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TH n°115 UNE CHAIR POUR LA GLOIRE. L'ANTHROPOLOGIE RÉALISTE ET MYSTIQUE DE TERTULLIEN

TH n°115 UNE CHAIR POUR LA GLOIRE. L\'ANTHROPOLOGIE RÉALISTE ET MYSTIQUE DE TERTULLIEN

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Date d'ajout : mercredi 07 octobre 2015

par R�gis DOUMAS

REVUE : LUMIÈRE ET VIE, janvier 2003

L'ouvrage de Jérôme Alexandre, Une chair pour la gloire. L'anthropologie réaliste et mystique de Tertullien, est une de ces bornes milliaires, qui jalonnent, périodiquement, les études tertullianistes. Cette œuvre, en effet fera date comme celles de Joseph Moingt pour la théologie trinitaire et de René Braun pour le vocabulaire théologique ou, il y a trente ans, le travail de Jean-Claude Fredouille sur l'enracinement de Tertullien dans la culture antique. Toutefois, l'avantage de l'œuvre de Jérôme Alexandre est qu'elle nous place au cœur de la pensée du grand carthaginois. Nul doute, le salut de la chair est une affirmation essentielle du christianisme. Mais, il est vraiment l'axe, le pivot (cardo), de la foi de Tertullien.
Plutôt que de rendre compte de l'organisation de l'ouvrage, divisée en quatre parties parfaitement articulées : une logique, le réalisme/une théologie, la création/une anthropologie, la chair et l'âme/une mystique, la chair et l'âme dans l'Esprit, je préfère pointer trois développements, décisifs, de la démonstration.
Malgré les études les plus savantes et les mieux documentées, il n'est pas rare d'entendre, même de la bouche de doyens de faculté de théologie, que Tertullien n'est qu'un fanatique, ennemi de la raison, autrement dit une victime du soleil africain ! D'entrée Jérôme Alexandre s'inscrit en faux contre ce vieux poncif : « Parmi tous les écrivains, païens ou chrétiens, de l'Antiquité, Tertullien se distingue, en dehors de la portée intellectuelle exceptionnelle de son œuvre, du seul fait de sa tournure d'esprit et de son style, tout à fait uniques. Son goût de l'ordre, l'usage rigoureux à l'extrême, systématique, qu'il fait de la raison, le caractérisent à notre avis plus que tout autre trait de sa personnalité. Autant que l'adhésion à une valeur intellectuelle, la rationalité semble inscrite en lui comme une donnée psychologique première » (p. 11).
Mais il ne s'agit pas là d'une simple affirmation liminaire. L'étude est poussée à fond. Jérôme Alexandre a l'immense mérite de donner à comprendre que le « réalisme » n'est pas un simple opportunisme, une sorte de bon sens, une pensée courte, mais un choix philosophique rigoureux, articulé, fondé, et qu'il est partout présent dans la pratique intellectuelle de Tertullien. Il montre, aussi, bien sûr, combien ce « réalisme » est proche de la pensée stoïcienne. C'est dans ce cadre que se comprend, ou du moins, s'explicite, le thème de la « corporéité » de l'âme. C'est aussi dans cette cohérence de pensée que se déploie l'étude du sensus, qui est au fondement de toute la gnoséologie de Tertullien.
Pour Jérôme Alexandre, il y a, chez Tertullien, comme une préparation philosophique à l'adhésion aux vérités bibliques du fait de sa culture stoïcienne. Il écrit, par exemple, dans la conclusion générale de l'ouvrage : « Préparé à cette conception de l'unité de l'être humain par sa culture stoïcienne, Tertullien reçoit d'autant plus fortement le même message, inscrit mot à mot dans l'Ecriture : la chair n'existe pas sans l'âme ; l'âme n'existe pas sans la chair. » (p. 519).
Le premier développement que je voulais pointer, c'est, donc, cette forte armature intellectuelle, largement héritée du stoïcisme, et que l'on retrouve partout dans l'œuvre de Tertullien. Le second concerne l'anthropologie.
Le contexte polémique de l'œuvre de Tertullien, cette lutte âpre et sans cesse reconduite contre les hérésies dualistes (Valentin, Hermogène, Marcion), a fait de lui un défenseur « attitré » de la chair et de l'unité de l'âme et de la chair. Cependant, Jérôme Alexandre montre bien que Tertullien n'est pas « moniste ». Tout au contraire, il y a chez lui, un très fort dualisme. Mais, et ce n'est pas un simple paradoxe, ce dualisme des deux substances, l'âme et la chair, est fondateur de leur unité dans l'homme. Chacune a son origine, son census. Chacune est res. Mais, elles sont l'une pour l'autre. Ayant cité un bref passage du De resurrectione mortuorum (40, 3) : « Ainsi le mot homme est-il une sorte d'agrafe qui tient liées ensemble les deux substances, puisqu'elles ne peuvent exister sous ce nom que dans leur assemblage », Jérôme Alexandre commente : « Le participe cohaerentes employé dans cette phrase et dont, nous avons fait les mots cohérence et cohésion dit plus que l'assemblage, il dit la nécessité de l'assemblage, la solidité de la cohésion, une union qui ne peut pas ne pas être. » (p. 295).
Retenons la leçon ! Tertullien est « dualiste », il affirme avec force la distinction de l'âme et de la chair, mais ce dualisme est au service de l'unité de l'homme. Bien sûr, certains diront : « Le voilà, votre Tertullien, tout en paradoxe, sans vraie pensée ». Quand on lit les analyses de Jérôme Alexandre, de telles critiques tombent comme vieil oripeau.
Le troisième des développements que je voulais pointer est le plus original. Jérôme Alexandre montre, dans sa quatrième partie, que Tertullien intègre fortement à sa pensée l'idée d'une communication permanente et très active entre le monde visible et le monde invisible. Et il relie cela à la conviction, très forte chez Tertullien, de l'imminence de la Parousie. C'est cette approche qui lui permet de situer les intransigeances, croissantes, de Tertullien sur le plan de la discipline par rapport aux fondements de sa pensée théologique.
Sur ces sujets, les opinions varient beaucoup. On ne peut pas nier les faits. Tertullien a adhéré à la Nouvelle Prophétie et cela l'a conduit à rompre avec la hiérarchie catholique. Mais, pour autant, faut-il parler d'un Tertullien catholique, puis semi-montaniste, puis montaniste ? C'est ce que met en question Jérôme Alexandre. Il n'hésite pas à écrire : « Il n'y a pas, à notre avis, une Tertullien catholique, un Tertullien semi-montaniste, puis un autre entièrement montaniste. Même adoucies par l'idée d'une gradation, ces catégories procèdent du besoin de situer un homme et une pensée par rapport à une limite tracée uniformément et d'un seul point de vue : celui de la continuité ecclésiale, trop vite confondue avec l'orthodoxie doctrinale. Elles peuvent faciliter le classement des œuvres dans une chronologie, mais elles n'ont que peu de choses à dire sur le fond. Le montanisme, en effet, s'apparente davantage à un état d'esprit, tout au plus à un courant de pensée, plutôt qu'à une organisation dissidente. Si Tertullien partage cet état d'esprit, il est « montaniste » avant même de connaître ce courant chrétien et de s'y référer » (p. 524).
C'est peut-être exagérer dans l'autre sens. Mais, ce qui est certain c'est que les fondements de la pensée théologique de Tertullien, et tout simplement sa foi, ne sont pas atteints par une évolution qu'il faudrait qualifier de « montaniste ». Sans doute Tertullien durcit-il ses positions. Et cela le conduit, ce n'est pas contestable, à une rupture. Mais l'essentiel est acquis depuis toujours et cet acquis n'est aucunement mis en cause dans les dernières œuvres. Pour ma part, je pense qu'il y a eu, aussi, conflit de personnes, mais cela, en raison du silence des sources, nous échappe totalement.
En tout cas, il faut souligner avec Jérôme Alexandre, qu'en donnant toute sa vérité. à la chair, en disant qu'elle est « réelle » et œuvre du Créateur, Tertullien l'inscrit dans le salut et que, donc, de toute nécessité, il existe d'elle la sainteté. Loin qu'il y ait contradiction avec cette « valorisation » de la chair, partout présente dans la théologie de Tertullien, ses exigences quant à la chair, que sont la chasteté, le jeûne ou le martyre, la renforcent sur le plan moral, que Tertullien lui-même préfère appeler la « discipline ».
En conclusion, il faut redire que ce travail de Jérôme Alexandre est une contribution de très grande qualité aux études tertullianistes et qu'il fera date. Aucun lecteur qui se veut attentif au carthaginois ne peut en faire l'économie.


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