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TH n°115 UNE CHAIR POUR LA GLOIRE. L'ANTHROPOLOGIE RÉALISTE ET MYSTIQUE DE TERTULLIEN

TH n°115 UNE CHAIR POUR LA GLOIRE. L\'ANTHROPOLOGIE RÉALISTE ET MYSTIQUE DE TERTULLIEN

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Date d'ajout : mercredi 07 octobre 2015

par Paul MATTEI

REVUE : THÉOPHILYON, 2003, VIII-2

Par ce gros livre J. A. donne au public la thèse qu'il a rédigée sous la direction de Yves-Marie Duval, professeur (émérite) de littérature latine tardive à l'Université de Paris X-Nanterre, et soutenue en décembre 2000. La publication est survenue quelque dix mois après la soutenance, et elle reproduit in extenso (à quelques détails près, dont deux que nous retrouverons) le texte soumis au jury.
L'auteur de ces lignes était au jury. Il a hésité avant de les écrire. Il ne s'y est résolu que parce que le travail de J.A., tel que finalement diffusé, provoque de l'embarras.
L'ouvrage porte un beau titre, une épigraphe plus belle encore (Caro cardo salutis, « La chair est la charnière du salut », Res. 8, 2). Sa visée n'est pas inexacte : il entend montrer comment pour Tertullien c'est l'homme entier, jusque dans son corps, qui est créé en vue de Dieu, et que cette idée renferme l'un des paradoxes majeurs du Carthaginois - lequel fut rigoriste, mais par respect pour un corps promis à si haute destinée, et dont la valeur exige qu'il soit respecté.
Il s'agit là, au sens précis du mot, d'une « thèse », dont l'examen donne lieu à une enquête thématique, en quatre parties :
- une logique : le réalisme;
- une théologie : la création;
- une anthropologie : la chair et l'âme ;
- une mystique : la chair et l'âme dans l'Esprit.
Tant de pages montrent un commerce étroit avec la totalité de l'œuvre de Tertullien. Au-delà de leur objet propre (l'anthropologie), elles brassent une foule de problèmes importants dans cette œuvre (en matière de morale par exemple, dans la dernière partie). L'auteur a pour Tertullien une sincère sympathie : attitude qui est, comme l'on sait, le gage d'une compréhension en profondeur. Ces qualités, évidentes, ne vont pas sans revers,
Revers dans les perspectives.
Si le titre est beau, le sous-titre est moins heureux : l'adjectif « mystique » paraît flou, mis qu'il est de nos jours à bien des sauces. Détail…
Tout à sa sympathie, l'auteur sacrifie peut-être un peu trop au concordisme et à l'excuse : car, sans tomber dans les godants d'un « antitertullianisme » aussi puéril qu'anhistorique, force est de constater que, même si au long de sa carrière il évolua peu, l'Africain fut complexe, voire contradictoire, et que trop souvent il heurte, et aime à heurter, par ses boutades à l'emporte-pièce et la raideur de sa posture… J.A. trace une image, flatteuse, de Tertullien « philosophe ». Là-dessus, deux observations : on ne peut, d'une part, opposer le « philosophe Tertullien » au « théologien Irénée », pour cette bonne raison que l'opposition philosophie/ théologie ne vaut pas pour les paléochrétiens ; et je doute, d'autre part, que les quelques réflexions de Tertullien en matière de gnoséologie aillent plus loin que de simples remarques de sens commun.
Une foule de problèmes se trouve brassée : il semble révélateur que le terme clé de la troisième partie soit celui du sous-titre du livre. Mais du coup l'immense ampleur des questions abordées fait que plusieurs aspects sont à peine effleurés. Et des aspects essentiels au sujet. Je ne pense pas qu'on puisse, aussi vite qu'il est suggéré p. 160s., réduire à l'unité les conceptions tertullianéennes sur l'homme image de Dieu : les développements de l'Aduersus Marcionem II (qui ne décèlent l'imago Dei que dans l'âme) et ceux du De resurrectione (qui placent l'imago dans le corps) ne se concilient pas d'emblée, et l'interprétation que le Carthaginois donne ici et là de Genèse, 1, 26 est diverse ; ou plutôt, la conciliation qu'on finit par apercevoir permet de dessiner une anthropologie plus riche, dans ses thèmes et ses sources, que ne le soupçonne J. A. Celui-ci ne cherche pas non plus si l'ange est comme l'homme « à l'image », et, sinon, pourquoi : interrogations moins étranges qu'il n'y paraît, car leur solution donne de mesurer la place que Tertullien assignait à l'homme dans la création. (Sur Gen. 1, 26 chez Tertullien et l'ange à l'image, ou non, de Dieu, voir Mattei, in Augustinianum 41, 2001, p. 291- 327.)
Déficiences dans la mise en œuvre. L'auteur cite beaucoup Tertullien, beaucoup moins les autres Anciens, et rarement les Modernes.
Quant aux Anciens, il se prive, en les citant peu, d'une démarche comparative, la seule éclairante en histoire. Et, à ce point, surgit une nouvelle question. Irénée affirmait déjà, inlassablement, contre les gnostiques et contre Marcion, que la chair fut créée par Dieu en vue de lui: où donc au juste situer l'originalité de Tertullien ? En partie sans doute, et selon une expression de Daniélou, dans « l'explicitation de l'ordre de l'âme ». J.A. ne fait qu'évoquer cette différence entre l'Africain et le Lyonnais (p. 334- 335).
Quant aux Modernes, l'auteur, bien sûr, propose une Bibliographie ; il a lu, ou parcouru, les études qu'elle retient : cela se sent. Mais d'ordinaire il se borne à nommer trois ou quatre savants de premier plan (d'Alès, Braun et Moingt). Ce parti est cavalier. Car les points traités par J.A. ont été explorés avant lui, et maintes fois. L'éthique de la recherche veut que l'on rende à chacun ce qui lui revient.
Pour Tertullien, il est cité largement. Trop largement Et de singulière façon. Moins oublieux qu'il ne l'était dans la version dactylographiée, l'auteur déclare (p. 7, n. 1) avoir repris « assez systématiquement les textes édités et traduits dans la collection Sources chrétiennes et la traduction du De resurrectione mortuorum par M. Moreau » (celle-ci dans la collection « Les Pères dans la foi » ; la locution « assez systématiquement » est une clause de style). Il a donc tourné lui-même en français les extraits des traités restants, et pour cet exercice il s'est fixé des règles. Il vaut la peine d'en copier quelque chose : « Notre but n'est jamais de rendre compte de l'éloquence…, mais du sens intellectuel. Serrer au plus près les concepts, les articulations logiques, la construction de la pensée… veut souvent dire en négliger la forme, accepter même qu'elle paraisse maladroite ou incorrecte. Ce choix s'impose pourtant dès que l'intelligibilité du fond peut y perdre » (p. 7). Plaidoyer manqué : en fait, aux gaucheries de forme, seules avouées, s'ajoutent d'innombrables fautes de sens. Je n'ai ni la place ni le goût de motiver ce jugement, et l'on voudra bien me croire sur parole : les vérifications menées sur le texte, par exemple, du De anima font voir un monceau d'erreurs syntaxiques et de méprises en tout genre ; et cela il l'insu du lecteur, puisque la version imprimée, contrairement à la version dactylographiée, ne fournit pas le latin. Par économie, sans doute. Curieusement, du reste, ces taches ne déteignent pas sur la portée des analyses : preuve que des citations aussi étendues ne s'imposaient pas. Signe également que la méthode qui consiste à disserter sur des idées sans analyser un langage laisse beaucoup de jeu.
Il y avait de l'intérêt à publier cette synthèse. Mais la hâte de la publication a empêché de prendre en compte, au moins, trois conditions : resserrer (élaguer les considérations peu utiles - ainsi dans la première partie -, et tailler dans les textes longs et nombreux), renvoyer plus continûment à la « littérature secondaire », redresser les traductions vicieuses. C'est d'abord à ce prix, peu élevé, que le livre aurait rendu tous les services escomptés. Ceux que l'on tirera d'une étude contemporaine, d'objet mieux cerné : Jeronimo Leal, La antropologia de Tertuliano, Estudio de los tratados polémicos de los anos 207-212 d.C. Rome 2001 (Studia Ephemeridis Augustinianum 76).


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