Editions BEAUCHESNE

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09. LES JÉSUITES

09. LES JÉSUITES

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Date d'ajout : mardi 23 mai 2017

par Jean SÉGUY

ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES ET RELIGIEUSES

Douze savants, dont onze jésuites, ont collaboré à ce petit livre qui est extrait - hormis l'introduction par Alain Guillermou et la conclusion par Karl Rahner - du Dictionnaire de spiritualité (Paris, Beauchesne, t. VIII, col. 958-1065, article Jésuites). Il s'agit de la spiritualité de la Compagnie de Jésus, celle d'Ignace étant supposée connue, et rappelée ici par l'Introduction. Sept chapitres : l, Les débuts de la Compagnie de Jésus, par Candido de Dalmases ; II, Élaboration de la spiritualité des jésuites, 1556-1606, par Ignacio Iparraguirre ; III, La Réforme de l'intérieur au temps d'Aquaviva, 1581-1615, par Michel de Certeau ; IV, Le XVIIe siècle français, par le même ; V, Les jésuites de l'assistance de Germanie, 1648-1773, par Hans Wolter, Günther Switek, Karol Grosky et Klaus Peter Dietz ; VI, La perspective missionnaire dans la spiritualité des jésuites, par Joseph Masson ; VII, La nouvelle Compagnie en France, par Pierre Vallin. La conclusion, signée par Karl Rahner, s'intitule « Les Jésuites demain ». Une bibliographie précède l'ensemble, due à André Derville.
L'histoire de la spiritualité n'a pas bonne presse ; elle n'a pas non plus le travail facile, car finalement elle intéresse surtout les tenants de spiritualités particulières, et encore pas tous. Elle procède donc lentement, et tout ou presque paraît encore à faire dans bien des domaines. A lire les contributions ici réunies, on recueille l'impression à la fois que pas mal de recherches ont été faites ou se trouvent en cours de réalisation, et que les travaux ponctuels ne parviennent pas à donner une idée exacte - ni approchée - de ce que la spiritualité jésuite a pu être au cours des siècles. De ce point de vue, la contribution de P.V. sur la nouvelle Compagnie (et en France seulement) paraît particulièrement symptomatique : le plus proche y semble presque le plus lointain, comme si le phénomène échappait dès qu'on le touche.
Pourtant et aussi, un certain nombre de points ressortent des apports variés (par la méthode, le style, les diverses épistémologies implicites). Michel de Certeau est peut-être celui qui les fait le mieux voir, sans tenter toujours de les montrer. On recueille l'impression, à le lire et à lire ses confrères, que le problème de la spiritualité de la Compagnie pourrait se dire dans les termes d'une recherche sur toute tradition. Tradition à pluraliser dès l'abord, car après Ignace et jusqu'à Vatican II, que de spiritualités (au pluriel) à se dire jésuites ou à passer pour telles. En France même (ici P. Vallin et M. de Certeau se rencontrent), un sud et un nord s'opposent, un Far-West aussi se dessine au XVIIe siècle avec les missions bretonnes, leurs maisons de retraite, leurs « spirituels » (Lallemant, Rigouleue, etc.) opposés à l'effusio ad exteriora des jésuites urbains, parisiens, politiques. Hors de France, la même diversité se lit, géographiquement ou en suivant les frontières des écoles, éventuellement capables de se recouvrir dans un même homme d'ailleurs. Au-dessus de ces différenciations, une unité cependant se noue : au niveau de la dichotomie dedans-dehors ou des « nôtres » et des « autres ». Unité qui n'est pas de façade et pourtant se nie elle-même dans la diversité de ses sources et l'incertitude, de ses contours. Car si les généraux imposent ' l'image d'une acies ordinata, le corps de la Compagnie vit au grand air et en reçoit les effets. La multiplicité des influences subies (mystiques du nord et du sud, demande des dirigées et pénitents, fréquentation de l'École française aussi bien que des Pères et des écrits des premiers compagnons) se trouve mal compensée par l'impulsion reçue d'en haut. Là encore la contribution de M. de C. et celle de P. V. montrent bien les croisements et la contradiction. C'est probablement la société toute entière qui, dans et par le prisme d'un projet spécifique et d'une pratique particulière, reflète ses besoins, ses structures, ses exigences dans l'idéologie concrètement vécue par les jésuites.
M. de C. montre admirablement comment sous le P. Aquaviva (1581-1615) l'image ou le souvenir d'Ignace et des premiers Pères se transforme devant les nécessités de l’institutionalisation conséquente à l'expansion. Une objectivité est introduite (par le culte de la lettre) dans la relation - jusque là existentielle - au charisme fondateur. Dès lors l'effervescence ne pourra plus être que rhétorique, et c'est à la rhétorique en effet qu'il faut rapporter l'humanisme dévot. Le métier de pédagogue, occupation de la plus grande partie des jésuites, modèle leur vue et leur pratique de l'expérience intérieure. L'ensemble des contributions permet d'ailleurs d'apercevoir ici le fort lien unissant les formes diverses du faire jésuite et l'approche de leur vie intérieure. L'organisation même de la Compagnie s'exprime aussi dans plus d'une tension et dans des spiritualités spécifiques (problème des régents, des juvénistes, etc., rapport entre troisième An et deuxième conversion chez Lallemant, etc.). Curieusement pourtant les frères coadjuteurs n'apparaissent jamais - ou avons-nous mal lu ? - dans ce recueil.
Certes les auteurs ne s'expriment pas comme nous le faisons ici. En particulier ils n'envisagent que peu - cf. l'apport d'Iparraguirre qui parle de « la transmission de l'esprit ignatien » - le problème de la tradition spirituelle. N'est-ce pas pourtant autour de ce concept que l'on pourrait mettre en perspective l'ensemble ici présenté ? L'expérience d'Ignace - disjointe des textes ignatiens - s'est-elle transmise ? Comment et pourquoi un jésuite d'aujourd'hui se réfère-t-i1 à son fondateur ? Par quel moyen sait-il quoi de lui ? A quoi correspondent - aujourd'hui et dans le passé - les images que les jésuites ont pu prendre pour la vérité de leur origine et de leur expérience, dans la coïncidence supposée des deux ? Toutes ces questions et d'autres, il faudrait les poser dans les termes d'une recherche sociologique (ou psychologique) de la transmission d'une croyance, ou de l'illusion nécessaire d'une telle tradition. Autre ligne à suivre, qu'inspire également la lecture de cet ouvrage : la sociologie des histoires de la spiritualité et celle de ses critères. Que signifie, par exemple, le fait qu'ici aucun auteur ne s'attaque au problème de la spiritualité jésuite entre 1773 (date de la suppression de l'ordre) et 1814 (date du rétablissement) ? Clorivière, les Pères de Russie, les jésuites du diocèse de Baltimore, ceux aussi qui inspirèrent plus d'une « congrégation du Sacré-Cœur » en marge - ou au sein - de la tourmente révolutionnaire, bien d'autres encore sans doute, mériteraient attention. Leur attitude et leurs aventures n'expliqueraient-elles pas en grande partie les transformations dont la spiritualité de la Compagnie se trouva marquée après le rétablissement, et que P. Vallin souligne ici ? Karl Rahner, dans la conclusion de l'ouvrage, cite avec ferveur une curieuse phrase d'un jésuite au moment de la suppression : « Si tu restes avec moi dans la mort, je serai pour toujours ton compagnon, mon Jésus, et ni le Pape ni Satan ne pourront l'empêcher ». Le compagnonnage ici institué entre le pape et le démon méritait commentaire, de même que ses répercussions sur l'ecclésiologie et sur l'idée que ce jésuite se faisait de la place de la Compagnie dans l'Église. On aimerait savoir comment les jésuites, en général, réagirent à la suppression de leur ordre, comment ils l'interprétèrent dans le fil de leur spiritualité, comment, en d'autres termes et entre autres choses, ils vivaient l'obéissance au pape, concrètement dans leur chair. De ce point de vue, l'étude du jésuite Lacunza (Arch., 39, n° 281) n'apparaîtrait pas impertinente. Y en eut-il beaucoup qui, comme lui, voyaient l'Antéchrist dans le clergé romain apostat ? Question importante que pose l'importante césure entre l'ancienne et la nouvelle Compagnie, et qui nous éclairerait sur plus d'un non-dit, celui en particulier du lien avec les alumbrados (cf. ce qu'en dit M. de Certeau, rapidement p. 58). N'aurait-il pas toujours existé, chez les jésuites, un courant sans cesse résurgent et sans cesse réprimé, de protest within, remontant aux origines mêmes de l'ordre et qui serait antiecclésiastique dans les limites et selon des modes à préciser ? Ne serait-ce pas parce que cette tendance peut se manifester sans bride entre 1773 et 1814 que cette césure est soumise à censure ? Autant de questions ... qui ramèneraient l'étude d'un ordre religieux, plus près de celle des mouvements sectaires, selon une idée chère à Weber, à Troeltsch et au présent recenseur.


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