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06. LE DIEU EXCENTRÉ. Essai sur l'affirmation de Dieu

06. LE DIEU EXCENTRÉ. Essai sur l\'affirmation de Dieu

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Date d'ajout : mardi 25 juin 2019

par XAVIER TILLIETTE

REVUE : ARCHIVES DE PHILOSOPHIE

Il y a bien des manières classiques d'aborder le problème de Dieu, depuis les cinq voies thomistes jusqu'au « Dieu qui vient à l'idée » de Descartes, d'Henri de Lubac et de Lévinas, à quoi l'on peut ajouter le Toi absolu de Gabriel Marcel, donc l'intersubjectivité, et bien entendu l'impact de la Loi morale avec son injonction irréfragable. Henri Laux, dans un ouvrage très dense, parfois abstrus, a choisi une démarche originale, un chemin escarpé et oblique. Ce n'est pas une démonstration à proprement parler, c'est une « disquisition », pour parler comme Claudel. Partant du constat de Dieu excentré, c'est-à-dire qu'il n'est plus le centre de tout et du discours, il cherche à le réintégrer dans les lieux du savoir et de la vie. Plutôt que des conditions d'accès en vue de réintroduire ce Dieu « éjecté »v(le mot espagnol desquiciado serait sans doute plus adéquat), l'auteur, inspiré par la mystique sanjuaniste et par Surin, établit le dispositif d'une« attente de Dieu Il au sens de Simone Weil. Moins l'attente d'une Révélation que l'approche par l'intériorité objective (Sciacca !) et la raison, dans l'interface de l'expérience humaine et du langage, car « Dieu est excentré dans les paroles ». Il est dit, nommé et finalement présent, et non pas caché, absent, rencontré, prouvé. Parmi maintes formules heureuses, certaines sibyllines, je relève celle-ci, particulièrement prégnante : « Dieu excentré est ce Dieu jamais maîtrisé mais jamais absent, qui s'affecte et s'engendre de nouvelles figures dans le langage des humains » (89). La méthode, encore une fois non démonstrative, prend le contre-pied des preuves habituelles. En effet elle consiste à ne pas nommer Dieu d'emblée, au risque de le faire évanouir, mais à le sortir de l'anonymat du discours où il est sis (53). Comment cela ? En utilisant les interstices et les embrasures aux confins des expériences « limitrophes », les brisures et les fractures du discours (on fracture beaucoup dans ce livre et on réduit les fractures). Un excentré ne se livre qu'à une recherche en lignes brisées. Rien qui ressemble à la « sphère infinie », rien à la docte ignorance du Cusain, ou aux noms divins de Raimond Lulle. Dieu, cet être ou ce point infiniment simple (29), demeure singulièrement apophatique, le tâtonnement est, comme dirait Kierkegaard, la condition.
Si cependant nous essayons de frayer un semblant de généalogie, c'est à Anselme et surtout à Augustin que volontiers nous nous référerions, à cause de l'écoute de plus grand que soi, car sous le comparatif modeste s'énoncent le quo nihil majus cogitatum et le superior summo meo. Néanmoins l'expression dénuée d'emphase atténue et fragilise le principe, l'absolu. Mais l'écoute où le discours conduit débouche sur l'invocation (G. Marcel), et l'invocation-interrogation a pour réponse l'impératif éthique, la loi morale. Celle-ci se schématise dans l'injonction: ne pas tuer (qui généralise et donc déforme le commandement lévinasien). On peut se demander si un impératif qui supporte tant d'infractions n'est pas la devise de la non-violence et du pacifisme plutôt que la marque de l'infini. En réalité ni la logique (pas de « logiciel divin », 29) ni l'éthique ne sont sans failles, et ne sont déterminantes pour restituer le Dieu excentré, introuvable. La pente secrète du livre est le mysticisme, Dieu est atteint par la longue traversée mystique qui inclut le mystère du mal. H. Laux ne s'attarde pas à cet « excès du mal » qui accompagne le cheminement et l'abandon du mystique; mais aux confins de la souffrance humaine, il suggère délicatement une forme de présence à soi qu'il appelle liberté, elle correspond à une sorte d'autonomie et de quant-à-soi qu'atteignent certains handicapés profonds. Perspective qui reste assez opaque, l'expérience du divin réside davantage dans le comportement de parents sublimes.
Connaissant l'auteur, on ne sera pas surpris de trouver une belle réhabilitation de Spinoza lavé du grief d'athéisme et du soupçon de panthéisme. La mystique spinoziste n'est évidemment pas assimilable à la haute mystique de Juan de Yépès et de Surin, mais c'est la critique des Ecritures et du discours dogmatique qui paraît propre à assainir nos vues sur Dieu et à les purifier de leur superstition. Répétons que le « misérable Spinoza » de Bayle et de Jacobi n'est aucunement un athée, et que « le grenier à sel » ne nous fournit pas en l'occurrence l'ingrédient cher à Jules Lagneau et à Jean Lacroix, un insipide athéisme qui empêcherait la pensée de Dieu de se corrompre.


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