projet historiographique d'Eusèbe et de Rufin : en fixant la mémoire des origines de l'Église puis des péripéties qui ont permis d'aboutir à la situation du moment où ils écrivent, ils ont élaboré un « savoir partagé » qui a permis à la communauté chrétienne de prendre conscience d'elle-même en connaissant son passé ; P. Fr. BEATRICE s'intéresse à la réception des Histoires ecclésiastiques grecques dans l'Occident latin, de Rufin à Cassiodore ; G. TUGENE montre en quoi l'Historia gentis Anglorum de Bède le Vénérable est une historia ecclesiastica.
- IV. Les historiens ecclésiastiques grecs du 5e siècle : deux contributions sont consacrées à l'historien Socrate : M. FÉDOU analyse son récit de la controverse origénienne, tandis que P. MARAVAL fait le point sur sa culture grecque ; G. SABBAH présente l'image de la politique religieuse des Valentiniens que Sozomène entend donner à ses lecteurs. L'Histoire ecclésiastique de Théodoret de Cyr fait l'objet de trois communications : J. BOUFFARTIGUE étudie les questions que posent les citations de documents d'origine diverse faites par Théodoret ; J.-N. GUINOT précise la place et le rôle de l'histoire événementielle dans l'exégèse de Théodoret ; A. MARTIN montre comment l'évêque de Cyr envisage l'origine de l'arianisme. M. WALLRAFF analyse les diverses présentations du conflit de Jean Chrysostome avec la cour que donnent les historiens ecclésiastiques grecs. L. PIÉTRI indique la part respective qui est attribuée à Constantin et à Hélène, dans les travaux entrepris sur le Golgotha, par Socrate, Théodoret et Sozomène.
- V, Chronique et histoire : Y.-M. DUVAL retrace l'initiation de Jérôme à l'histoire de l'Église du 4e s., dégage les lignes de force de sa Chronique et montre que le jugement de Jérôme sur les empereurs chrétiens et leur rôle s'est en partie modifié, tandis que ses exigences envers les chefs des églises et les fidèles demeuraient intactes. Jérôme « a implicitement esquissé la représentation de l'Église selon ses vœux ; il nous a surtout, sans se mettre directement en scène, donné une histoire et un portrait de lui-même, par les choix des événements qu'il a mentionnés ou tus, par les jugements, explicites ou implicites, qu'il a formulés ou laissé entendre » (p. 408). B. JEANJEAN étudie les mutations de la matière historique chez Jérôme, de la Chronique à la Consolation à Héliodore (Epitl. 60). St. RATTI reprend la question des sources de la Chronique de Jérôme. D. BERTRAND fait la part de l'historiographie et de l'exégèse dans les Chroniques de Sulpice Sévère. B. LANÇON précise la contribution à l'histoire de l'Église de la Chronique de Marcellin d'Illyricum (aussi appelé Marcellinus comes), un des quatre continuateurs connus de la Chronique de Jérôme.
- VI. L'histoire au service de la pastorale el de la théologie : M.-A. CALVET-SÉBASTI analyse la manière dont Grégoire de Nazianze présente 1' « affaire de Sasimes », cette bourgade de Cappadoce que Basile éleva au rang de siège épiscopal pour l'attribuer à son ami, pourtant réticent. E. SOLER montre que l'utilisation de l'histoire de l'Église d'Antioche au 4e s. par Jean Chrysostome s'inscrit dans une perspective eusébienne, de démonstration de la légitimité et de l'autorité de l'Église chrétienne sur Antioche face à ses ennemis de l'extérieur, les Grecs et les Juifs. A. LE BOULLUEC montre que, si l'historiographie a été, pour Justinien, un instrument au service de sa politique, l'empereur a su utiliser les instruments d'une saine méthode, en particulier le recours aux archives, la critique d'authenticité, la comparaison entre les divers documents, et les sources.
- VII, L'Église d'Éthiopie : J.-N. PÉRÉS analyse une page de l'histoire de l'Église d'Éthiopie, telle qu'elle est relatée dans une lecture du synaxaire. G. LUSINl présente les traditions historiographiques de l'Église axoumite.
- La dernière section reprend le texte de la conférence publique que M. VALLERY-RADOT a consacrée à Cyprien de Carthage, « un Père de l'Église à la pensée moderne ». Comme le souligne M. QUESNEL dans la Préface, une des originalités de cette publication est de faire éclater certaines frontières : entre l'exégèse biblique et les études historiques, entre les aires linguistiques grecque, latine et sémitique, et entre les différentes façons d'écrire l'histoire : histoire proprement dite, historiographie, récit de mémorialiste, hagiographie, histoire littéraire, entreprise apologétique, etc. (p. XIV-XV). B. POUDERON annonce que le troisième colloque international d'Études patristiques d'expression française aura lieu à Paris en septembre 2004 et qu'il portera sur les liens entre la physiologie et la théologie dans les domaines de l'anthropologie et de la morale.