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LA POLITIQUE DES RELIQUES DE CONSTANTIN A SAINT-LOUIS
[213044]

LA POLITIQUE DES RELIQUES DE CONSTANTIN A SAINT-LOUIS

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Date d'ajout : mercredi 11 mai 2011

par Bernard Rib�mont

Cahiers de Recherches Médiévales, 14, 2007

Deux grands événements marquent le champ chronologique de l'étude d’Edina Bozoky. Le premier est la fameuse « invention de la Croix » au IVe siècle, attribuée à Hélène, la mère de l'empereur Constantin. La Croix, qui sera le symbole des chevaliers du Christ, emblème des armées chrétiennes, est accaparée par les empereurs de Byzance : en leur palais, elle les protège, tout en soulignant leur pouvoir. Le second événement est l'acquisition par Louis lX, en 1238, de la Couronne d'épines du Christ, reçue à Sens et translatée en grande pompe par le roi lui-même à Paris, à Notre-Dame, puis dans une chapelle du palais royal, avant, en 1248, d'être à la Sainte-Chapelle. Le choix de Saint Louis est significatif : la prestigieuse relique n'est pas laissée en la cathédrale de Paris, mais son abri doit être dans le siège même du pouvoir. Ces deux bornes limitant dix siècles d'histoire sont emblématiques de la démarche d’E.B., dont le but est d'étudier de près comment au-delà du symbole religieux – certes fort – les reliques peuvent devenir des formes de regalia, comment elles sont des marqueurs du pouvoir royal ou impérial. Il s’agit donc de mettre en scène, selon l’heureuse expression d’E.B., une « politique des reliques». La réflexion de l’auteur se développe en cinq chapitres : 1) Reliques et intérêt collectif; 2) Le modèle byzantin; 3) Les reliques dans la sacralisation et la légitimation du pouvoir royal en Occident; 4) Les reliques, marqueurs du pouvoir territorial; 5) Les reliques dans la représentation et la mise en scène du pouvoir. C'est dès le IVe siècle que s'établit un rapport étroit entre les reliques et la stabilité sociale : les reliques bénéficient en effet à la communauté, apportant la paix, les bonnes moissons, etc. Le culte des reliques s’établit donc peu à peu dans la communauté chrétienne; la première mention d'un tel culte apparaît dès le IIe siècle, dans la Lettre sur la passion de Polycarpe. On commémore aussi le jour de naissance des martyrs. Mais une telle pratique ne s'intègre pas spontanément dans un cérémoniel reconnu; saint Augustin, par exemple, s'inquiète de telles cérémonies où il voit occasion à ripailles et, peut-être, des prolongations de coutumes païennes, telles que Raban Maur les dénoncera encore à l'époque carolingienne. Quoi qu'il en soit, et d’abord avec les modèles du Christ, puis de la Vierge, se cristallise l’idée que la virtus du saint se prolonge au-delà de la mort et se communique aux lieux, à l’espace, à travers son corps qui, de facto, est transfiguré par la béatitude de l’âme. C’est en Orient que, les premiers, des Pères, comme Cyrille, évoquèrent le pouvoir guérisseur des corps saints. Cette primauté originelle ne sera pas sans effet, puisque c'est à Constantinople que va se développer en premier lieu le culte des reliques et que se créera ainsi un « modèle byzantin », bien étudié par E.B. dans son deuxième chapitre. De la virtus du corps des martyrs, on passe, par 'propagation', à tout ce qui a concerné la vie du saint. C'est pourquoi l'objet revêt peu à peu autant d'importance que les restes corporels eux-mêmes, sur le modèle de la sainte Croix, de la Couronne d'épines ou des clous de la Passion. On arrive ainsi à une véritable hiérarchisation des reliques, avec au sommet, bien évidemment, les objets reliés à la vie du Christ, surtout à sa passion (clous, épines, morceaux de la Croix, 'véronique'), etc.
Cette importance des reliques établies, se pose la question de la possession des restes ou objets. On assiste d'abord à un mouvement 'privé', qui concerne les couches supérieures de la société désireuses de s'approprier des reliques. Mais, celles-ci étant de plus en plus marquées par leur pouvoir en faveur de l'intérêt collectif, elles devinrent, en particulier grâce à l'action des évêques, emblèmes devant être mises au service de la collectivité. Elles furent ainsi de plus en plus ressenties comme essentielles pour la paix et la stabilité du corps social : on passe ainsi progressivement d'un culte religieux, d'un culte de mémoire, à un culte intégrant une valence politique. La privation des reliques montre, negative, combien celles-ci sont devenues, au haut Moyen Âge, un ciment de la collectivité (cf. p. 38-42).
Une fonction particulière des reliques est donc d'assurer la paix et l’ordre social. Or, tel est le rôle premier dévolu au prince. On peut donc établir ici une véritable équation entre devoir du prince et pouvoir des reliques. Comme l’énonce E.B., « on peut suivre une évolution de l'époque de sainte Radegonde jusqu'au XIe siècle, où, dans le mouvement de la Paix de Dieu, la fonction pacificatrice de la royauté est complétée, voire quasiment remplacée, par celle des reliques» (p. 49). On pourrait ajouter un autre élément, qui renforce me semble-t-il la démonstration d’E.D. Il s'agit de ce que l'on a appelé 1'« augustinime politique» qui, jusqu'au XIe siècle, imprègne largement l'approche politique du pouvoir. Si en effet un des rôles premiers du prince est de conduire son peuple vers la Jérusalem céleste, il est clair que les reliques, véritable pont, à travers la virtus du saint, entre le siècle et l’univers transcendantal de Dieu, ont une importance première. On pourrait même voir, dans le cérémonial de la translation, l’image symbolique d'un mouvement du peuple vers Dieu, guidé par le messager direct de Dieu (les reliques) et le prince, garant terrestre de ce mouvement. Il me semble que l’un des exemples cités par l'auteur va bien dans ce sens : il s'agit de l'inscription Pax, Lux, Rex. Lex qui accompagne la représentation de la Croix dans des manuscrits de l’Apocalypse de Beatus. On retrouve bien l'association du roi avec la stabilitas regni, mais je verrais bien le symbole de la lumière associé aussi à l’élan vers le salut dans le Christ que doit impulser le rex et sa lex.
Intéressante, une des idées fortes de l'ouvrage, à savoir que la translation des reliques est mise en relation directe avec la translation du pouvoir (par ex. la translatio imperii). E.B. donne de nombreux exemples, en un sens positif, comme en un sens de la privation, qui appuient son hypothèse. Dès lors, et de plus en plus à partir de la période mérovingienne, les reliques et les cérémonies afférant à leur translation ou leur installation participent de la légitimation et de la sacralisation du pouvoir royal. E.B. parmi les très nombreux exemples sur lesquels elle s'appuie, montre le rôle joué par les reliques et leur symbole dans la légitimation du pouvoir capétien, justement en terme de transfert depuis les carolingiens (p. 153 et suivantes). J'ajouterai deux suggestions. La première concerne le rôle que le pouvoir a pu s'attribuer dans l'authentification des reliques; je pense tout particulièrement à Charlemagne qui, en 811, ordonne une enquête sur les translations de reliques, soupçonnant (à juste titre !) qu'elles étaient souvent motivées plus par des espoirs de juteuses affaires que par une foi irréprochable (cf. M.G.H., Capit., l, 72, p. 163). Du côté des cérémonies reliées au transfert des reliques, il serait peut-être intéressant de les comparer aux entrées royales capétiennes.
Voici donc un livre particulièrement intéressant, très documenté et balayant aussi un large espace de la chrétienté médiévale. Je regrette cependant que la part de la synthèse analytique puisse parfois apparaître trop restreinte par rapport au catalogue des exemples. J'aurais aimé plus de 'conclusions intermédiaires', à l'image de la conclusion de l'ouvrage, excellente par sa fermeté. Un autre regret : l'absence des sources 'littéraires' vernaculaires que sont les chansons de geste. Elles offrent aussi un témoignage important de l'imaginaire du pouvoir en relation avec les reliques (je pense en particulier au Pèlerinage de Charlemagne). Mais, en dépit de ce petit bémol, je ne peux que recommander la lecture de cet ouvrage qui propose de nombreux éléments sur le sujet et ouvre vers de nouvelles pistes de recherche, à la fois novatrices et riches de perspectives pour l'histoire politique et l'histoire des représentations.


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