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04. ROBERT SCHUMAN

04. ROBERT SCHUMAN

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Date d'ajout : lundi 07 décembre 2015

par Jean PEYRADE

REVUE : LA FRANCE CATHOLIQUE, mars 2000

Le 9 mai 1950, « bousculant les timidités de ses collègues et les lenteurs de ses services », Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, présentait dans le Salon de l'Horloge du Quai d'Orsay, à une assemblée de diplomates et de journalistes, le plan inattendu, inspiré des propositions de Jean Monnet, qui devait porter son nom, «Il n'est plus question, disait-il, de vaines paroles, mais d'un acte, d'un acte hardi, d'un acte constructif. La France a agi et les conséquences de son action peuvent être immenses. Elle a agi essentiellement pour la paix, Pour que la paix s'établisse, il faut, d'abord, qu'il y ait une Europe ».
Le gouvernement français proposait de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier, sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays européens. Cette solidarité de production devait manifester que toute guerre entre la France et l'Allemagne devenait non seulement impensable mais matériellement impossible. Pour renverser le cours tragique de l'histoire entre les deux pays, il liait leurs économies au centre vital qui avait alimenté leurs guerres fratricides.
Homme de la frontière, né allemand, au Luxembourg, en 1886, dans une famille lorraine, Robert Schuman avait fait ses études au lycée de Metz, puis appris le droit aux universités de Berlin, Munich et Strasbourg. Devenu avocat à Metz, il milite à la Jeunesse catholique et devient en 1913 président d'une fédération diocésaine qui rassemble quatre-vingt-six associations représentant environ quatre mille jeunes. Affecté en 1914 pour raisons médicales à une unité non combattante de la Reichwehr, il est ensuite détaché dans une administration civile. En 1919, l'Alsace et la Moselle revenant à la France, il devient Français comme l'avaient été ses parents avant 1871. Élu député de la Moselle, il sera constamment réélu jusqu'en 1962.
A Paris, il participe aux activités de l'Action populaire qu'anime le père Desbuquois et propose aux catholiques sociaux un programme d'action politique et sociale qui sera celui du Parti démocrate populaire, En 1924, il s'oppose, à la tribune de la Chambre des députés, au projet du Cartel des gauches de supprimer le statut concordataire des provinces recouvrées qu'avait respecté l'Allemagne et de leur appliquer la législation laïque du début du siècle et il participe aux nombreux meetings qui feront renoncer le gouvernement du Cartel à ses projets. Au cours des législatures de l'entre-deux-guerres, il s'impose au Parlement par le sérieux de ses travaux à la Commission de législation civile et criminelle et surtout à la Commission des finances.
Premier parlementaire français arrêté par les Allemands, pour raison politique, à l'automne de 1940, à Metz, Robert Schuman tint tête au Gauleiter de Lorraine, Bürckel, et refusa toutes ses avances, Après neuf mois de prison, il fut placé en résidence surveillée à Neustadt, petite ville du Palatinat, où, grâce à sa parfaite connaissance de la langue allemande, il se livra à une enquête remarquable sur l'état d'esprit des populations au moment de l'offensive hitlérienne en URSS. Et au mois d'août 1942, il parvint à s'évader, se cacha à l'abbaye bénédictine de Ligugé, près de Poitiers, puis, sa tête étant mise à prix par la police allemande, chez des amis en zone libre.
A la Libération, Robert Schuman contribue à la fondation du Mouvement républicain populaire où se retrouvent des démocrates-chrétiens et des catholiques sociaux issus de l'ACJF et des mouvements spécialisés (TOC et JAC) de l'Action catholique qui avaient pris part au développement de la Résistance. Ministre des Finances en 1946, il fait dresser l'Inventaire de la situation financière de la France qui est catastrophique, puis engage la lutte contre l'inflation et tente d'obtenir l'équilibre budgétaire. Alors que libéraux et dirigistes s'affrontent au sein même du gouvernement, il professe que le dirigisme ne se justifie que s'il y a insuffisance de produits qui risquent de manquer aux moins fortunés et que si l'État est assez fort pour appliquer et faire respecter ses décisions. Pour lui, « l'intervention systématique de l'État dans l'économie n'est ni une fin en soi, ni une tâche inhérente à sa fonction essentielle et que, lorsque l'État prend l'habitude de se substituer à l'initiative privée, celle-ci se rétrécit et s'affaiblit »
Président du Conseil de novembre 1947 à juillet 1948, il fait face aux grèves insurrectionnelles fomentées par le Parti communiste et sa courroie de transmission la CGT qui visaient à déstabiliser le pays et tout l'Ouest européen et réussit à faire respecter la loi et finalement à sauver la démocratie. « Jamais, selon René Rémond, la France, entre 1946 et 1958, n'a paru aussi près de tomber dans la guerre civile : lignes téléphoniques coupées, gares occupées, commandos allant de ville en ville, déraillement du Paris-Arras dont on se demandera alors s'il avait été le résultat d'un acte criminel aujourd'hui avéré. Mais le gouvernement, sous la ferme direction de Robert Schuman, rétablit l'ordre.
Pour Raymond Barre : « Président du Conseil des ministres dans une conjoncture nationale et internationale préoccupante, Robert Schuman affrontera avec le plus grand sang-froid des grèves de caractère insurrectionnel, mais il affirmera que « sauver la République, c'est mettre un terme à l'exploitation de la détresse ; c'est par la réalisation d'une véritable démocratie sociale, faire le départ entre les mouvements revendicatifs légitimes exercés dans le cadre de la loi et les entreprises factieuses synchronisées à travers l'Europe ».
« Ministre des Affaires étrangères de juillet 1948 à janvier 1953, il parvient, malgré les pénibles conditions d'une action gouvernementale perpétuellement minée par la faiblesse des institutions, à conduire une politique étrangère caractérisée par la continuité de la cohérence. Homme de foi, il conçut sa tâche comme une mission, celle d'assurer solidement la paix ».
Robert Schuman attachait du prix à ce que le premier pas vers la réconciliation franco-allemande ait été fait au cours de l'Année Sainte 1950 quand Pie XII proclamait la Trêve de Dieu,
Les axes de son action diplomatique n'ont jamais été remis en question, Président du Mouvement européen, puis de l'Assemblée parlementaire européenne, il eut la joie de voir signer le traité de Rome qui instituait la Communauté économique européenne. Mais à la fin de sa vie, il s'inquiétait de l'évolution de l'Europe, vers une civilisation matérialiste à l'opposé de la vision chrétienne qu'il avait d'elle. « Les techniques modernes, l'accroissement irraisonné des besoins, rendent les hommes plus exigeants et plus esclaves du monde extérieur, Il y a décadence car les seuls besoins désirables sont ceux qui nous incitent à nous enrichir spirituellement. Il ne suffit pas d'inventer, il faut rester maître des forces qu'on a déchaînées pour qu'elles ne deviennent pas une cause d'insécurité illimitée. Il faut donc veiller à ce que le progrès spirituel aille de pair avec les avantages matériels ». Pour lui, la culture chrétienne constituait un facteur fondamental de l'Europe. L'acte politique essentiel de Robert Schuman fut bien la construction de l'Europe. Par une initiative que le chancelier Konrad Adenauer qualifiait d'« éblouissante et téméraire », il a jeté les bases de la Communauté européenne et par là, en associant la France et l'Allemagne dans une même entreprise a permis leur réconciliation. Ce faisant, il a marqué profondément l'histoire européenne de la seconde moitié du XXe siècle. Et contrairement à la plupart des hommes politiques des années cinquante, il a prévu que la réunification allemande se ferait et que l'Allemagne réunifiée et libre s'intégrerait à l'Europe.
Homme de vie intérieure que les circonstances placèrent au premier plan sur la scène du monde, Robert Schuman a témoigné de sa foi pendant toute sa vie. Responsable politique, il se sentait investi d'une véritable mission, Jacques de Bourbon-Busset qui l'a bien connu voyait en lui « un réaliste mystique ».
« C'est dans l'adoration qu'il puisait ses forces pour le combat du jour, dans l'Eucharistie… Comme tous les priants, la force invincible que Robert Schuman puise dans les moments privilégiés de la prière lui permet de ramener tout être, toute chose, tout problème à sa véritable échelle. La paisible sérénité qui émane de lui n'a pas d'autre source »
Travailleur acharné, juriste pointilleux, Mosellan profondément attaché à sa Lorraine, latiniste éminent, mais orateur à la parole lente, appliquée, Robert Schuman n'avait apparemment rien d'un homme de pouvoir. Mais il savait prendre des décisions rapides, imposer son idée sans se préoccuper des remous, poursuivre son objectif avec ténacité. A l'étranger où l'on se plaisait à souligner son esprit de conciliateur et son sens du compromis, il passait pour un grand diplomate ». Raymond Barre, cherchant à mieux comprendre Robert Schuman au-delà de ses actes, a perçu en lui « l'alliance toujours respectée des valeurs religieuses et humanistes et de l'action publique ». Et Konrad Adenauer a vu en lui « un homme à l'échelle de l'Histoire »
Partout, en toutes circonstances et jusqu'à sa mort qui survint le 4 septembre 1963, dans sa Lorraine, à Scy-Chazelles, Robert Schuman est resté lui-même: homme de spiritualité, d'humilité, d'attention aux autres, de dévouement au bien commun et aussi de réflexion et de prière, Foncièrement antimachiavélique, il voyait l'homme de gouvernement comme un serviteur de la communauté nationale.
Il consacra ses dernières années à enraciner l'idéal européen au cœur des peuples du vieux continent, sachant bien qu'il n'y avait pas d'autre voie pour porter vers l'avenir leur prodigieux héritage, répétant sans cesse que l'ensemble des pays de la communauté devait dépasser l'entreprise économique et technique. « Il lui faut une âme, disait-il, la conscience de ses affinités historiques et de ses responsabilités présentes et futures, une volonté politique au service d'un même idéal humain ».
Au terme de sa longue carrière, faisant le point de son action, il écrivit au début de Pour l'Europe, son ouvrage testamentaire : « J'ai eu le redoutable privilège de participer activement à la vie publique de mon pays, à une époque particulièrement troublée de son histoire et la lourde responsabilité d'orienter pendant plusieurs années sa politique étrangère. J'ai le sentiment d'avoir assumé ma responsabilité humaine ».
Peu d'hommes du gouvernement français, au cours des siècles, ont mis autant d'esprit évangélique que Robert Schuman dans l'exercice de leur fonction.


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