Editions BEAUCHESNE

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06. LE RITE

06. LE RITE

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Date d'ajout : mardi 22 août 2017

par Paul OLIVIER

RECHERCHES DE SCIENCES RELIGIEUSES, 72, 1984

Ce recueil est inspiré par la conviction que le rite est une forme de vie. Le présentateur, J. Greisch, exprime fort bien l'unité de sens de ces différents essais, en écrivant : "Il y a plus dans l'expérience religieuse que la forme de pensée et la forme de l'intuition, toutes les deux assumables dans le concept. Le rite indique ce point aveugle de la représentation où l'expérience religieuse s'inscrit dans un corps individuel ou social et qualifie une temporalité" (p. 7).
La première partie (La pensée devant le rite) regroupe les contributions de P.J. Labarrière : le rite et le temps; F. Bousquet : Et la chair se fit logos .Essai sur la réaction philosophique au rite ; F. Marty : le rite et la parole. La conclusion de P.J. Labarrière est pleine de sens : si le rite est une réalité proprement fondatrice où s'engage l'expérience et la diction du sens, il est normal que se manifeste "un certain retard dans la refonte et l'invention de nouvelles pratiques rituelles", car la permanence du rite nous permet de saisir ailleurs l'essentiel de la liberté dans les combats de l'histoire (p. 32). Conclusion pleine de sens, dont nous limiterions cependant la portée, s'il est vrai que le rite nous fonde et récapitule, inscrivant l'homme dans un temps qui transcende le temps de l'histoire. Utilisant les travaux de Detienne et Vernant aussi bien que ceux, trop négligés, de J. Cazeneuve, F. Bousquet souligne la nécessité, pour juger la vérité du rite, de dépasser une conception purement logique de la vérité, car la vérité "c'est aussi la reconnaissance du sujet par le sujet" (p. 59). La purification du rite ne peut consister à le rejeter simplement ni à le dépasser, car "toujours reste, dans l'autoposition du rite, le critère qui le juge et ensemble le fait juge : le logos qu'il porte et qui le porte" (p. 65).
La deuxième partie (La Violence du rite) regroupe les contributions de J. Greisch (Une anthropologie fondamentalle du rite : René Girard) et de Maria da Penha Villela-Petit (Caïn et Abel : La querelle des offrandes). Il faut savoir gré à J. Greisch de marquer avec force les limites de l'approche de R. Girard, dont on a probablement majoré abusivement l'importance. Les points critiques qu'il souligne suscitent aussi notre perplexité : absence de toute dimension cosmologique du rite : esprit néo-positiviste de la recherche et refus délibéré de la philosophie ; orientation profondément gnostique de toutes les analyses. "La raison ultime de notre résistance concerne sans doute l'empreinte gnostique de cette pensée, le refus de se référer à toute transcendance autre que celle du savoir en train de se faire" (p. 119). Il ne s'agit pas de juger R. Girard au nom d'une orthodoxie religieuse, mais de refuser la violence de l'interprétation qui plie les faits à l'hypothèse (Ibidem). Nous avons également apprécié l'article de Madame Villela-Petit qui, s'appuyant sur une étude fouillée de la querelle de Caïn et d'Abel, récuse les limites de l'interprétation non sacrificielle du christianisme proposée par R. Girard. La conclusion très ferme tire sa valeur des analyses que nous ne pouvons malheureusement pas résumer : "si son rituel de partage est bien compris, la Messe devrait nous enseigner ce que contenait déjà inchoativement, dès le commencement, l'histoire de Caïn et d'Abel, à savoir qu'aucune fraternité naturelle, ou conquise par ses propres moyens, n'est bien fondée. Toute utopie de fraternité universelle, tout principe d'espérance, et quel que soit l'élan généreux qui le porte, est voué à l'échec. Car la Paix ne peut être que don de l'Esprit de Dieu qui, nous rendant frères (dans le Fils, pour les chrétiens), nous ramène au Père" (p. 147).
La troisième partie (Les Rites de l'inconscient) regroupe les contributions de J.F. Catalan (Rites et ritualisme obsessionnels. Psychopathologie et Religion : de S. Freud à A. Vergote, un essai d'interprétation) et de P. Kaeppelin (Le psychodrame analytique : Rite d'initiation à l'inconscient). Les deux articles, dispensant une information honnête mais sans grande originalité, proposent des jugements équilibrés, inspirés par la psychanalyse ou ses dérivés, avec les nuances nécessaires à celui qui veut confronter strieusement religion et sciences humaines.
Nous nous attarderons sur la dernière partie qui examine La Ritualité chrétienne avec l'unique article de E.D. Yon : Deux figures du rite dans le christianisme. Leurs notions de transcendance et de médiation. Une analyse subtile permet à E.D. Yon de montrer que l'extériorité et l'altérité du rite n'en marquent pas la faiblesse mais la force : "l'altérité de l'institution est le signe de l'altérité de Dieu, chiffre de l'Autre" (p. 212). Distinguer, à la suite de R. Girard, la transcendance des doubles et la surtranscendance de l'Amour permettrait alors de saisir le véritable sens de la spiritualisation du rite : "la liturgie serait le Moyen de passer de la violence à l'Amour, par le renversement qui s'y opère de la prestation à la réception du Don originaire" (p. 215). Alors, les rites, "au lieu d'être qualifiés par l' Altérité impénétrable et imposante du dédoublement", deviennent "traces du Don originaire, médiateurs" (Ibidem). Cependant, l'histoire nous place en face de deux figures du culte chrétien entre lesquelles le philosophe et le théologien pourraient être tentés de choisir. Le christianisme primitif, occultant la hiérarchie, propose "une diffusion des médiations" dans la communauté, "à travers les moments d'une vie livrée à Dieu et au prochain" (p. 245) ; la seconde figure, accentuant "davantage la dimension de transcendance et de louange", atteint cependant aussi le cœur de la vie chrétienne. Il n'est pas possible de sacrifier l'un ou l'autre de ces deux figures, car, dans les deux cas, "l'Amour est déposition de soi, sortie de soi sans retour, extase" (p. 245).
L'ensemble est de bonne tenue malgré les faiblesses inhérentes au genre du recueil collectif, qui ne permet pas de traiter les questions abordées en profondeur et manque de la visée systématique nécessaire à toute véritable pensée. Nous regrettons plus particulièrement ici que le rite ait été si totalement séparé du mythe et du symbole, sous le prétexte que ces thèmes font l'objet d'un autre recueil. Le rite, séparé de son symbolisme, risque de perdre toute signification.


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