Editions BEAUCHESNE

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05. LE MODERNISME

05. LE MODERNISME

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Date d'ajout : mardi 21 mars 2017

par Paul OLIVIER

REVUE : RECHERCHES DE SCIENCE RELIGIEUSE

Ce volume, dirigé par le P. Dubarle, contient six contributions relatives au modernisme. En voici les titres et les auteurs :
Pierre Colin (Le kantisme dans la crise moderniste), Jean Houssaye (Le problème religieux dans la philosophie d'E. Le Roy), Stanislas Breton (Dogme de la résurrection et concept de matière), Xavier Tilliette (Maurice Blondel et la controverse christologique), Jean Greisch (Maurice Blondel et les aspects herméneutiques de la crise moderniste), Dominique Dubarle (Modernisme et expérience religieuse).
En prenant le kantisme comme fil conducteur, P. Colin n'entend pas seulement examiner le reproche souvent adressé aux modernistes, et particulièrement à Blondel, par leurs adversaires intégralistes, il entend situer les interventions du Magistère à l'intérieur d'une problématique philosophique ; et c'est dans cette perspective qu'il interroge la signification et la cohérence de Pascendi. P. Colin admet la cohérence de l'Encyclique ou plutôt du système « moderniste » qu'elle construit. La cohérence de l'Encyclique peut être établie, si on admet deux hypothèses de lecture ; la première : Pascendi vise, au-delà des modernistes mêmes, le protestantisme libéral et A. Sabatier; la seconde : le système moderniste s'oppose, pour l'auteur de l'Encyclique, à un autre système qui est le système doctrinal (p. 23). A partir de la reconstruction opérée du système moderniste, P. Colin va l'appliquer comme une grille de lecture sur la situation philosophique, culturelle, religieuse de l'époque, pour en faire ressortir la complexité, l'ambiguïté, les enjeux. Nous ne suivrons pas P. Colin dans ses cheminements ; d'autant que, de son propre aveu, la recherche qu'il a entreprise est un chantier où beaucoup de travaux restent à faire. En revanche, nous citerons sa belle conclusion comme une question : « Si le fond de la crise moderniste est philosophique, c'est en tant qu'elle oblige à prendre en charge ces questions fondamentales (relatives à la vérité). Mais elles concernent aussi le théologien. Depuis le temps de la crise moderniste, la théologie catholique s'est beaucoup transformée, mais a-t-elle jamais réglé la question du rapport entre ce qu'elle est devenue et l'idée qu'elle se faisait d'elle-même et de sa vérité lorsqu'elle se pensait comme science déductive, subalternée à la Science divine ? » (p.  81).
L'étude du P. Dubarle est peut-être une réponse indirecte à cette question.
L'article de J. Houssaye, simple survol de la pensée d'E. Le Roy, ne me paraît pas apporter grand chose de neuf ; sa remarque de conclusion: Le Roy « n'a pas réduit la révélation à la seule expérience religieuse : la révélation précède, domine et permet l'expérience religieuse et la foi, mais ne se ramène certes pas à elles, comme le voudrait le modernisme » (p. 100), mérite cependant notre attention. L'article de S. Breton tente de rendre pleinement justice à Le Roy, auteur souvent méconnu, en examinant le problème particulier du dogme de la résurrection et du concept de matière. Il insiste sur les résonances néo-platoniciennes de la théorie de la matière, que Le Roy était d'ailleurs loin de soupçonner : « je me demande si, dans cette optique, la résurrection, philosophiquement pensée, ne serait pas, non certes une rupture d'univers, mais la liberté souveraine, enfin retrouvée en ses ressources profondes après un périple terrestre, et capable à nouveau de créer un nouvel univers » (p. 118). On peut d'ailleurs regretter que le langage éthico-psychologique de Le Roy masque et lui masque la proximité de ses analyses à une théologie radicalement négative. Il ne reste, pour sauver l'invariant dogmatique, que « le recours à une théologie dogmatique sans compromis qui maintiendrait, en effet, dans la radicalité d'une méontologie, et la permanence d'une orientation vers l'ineffable, et le bien fondé des conduites, indéfiniment changeantes, qui rendent hommage, à travers les vicissitudes de nos dénominations et de nos pratiques, à « l'éminence » d'une « surréalité ». Le pragmatisme de Le Roy, et c'est par ce trait qu'il me semble si peu américain, est souvent proche de ce négatif par excellence » (p. 125). J.l resterait bien sûr à se demander si un néo-platonisme conséquent est compatible avec le réalisme chrétien; mais nous réservons pour une autre occasion la discussion de cette thèse.
En s'attachant à la controverse christologique qui met aux prises Blondel et Loisy, X. Tilliette entend montrer que « le débat moderniste n'a pas qu'un intérêt historique » (p. 132). Pour Blondel, le Christ est la clef de voûte de tout le créé : « Dans l'Action, d'une manière transparente et voilée, l'évocation du Christ intervient pour établir et garantir la réalité et l'objectivité du monde sensible. Le Christ est le Vinculum, le Licteur universel, il l'est aussi pour lier le multiple faisceau de l'apparence, du phénomène » (p. 141). Il n'est pas contestable que la source du panchristisme se trouve dans une expérience spirituelle et presque mystique de la présence du Christ dans la prière (p. 147). On comprend dès lors les réticences de Blondel devant la critique et l'histoire : « Sous le couvert d'une restriction méthodique, (l'histoire) bloque en fait tout dépassement. C'est d'une christologie majorante que la vérité se fait entendre » (p. 147). La christologie de la condescendance se refuse à absorber la divinité dans l'humanité (p. 148). Mais une telle position peut-elle s'accorder avec la doctrine paulinienne de la kénose ? C'est là une difficulté que rencontre la christologie sans cesse maximaliste de Blondel. La réponse de Blondel consiste à souligner « la capacité d'identification, de solidarité, propre au Fils de l'Homme », en quoi consiste l'inanition (p. 150). Le Christ de Blondel a « moins à rejoindre sa divinité qu'à atteindre son humanité » (p. 153). L'humanité et la finitude du Christ tiennent en quelque sorte à « la réalité des consciences et des obscurités humaines » qui demeurent en Lui (p. 153). Certes, le panchristisme de Blondel soulève des difficuhés, mais il est à la source de bien des conquêtes de la christologie contemporaine. Il n'est pas jusqu'à la christologie du P. Rahner qui, par une autre voie, celle de la christologie ascendante, ne rejoigne « l'intuition blondélienne de l'Emmanuel et du Fils de l'Homme » (p. 157). Il faut remercier le P. Tilliette de cette belle étude qui manifeste autant d'érudition maîtrisée que de rigueur philosophique.
L'étude de J. Greisch montre que la grandeur de Blondel est d'avoir à sa manière découvert le cercle herméneutique (pp. 174-175) dans son analyse du va-et-vient du fait à la foi et de la foi au fait. De ce point de vue, la tradition est un principe herméneutique : « le principe tradition » est lui-même un principe herméneutique permettant de transformer la question de méthode en une question herméneutique. Loin d'être un « savoir » occulte, à côté du savoir accessible à l'historien, loin d'être une tradition orale ven'ant compenser les lacunes de la tradition écrite, la « tradition » est condition de possibilité d'une compréhension 'articulée au niveau de l'histoire réelle, c'est-à-dire effective » (p. 177). En définitive, non seulement les questions de Blondel continuent de se poser, mais la réponse blondélienne reste pertinente ; elle « représente sans doute le paradigme d'une attitude philosophique valable pour nos débats les plus contemporains, qui concernent cette autre expérience des « frontières brouillées » qui est véhiculée présentement par les sciences dites humaines » (p. 179).
La longue étude du P. Dubarle mériterait à elle seule un compte rendu détaillé ; l'étude des « conditions épistémologiques du savoir croyant dans l'œuvre du P. Gardeil » en occupe le centre. En analysant de manière précise et successivement : la crédibilité et l'apologétique, le donné révélé et la théologie, la structure de l'âme et l'expérience mystique, le P. Dubarle entend montrer comment un philosophe néo-scolastique peut surmonter victorieusement le défi kantien lancé contre l'idée d'une possible expérience de Dieu (p. 212). La lecture du P. Dubarle est le modèle d'une lecture intelligente et généreuse, une lecture qui ne songe pas à enfermer un auteur dans son système, mais qui montre comment, avec les ressources de ce système, on peut en dépasser les étroitesses et répondre à des questions soulevées en marge et indépendamment de la problématique initiale. Ce n'est pas que le P. Dubarle veuille s'en tenir
à la pensée du P. Gardeil ni à celle de Saint Thomas, mais il entend nouer les conditions d'un dialogue philosophique le plus large possible. Nous ne saurions trop recommander la lecture de ces pages.


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