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BB n°25 CHARLES MAURRAS ET LES CATHOLIQUES FRANÇAIS 1890-1914

BB n°25 CHARLES MAURRAS ET LES CATHOLIQUES FRANÇAIS 1890-1914

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Date d'ajout : vendredi 04 décembre 2015

par Yves TRANVOUEZ

REVUE : CRISTIANESIMO NELLA STORIA, 1997

Traduction française d'un ouvrage initialement publié à Cambridge en 1982 l'étude de Michael Sutton est une contribution incontournable à la compréhension des rapports complexes entre les catholiques et l'Action française. Elle se situe en quelque sorte en aval du livre posthume de Victor Nguyen, Aux origines de l’Action française (Paris 1991), consacré à la formation intellectuelle de Maurras, et en amont de la grande thèse, encore inédite, de Jacques Prévotat sur les deux condamnations romaines de l'A.F. (Paris X, 1994). Entre eux, Michael Sutton s'intéresse à la période qui va de l'affaire Dreyfus au début de la Première Guerre mondiale. Phase décisive : en 1900, l'Action française n'est encore qu'un groupuscule intellectuel ; sept ans plus tard, elle est devenue un véritable mouvement politique, grâce à l'adhésion ou à la sympathie d'une partie des milieux catholiques, qui a vu en elle un recours face à la politique anticléricale des gouvernements du Bloc des Gauches et à la mise en œuvre de la loi de séparation des Églises et de l'État. Encore sept ans, et l'Action française se retrouve dans une situation paradoxale, portée plus que jamais par la « marée montante du nationalisme et du patriotisme » (p. 286), mais fragilisée aussi par les critiques de plus en plus appuyées émanant d'autres secteurs de l'opinion catholique, ceux-là mêmes qui obtiennent de Rome, en janvier 1914, la fameuse condamnation dont Pie X sursoit à l'application.
L'évolution politique et sociologique de l'Action française est naturellement évoquée dans le livre, mais elle n'en est pas vraiment l'objet. Il ne faut pas chercher ici Maurras au presbytère ou au château. Michael Sutton préfère concentrer son attention sur les controverses qui jalonnent les rapports de l'Action française et des intellectuels catholiques. Après avoir montré comment Maurras lit Auguste Comte 1 (chapitre 1), puis sa conception de l'alliance possible et nécessaire, pour le salut de la France, entre positivistes et catholiques (chapitre 2), il aborde successivement ses polémiques avec Marc Sangnier (chapitre 3), Maurice Blondel (chapitre 4) et le Père Laberthonnière (chapitre 5), pour finir par les interventions romaines qui frappent - inégalement - les deux parties (chapitre 6).
De cette analyse minutieuse et très éclairante on retiendra ici trois aspects.
D'abord la complexité du paysage idéologique mis en évidence par ce « colloque imaginaire » qu'institue l'historien des idées, selon la formule chère à Émile Poulat. Ce n'est pas l'Action française contre le Sillon, d'un côté Maurras et ses partisans, et de l'autre Sangnier et ses défenseurs. Les divergences politiques se croisent en effet avec un débat théologique et ecclésiologique qui ne suit pas les mêmes lignes de fracture. C'est ainsi, par exemple, que Laberthonnière est avec Sangnier contre Maurras, mais cela ne l'empêche pas de reprocher au Sillon sa faiblesse intellectuelle, son fonctionnement charismatique qui exclut toute contestation de « Marc », et son adhésion à l'ultramontanisme - la soumission de 1910 lui paraîtra un peu trop servile.
Le livre montre bien, par ailleurs, comment Maurras, arrivé par le positivisme à « un besoin rigoureux de manquer de Dieu », a pu concevoir d'associer les catholiques à son projet politique. Du monothéisme juif, le christianisme, en particulier dans sa version protestante, lui semble avoir hérité l'objection de conscience permanente, le principe anarchique du recours de l'individu à Dieu contre les pouvoirs établis. Mais, notait-il déjà en 1898, « si Dieu parle au secret d'un cœur catholique, ces paroles sont contrôlées et comme poinçonnées par des docteurs, qui sont dominés à leur tour par une autorité supérieure, la seule qui soit sans appel, conservatrice infaillible de la doctrine : l'esprit de fantaisie et de divagation, la folie du sens propre se trouvent ainsi réduits à leur minimum » (cité p. 29). On s'explique ainsi, écrit Michael Sutton, qu'il y ait finalement peu de différences entre le positiviste maurrassien et le catholique maurrassien, « L'un el l'autre sont les fils d'une tradition qui remonte à la Grèce antique et à Rome, et sont imprégnés des valeurs classiques d'ordre et d'harmonie - leurs passés se confondent. Tous deux sont des ennemis implacables de l’esprit de l’anarchie mystique, produit du judaïsme et du protestantisme » (p. 81).
Mais les passages les plus originaux sont peut-être ceux dans lesquels l'auteur met en évidence la logique interne des catholiques maurrassiens. Plus qu'au cardinal Billot ou au Père Pègues, qui passeront plus tard pour les principaux théologiens acquis à l'Action française, Michael Sutton s'intéresse au Père Descoqs, jésuite, rédacteur aux Études, qui apparaît comme le meilleur théoricien de cette collaboration dans les années 1909 à 1914. L'analyse détaillée de ses écrits montre bien que celle collaboration se fonde moins sur le thomisme de saint Thomas d'Aquin que sur celui de Suarez, qui, en séparant nettement le naturel et le surnaturel, permet de légitimer l'autonomie du politique et l'alliance avec des agnostiques : contradiction d'un catholicisme intransigeant qui se donne les outils modernes de son efficacité politique. C'est la clef de ce paradoxe qui verra les catholiques intégraux d'Action française finir par être condamnés pour modernisme.
On voit que l’étude de Michael Sutton a valeur exemplaire : elle éclaire indirectement toutes les crises analogues, liées à la question du mode d'insertion du christianisme dans la société politique moderne. C'est dire tout l'intérêt de cet ouvrage, qui dépasse largement l’étroitesse apparente de son propos.


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