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04. ROBERT SCHUMAN

04. ROBERT SCHUMAN

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Date d'ajout : mercredi 23 décembre 2015

par J. B.

REVUE : LUXEMBURGER WORT, 30 juillet 1997

Heureuse proximité du calendrier: peu après la Fête nationale, le Luxembourg prendra, le 1er juillet, le relais de la présidence européenne, nous rappelant ainsi les liens entre les concepts de nation et d'union.
Cela étant, c'est évidemment le drame de nos 18 millions de chômeurs qui interpelle d'abord, au plus profond. Il doit constituer la priorité absolue de la Communauté. Dans ce sens, « l'Europe doit gouverner l'euro et pas l'inverse », et « le marché n'est pas tout » (le Premier ministre Jean-Claude Juncker dans un entretien avec Le Figaro du 16 juin dernier). Bref, comme souligné par le ministre d'État lors de son message d'avant-hier, politique et économie sont au service de l'homme et non vice versa.
Depuis un Emmanuel Mounier, le personnalisme chrétien - l'un et l'autre de ces deux termes s'opposent à celui d'individualisme - ne proclame rien d'autre que ce service. Il rejoint dès lors la doctrine sociale de l'Église, qui puise aux sources de l'Évangile l'équilibre de son exigence et de son humanité.
Cette mission ecclésiale est souvent méconnue, ignorée même, dans le tintamarre médiatique. Il est vrai qu'elle n'a que faire du commerce des mots et des images à sensation - dont l'inflation engendre la dévaluation.
Précisément à propos de l'Europe, son « ensemble ne pourra et ne devra pas rester une entreprise économique et technique : il lui faut une âme, la conscience de ses affinités historiques et de ses responsabilités présentes et futures ». Voilà un bout de phrase qui vaut un vaste programme ; son auteur est Robert Schuman, à qui le professeur lorrain René Lejeune consacra naguère un ouvrage au sous-titre significatif : Une âme pour l'Europe. Également intitulée Robert Schuman, une autre biographie du créateur de la Communauté du charbon et de l'acier et que signa Raymond Poidevin a paru dans une collection où sont mis en exergue « politiques & chrétiens ». Si ces deux livres sont mentionnés ici, c'est parce qu'ils éclairent en particulier la force morale et spirituelle d'un constructeur exemplaire de l'Union et dont on connaît, par surcroît, les attaches avec le Luxembourg.
A vrai dire, si les notions d'âme et de spiritualité ne semblent aujourd'hui plus guère à l'ordre du jour des rencontres internationales sur notre devenir, elles furent parmi les motivations premières des pères fondateurs et de l'efficacité de leurs progrès solidaires (ainsi, quoi de plus concret que du charbon et de l'acier ?).
Ce constat en amène un autre : alors que la génération des fondateurs venait de survivre à la tragédie fratricide la plus meurtrière de l'histoire, nous sommes les contemporains de la finissante société de consommation. Et là où les anciens avaient d'abord à déblayer ruines et charniers, nos représentants sont actuellement requis sur les échafaudages. Savent-ils assez - et leur rappelons-nous assez - qu'à ce stade d'avancement des travaux, le cahier des charges continue à réclamer le ciment de la foi initiale ?
A cet égard, les siècles qui nous ont faits enseignent que ce qui nous a été légué de durable était et reste animé par un souffle d'éternité. Voyez, au gré de la présence du passé, ces sommets du Moyen Âge que sont les cathédrales. Ou, dans la peinture, le retable de l'Agneau mystique, synthèse des perspectives chrétiennes. En fait, innombrable est l'héritage des chefs-d'œuvre où la civilisation occidentale aura intégré génie prophétique et aspirations populaires.
Il y a dans tous ces constats au moins un peu de quoi se sentir interpellé.
Ainsi donc, si l'Europe « est toujours à faire » (Albert Camus), elle est également à refaire, au nom d'une grandeur qui porta jusqu'à nous les élans, parfois sublimes, de sa pensée, de son éthique et de sa métaphysique.
Au contraire d'une vue stérilement traditionaliste où le regard serait fixé sur le seul rétroviseur, il s'agit là d'une vision réaliste et prospective. Sans spiritualité, point de passé ; sans spiritualité, point d'avenir.
Les maux actuels de notre presqu'île de l'Asie sont certainement dus, pour une part essentielle, à la méconnaissance voire au mépris - de ces évidences. D'où l'ambiante langue de bois, volontiers politicienne, qui récupère la cause européenne à des fins partisanes ne servant que les intérêts de quelques carriéristes.
Alors, de quelle Europe les générations montantes auront-elles à prendre la relève ? Et dans quel environnement ? Celui d'un capitalisme sauvage ou d'un étatisme stérilisant ? Ici encore, on aimera renvoyer à la doctrine sociale de l'Église et à son souci d'une équité prenant en compte à la fois la personne et les appels de la société. Afin que soient préservées et promues à l'adresse des jeunes les valeurs fondées sur la paix (intérieure et communautaire) promise aux êtres de bonne volonté.
Bonne volonté, c'est-à-dire vertu du dialogue, dans cette part vivifiante de l'échange où il s'agit bien moins de convaincre l'autre que d'accéder avec lui à une vérité plus haute. En un effort créatif digne d'une Europe intensément plurielle.
Europe plurielle dès la grande région, transfrontalière, qui déjà constitue tout un moulin à peuples. Au-delà des progrès accomplis au cours des dernières décennies, le dialogue y est d'autant plus nécessaire qu'il n'est pas toujours aussi évident que pourrait donner à croire le ronron satisfait de maints discours officiels, quand ceux-ci passent par-dessus les têtes des gens - de leur vécu et de leur ressenti. C'est que l'histoire y a laissé des cicatrices, tandis que la sociologie y a fait évoluer diversement les mentalités. Europe à la portée directe d'un voisinage immédiat et constant. C'est là que l'union commence, se teste et se mesure. C'est là que se vérifie au mieux sa qualité d'âme.
Puis enfin, s'imprégner des hauteurs mosellanes de Scy-Chazelles où, dans le dépouillement d'un silence recueilli, Robert Schuman méditait l'aventure européenne.
Tout ce qu'il y a de grand dans le monde a besoin de silence.


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